
Le BFC Dynamo, histoire du club de la Stasi aux dix Championnats gagnés
Dans les années 80, le club de Berlin-Est s'est construit un des plus beaux palmarès du football allemand. En profitant largement du soutien de la Stasi, la police secrète est-allemande.
«Le niveau est bien plus élevé dans la Bundesliga qu'au sein du Championnat de RDA.» Lutz Eigendorf arbore un léger sourire, la caméra devant lui se stabilise. Dans une interview pour la télévision de l’Ouest, il encourage les footballeurs est-allemands à franchir le mur de Berlin, qui se trouve derrière lui, implacable et menaçant. Eigendorf connaît bien son sujet : après avoir été un des plus grands espoirs de RDA, double buteur lors de sa première sélection internationale, il déserte, comme de nombreux compatriotes avant lui, abandonnant femme et bébé sans prévenir. Geste prémédité ou opportunité qui ne se représenterait pas ? En mars 1979, son équipe, le BFC Dynamo (BFC pour Berliner Fußballclub), se déplace pour la première fois chez le voisin honni, pour y affronter Kaiserslautern. Disposant de quelques heures de liberté après le match, le joueur esquive une session de shopping pour attraper le premier taxi et passer la frontière. La fuite remplit de fureur le président d’honneur du BFC Dynamo, Erich Mielke. «Eigendorf ne jouera jamais en Bundesliga», jure-t-il. Raté : le libéro dispute 61 matchs de Championnat en RFA.
Le ministre de la sécurité d'État est un passionné de football
La menace n’était pourtant pas à prendre à la légère ; car Erich Mielke n’est pas n’importe quel dirigeant de club. Comme dans le reste du Bloc de l’Est, les organisations sportives de RDA possèdent des noms liés aux entités qui les soutiennent : les Lokomotiv sont les clubs des institutions de chemin de fer, les Vorwärts sont les clubs de l’armée ; les Dynamo, ceux des services de sécurité (douane, police, services secrets). Lorsque Erich Mielke fonde en 1953 le SV Dynamo, qui regroupe toutes les associations sportives du domaine (380 clubs, presque 300 000 membres), il est le numéro 2 de la Stasi. Il en devient le chef en 1957, un poste qu’il ne quitte pas avant 1989. Sous son règne de terreur, la tristement célèbre police secrète est-allemande espionne, harcèle, emprisonne, torture et tue au sein de sa propre population. Le ministre de la sécurité d’État (son dénominatif complet) est un passionné de football – et pas seulement parce qu’il espère le voir «démontrer encore plus clairement la supériorité du socialisme dans le monde du sport», objectif de propagande vite exprimé par les plus hautes strates du pouvoir. En 1969, par exemple, le Politburo choisit de concentrer ses efforts sur les sports olympiques largement pourvoyeurs de médaille (athlétisme, natation, aviron…), les classant dans un groupe de priorité 1. Le football, prédestiné lui au groupe 2, se voit surclassé grâce à l’entregent de Mielke.
Dix Championnats de suite
Berlinois de naissance, Mielke veut faire du Dynamo Berlin (le club ne prendra le nom de BFC Dynamo qu’en 1966) l’étendard de ladite supériorité sportive. Autant par attachement que de par son positionnement stratégique dans la capitale divisée. L’historienne allemande du sport Jutta Braun explique : «Je ne dirais pas que Mielke s’est servi du club pour étendre son influence. À l’inverse, il a utilisé celle-ci pour maintenir le BFC au sommet.» Ainsi, en 1954, le Dynamo Dresde, alors meilleur club du pays, est tout bonnement expurgé de tous les joueurs de son équipe première, déménagés par le pouvoir pour garnir les rangs de l’homologue berlinois. Le début d’une rivalité ardente entre les deux formations.
