galtier (christophe) (S.Mantey/L'Equipe)

Comment Lille s'est mué en potentiel champion

Avec trois points d'avance sur son dauphin, le PSG, Lille est en très bonne posture pour soulever un titre de champion de France qui fuit le Nord depuis maintenant dix ans. Au fil des journées, Christophe Galtier et ses hommes se sont mués en concurrents pour le titre. Retour sur la recette du succès des Dogues.

Le LOSC est à deux petites journées de soulever le titre de champion de France. Au terme d’une saison où ils ont fait preuve d’une grande régularité, les joueurs de Christophe Galtier ont très vite eu l’étiquette de potentiel concurrent pour le titre collée sur la figure. Et pour cause, les Lillois grimpent sur la première marche dès la septième journée. Au total, ils ont occupé le fauteuil de leader pendant 17 journées. Malgré une course-poursuite intense avec l’OL, Monaco et le PSG, le LOSC semble bien parti pour défendre son sésame jusqu’au bout. Comment ? En s’appuyant sur un schéma de jeu assimilé par les joueurs (le 4-4-2 à plat) et sur les préceptes du coach Galtier : solidité, pressing et transitions rapides. Zoom sur ce qui a fait du LOSC un concurrent au titre légitime.

Une forteresse défensive

C’est sans doute la première chose qui vient à l’esprit lorsqu’on évoque les raisons du succès nordiste : la solidité défensive. Les Lillois peuvent se targuer d’être la meilleure défense de Ligue 1 et même la meilleure des cinq grands Championnats avec seulement 22 buts encaissés. Une imperméabilité incarnée d’une part par la charnière centrale, constituée de l’expérimenté José Fonte (37ans) et du régulier Sven Botman (21 ans). Les deux golgoths qui cumulent 386cm à eux deux sont impériaux dans les airs et lisent très bien le jeu. Et d’autre part par l’ultime mur des Dogues : Mike Maignan. Ce n’est pas une coïncidence si le portier formé au PSG est nommé pour le trophée de meilleur gardien de Ligue 1, car une fois la forteresse percée, les équipes adverses doivent faire face à un dernier rempart extrêmement solide qui compte pas moins de vingt clean sheets cette saison ! Ces trois garants défensifs sont les joueurs les plus utilisés par Galtier avec chacun plus de 3000 minutes disputées en Championnat cette saison. Pas anodin.

Un pressing collectif haut et intense

«Lille, c’est vraiment une machine dans le pressing», lançait Olivier Dall’Oglio, après le match nul entre Brest et le LOSC (0-0, 25e journée). Car oui, face aux équipes les moins huppées, les Dogues ont tout bonnement pris à la gorge leurs adversaires en exerçant un pressing très intense et très haut. Un principe de jeu sur lequel le coach et ses joueurs travaillent depuis plusieurs mois comme il le confiait en conférence de presse :  «On essaie d’avoir une emprise sur le match, on essaie de faire en sorte que l'équipe adverse ne puisse pas s’exprimer. Soit en allant les chercher très haut, soit en les privant de ballon. C’est une philosophie, un état d’esprit. On y travaille depuis des mois.»  L’objectif est clair : récupérer le ballon très tôt, et le plus haut possible. Et à ce jeu-là, dans le 4-4-2 habituel de l’écurie de la capitale des Flandres, un joueur excelle particulièrement : Benjamin André. «Starter du pressing» selon son entraîneur, le joueur de 30 ans se montre très généreux sur le pré et a la faculté à pouvoir presser très haut et très vite à la perte de balle. Ses statistiques le prouvent, lui qui tourne à 2,4 interceptions et 3,6 tacles réussis par match. L’ancien Rennais est l’invariable de l’entrejeu lillois, accompagné de Boubakary Soumaré ou Renato Sanches. Mais ne vous y trompez pas, cette intensité à la perte du ballon est bien avant tout une œuvre collective. «Le LOSC, c’est un gros collectif, un gros bloc, et quand on est tous concentrés et qu’on se bat pour les autres, on est impassable», soufflait le milieu après la victoire face au PSG début avril (0-1).