21 May 2000: former Stasi boss Erich Mielke dies in Berlin. This is my favourite photo of him, clutching memorabilia of his beloved Dynamo Berlin, in front of a huge drawing of Erich Honecker. pic.twitter.com/qcNnP1GP5e
— German at Portsmouth (@GermanAtPompey) May 21, 2019
Arbitrage, dopage, espionnage
Ces dix Championnats consécutifs ne s’obtiennent pas sans heurts et polémiques. «Nous avions la meilleure équipe, avec des joueurs exceptionnels», juge avec le recul Jörn Lenz, ancien joueur et actuellement membre du staff technique, à CNN. Avant de concéder : «Peut-être que nous avions un petit bonus dans un coin de la tête des arbitres.» Un petit bonus qui amène tout de même les supporters adverses à brandir des banderoles telles que «Bienvenue au BFC Dynamo et à ses arbitres». Buts hors-jeu, penalties inexistants, cartons et suspensions iniques ; le champion bénéficie des largesses d’hommes en noir dont la carrière, et notamment la permission de se déplacer pour aller siffler sur des matchs internationaux, dépend du bon vouloir de la Stasi. Au point que la machinerie semble parfois trop grossière : lors de la saison 1984/85, une commission est mise en place par la fédération nationale de football afin d’enquêter sur «la question de la performance des arbitres», comme l’indique le titre du rapport. Conclusion : la mansuétude arbitrale envers le Dynamo endommage sa réputation, et engendre des tensions entre joueurs en équipe nationale. Pour autant, l’acmé est atteint l’année suivante, avec l’affaire dite du penalty de la honte, accordé à l’équipe dans les arrêts de jeu d’un match mal engagé. Pour apaiser la vive colère des supporters adverses, on désigne un coupable facile. L’arbitre du match, qui se trouve être un «Collaborateur Officieux de la Stasi» (un citoyen informant la police secrète sans pour autant travailler directement pour elle), est suspendu.
Stylish! Dynamo Berlin in late 80's ?? pic.twitter.com/8i2NubVsSj
— Casual Ultra (@thecasualultra) Sep tember 14, 2019
Une autre aide, médicale cette fois, est aussi soupçonnée. «Les preuves de dopage sont compliquées à trouver dans le football en général, éclaire Jutta Braun. Le dopage a toutefois été démontré, jusque sur le plan judiciaire, sur les athlètes et nageurs du SV Dynamo, un peu partout en RDA.» Pour les joueurs du BFC Dynamo, le culte de la performance s’accompagne aussi bien d’avantages que de pressions. Jutta Braun encore : «Dans les top clubs comme le BFC, le Dynamo Dresde ou le Carl Zeiss Iéna, en théorie tous les joueurs avaient un emploi dans l’armée ou à l’usine, mais étaient en fait professionnels et recevaient des primes informelles. Les meilleurs joueurs obtenaient voitures et appartements sans attendre autant que le citoyen lambda. On peut dire que le football était un îlot capitaliste au milieu de l’état socialiste. Le prix à payer pour ces privilèges était d’être surveillés par la Stasi, et parfois d’être amenés à s’espionner entre eux, car Mielke craignait particulièrement les fuites vers l’Ouest.»
Eigendorf décède à 26 ans après un accident de voiture
Cette fuite, Lutz Eigendorf y parvient pourtant en 1979. En RFA, l’ancien espoir talentueux se perd peu à peu, se concentre plus sur les loisirs que le football. Le 5 mars 1983, quelques jours après son interview narquoise devant le mur de Berlin, Eigendorf dîne avec des amis au restaurant. Sur le chemin du retour, il perd la maîtrise de sa voiture, percute un arbre puis est emmené d’urgence à l’hôpital. Il décède deux jours plus tard de ses blessures, à 26 ans.
Il giornalista Heribert Schwan nel libro"Tod dem Verräter!" ha provato a ricostruire quella sera del 1983 e come la Stasi inscenò il mio incidente.
— George Ames Plimpton (@GeorgeAPlimpton) August 23, 2019
Prima di chiudere però permettetemi di lasciarvi un messaggio.
"Un Muro non risolve mai un problema.
Lo rende ancora più grande." pic.twitter.com/HFWjPttrq8
Between the 1975/6 and 1989/90 seasons only two football clubs won the national title in the DDR; Dynamo Berlin and Dynamo Dresden. It happens that both clubs were sponsored by the Stasi. Here's a fun little chart showing Dynamo Berlin league finishes pre-and-post Wende... pic.twitter.com/vZ1KrHLEPr
— Alun Ephraim (@AlunEphraim) May 7, 2019
Erwann Simon