Des transitions rapides et des attaques furtives redoutables

Cette imperméabilité défensive ne serait pas aussi utile si le secteur offensif ne remplissait pas sa tâche, lui aussi, à merveille. Sur le front de l’attaque, il y a bien évidemment  Burak Yilmaz qui donne l’impression d’être dans la fleur de l’âge, à 36 ans. Mais il ne faut pas oublier le reste des animateurs offensif lillois, qui sont eux aussi cliniques. Ainsi sur les 62 buts inscrits par les Dogues, 51 l’ont été par des joueurs du quatuor d’attaque de Christophe Galtier. Parmi les 12 buteurs lillois, cinq n’ont pas de vocation offensive. Le secteur offensif lillois est fait de transitions rapides, d’attaques piquées salvatrices. Avec les flèches Jonathan Bamba et Jonathan Ikoné sur les côtés (ou à défaut Timothy Weah ou Luiz Araujo, tout aussi vifs), c’est plus facile de déstabiliser les blocs adverses en transition. Si la solution n’est pas trouvée lors de celle-ci, les Dogues n’hésitent pas à tenter leur chance de loin. Ils sont les leaders des tentatives lointaines avec 5,8 frappes d’en dehors de la surface de réparation par match. Logiquement, c’est aussi l’équipe qui marque le plus de loin. Parfois aveu d’impuissance pour certains, audace pour d’autres, ces tentatives lointaines ont parfois débloqué des situations. On repense à la frappe de Bamba face à Lyon lors du match aller début novembre (1-1) ou au bijou du Kraal face aux voisins lensois à Bollaert (0-3). De manière générale, le LOSC fait preuve d’une efficacité redoutable offensivement et est la troisième équipe qui cadre le plus en Championnat (5 tentatives cadrées par match).

Burak Yilmaz, forte tête des Dogues. (S.Mantey/L'Equipe)

La gestion parfaite du turnover

L’entraîneur lillois dispose d’un effectif de qualité, il le sait et ne s’en est jamais caché. Et si le LOSC est l’équipe qui a utilisé le moins de joueurs en Ligue 1 (seulement 21), Galtier a pourtant bien puisé dans ses rangs pour maintenir une fraîcheur ambiante. Ainsi sur les 21 joueurs utilisés, 15 ont disputé plus de 1000 minutes cette saison. Malgré la Ligue Europa, même si la formation nordiste est sortie dès les seizièmes de finale, son coach s’est appliqué à ne pas cramer ses pions. Avant le match face à Lorient le 20 février il déclarait: «L’effectif me permet de travailler même si tout le monde n’est pas là. C’est maintenant qu’il doit amener sa richesse. il y a des joueurs suspendus, d’autres blessés, mais on a doublé les postes et tout le monde est prêt à jouer, à participer. Ceux qui n’avaient pas beaucoup de temps de jeu doivent exister. Ils s'entraînent avec nous depuis des semaines. Ils doivent amener leur pierre à l’édifice pour faire en sorte que l’équipe soit performante.» A cette gestion du turnover, Galtier a apporté son aptitude managériale à garder ses joueurs concernés, même ceux qui bénéficiaient de moins de temps de jeu (Timothy Weah, Tiago Djalo, Adama Soumaoro).

Galtier, chef de meute

C’est également dans la gestion de ses hommes en forme que l’ancien entraîneur de Saint-Etienne s’est distingué. Il a su maintenir sa confiance à des éléments clés malgré un rendement faible sans toutefois leur faire de cadeaux. On pense notamment à Jonathan Ikoné, qui a eu énormément de mal à démarrer la saison. Ce qui lui a très vite valu de perdre sa place de titulaire, avant de la retrouver. La gestion du cas Burak Yilmaz a également été parfaite. Conscient de l’âge du Turc, Galtier a su préserver son joueur en ne l’utilisant que très rarement en Ligue Europa par exemple. Il a également fait preuve de patience avec la recrue Jonathan David, qui a mis du temps à s’adapter. En bref, il y a peu à dire sur sa stratégie managériale et sa gestion de l’effectif tant elles s’avèrent payantes aujourd’hui. Le Kraal est dans la forme de sa vie, à 36 ans, tandis que le Canadien prend peu à peu ses marques et se montre de plus en plus décisif au meilleur des moments. Outre la gestion des individualités, c’est tout un groupe qu’il a été capable de fédérer, d’encourager, de tempérer. Une fois l’objectif du titre clairement assumé, le coach des Dogues déclarait en conférence de presse : «On est devant, les joueurs tiennent quelque chose et ils doivent tout faire pour ne pas qu’on leur prenne. Comme un chien avec un os dans la bouche. Ils l’ont. Personne ne doit venir leur enlever, ils doivent avoir ça en tête». Un véritable maître ce Christophe Galtier.

Un plan de jeu maîtrisé du bout des doigts, la gestion parcimonieuse d’un effectif de qualité et les facultés oratoires et managériales d’un technicien qui a su galvauder ses troupes tout au long de la saison, voici les ingrédients de la recette à succès du LOSC.

Corentin Richard

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