(S.Mantey/L'Equipe)

A quoi ça ressemble, le football au Kazakhstan ? Deux joueurs racontent leurs expériences

Passés par Reims et Metz, Jérémy Manzorro et Hervaine Moukam évoluent dans le Championnat du Kazakhstan. Avant la visite de l'équipe de France ce dimanche, FF est allé leur poser quelques questions sur ce football méconnu.

Jérémy Manzorro : «Keirat a quand même fait venir Vagner Love»

A 29 ans, Jérémy Manzorro est au Kazakhstan depuis deux ans. Ancien de Reims et de Bourg-Péronnas, le natif de Villeurbanne avait quitté la France pour tenter de poursuivre sa carrière. Avec la Bulgarie, la Lituanie, Chypre et même l'Iran parmi ses expériences. Jusqu'à donc arriver au Kazakhstan. Il raconte.

«Quand j'étais plus jeune, je n'avais pas du tout l'intention de quitter la France. J'avais le rêve de signer professionnel. Cela ne s'est pas fait. Et, des fois, pour continuer de rêver, il faut partir. C'est ce que j'ai fait. J'ai fait beaucoup de pays, et je ne regrette rien. C'est une superbe expérience. Je n'ai pas d'enfants, je n'ai pas d'attache, c'est le moment de le faire. Jouer à Chypre, pour le cadre de vie, c'est exceptionnel. La Bulgarie, il y a eu des hauts des bas même si ç'a été très positif. En Lituanie, j'ai rencontré ma copine. En Iran, là, par contre, c'était ma plus mauvaise expérience. J'ai eu des problèmes de papiers, je n'ai pas pu jouer. Mais ça m'a vachement fait grandir.

«Cette année, on va jouer la Ligue Europa. L'année dernière, on a fini deuxième. On va disputer le premier tour de qualification de la C3. On a gagné la Supercoupe en début de saison. On joue le titre cette année.»

Au Kazakhstan, c'est ma troisième année ici. La première année où j'étais parti à l'étranger, en Bulgarie, j'ai connu un coach qui m'a demandé de venir ici, en Kazakhstan. J'étais en fin de contrat en Lituanie. Je suis venu parce qu'il était là. Je connaissais déjà le Championnat et le pays, car quand vous jouez dans les pays de l'Est, beaucoup de joueurs vont jouer là-bas. J'avais aussi un ami, avec qui j'ai joué pendant deux ans, qui était déjà là. Il m'en avait parlé. C'était totalement normal. Et j'y suis très bien. Si je peux faire encore quatre ou cinq ans, j'y reste. Cette année, on va jouer la Ligue Europa. Ici, la saison se déroule de mars à novembre. L'année dernière, on a fini deuxième. On va disputer le premier tour de qualification de la C3. On a gagné la Supercoupe en début de saison. On joue le titre cette année. Ici, le niveau global est assez bon. Ce sont des clubs qui ont un petit peu de moyens donc ils ramènent des joueurs de bon niveau. Il n'y a pas trop de différence entre la première et la quatorzième équipe, c'est un Championnat assez serré. Même si deux ou trois équipes sont un peu plus fortes. Keirat est d'un bon niveau, Astana est connu au niveau européen. Honnêtement, c'est un bon Championnat.

«Des joueurs de l'équipe nationale du Kazakhstan m'ont demandé si Mbappé, Kanté et les grands joueurs allaient venir. Ils ne pensaient pas qu'ils pouvaient se déplacer pour jouer contre eux.»

Keirat a quand même fait venir Vagner Love. Ils doivent certainement progresser dans la formation, mais niveau installations, c'est comme en Europe. L'argent ? Il y en a quand même beaucoup. Les installations de Keirat, par exemple, sont incroyables. Vagner Love a sa carrière, mais il prend aussi son argent. Il y a huit étrangers par équipe maximum, six en même temps sur le terrain. C'est quand même assez sélectif. Je gagne bien ma vie, je n'ai pas à me plaindre. Niveau ambiance, à part Aktobe, qui a vraiment les meilleurs fans, le reste, ce n'est pas la Turquie ou le Vélodrome ! Les gens commencent à revenir au stade, ils ont rouvert. Le Covid ? Franchement, ici, ils s'en foutent un peu j'ai l'impression. Les gens ne mettent pas le masque, ils vivent normalement. Tout est ouvert. Personne n'en parle. Le Kazakhstan ? J'ai vécu dans deux villes différentes. Il y a beaucoup de choses à faire et à voir. La première fois que je suis arrivé ici, un mois après, on était invités à manger dans une yourte, un truc que je n'aurais jamais fait en France. Dimanche, l'équipe de France va jouer au stade d'Astana. Je voulais y aller, mais on ne peut pas. J'ai des joueurs de l'équipe nationale du Kazakhstan dans mon équipe, ils m'ont demandé si Mbappé, Kanté et les grands joueurs allaient venir. Ils ne pensaient pas qu'ils pouvaient se déplacer pour jouer contre eux. Ils pensaient qu'ils allaient mettre d'autres joueurs. Du coup, ils sont tous hyper contents et ont tous hâte. Mais j'espère que la France va gagner.»

Hervaine Moukam : «Les gens te font comprendre pour qui tu joues»

Après plusieurs saisons en Grèce, puis en Biélorussie, Hervaine Moukam, passé par le FC Metz, vient de signer au club d'Aktobe.
«J'ai atterri ici pour suivre mon ancien coach du BATE Borisov. Au Kazakhstan, le football commence à prendre de plus en plus d'ampleur. Cela émerge depuis deux ou trois ans, ça commence à venir au premier plan. En sachant que, ici, ils sont très passionnés d'équitation et de hockey sur glace. Maintenant, le football est en train de prendre sa place. Le gouvernement aide les clubs à se développer. Plusieurs nationalités différentes commencent à être représentées. Mais la majorité des clubs est financée par l'état en grosse partie, il doit y avoir un ou deux clubs privés. Ils ont de l'argent. Je sais que dans le top 5, le meilleur joueur peut gagner 30 000 euros. Cela fait un peu plus d'un mois que je suis là, mais je connaissais déjà le Championnat pour avoir joué des tours de qualification pour la Ligue Europa face à Astana. Et deux amis évoluaient ici. C'est un Championnat très physique. J'évolue à Aktobe, pas très loin de la frontière avec la Russie. C'est la partie du pays où il fait le plus froid. On a encore eu -5, -10 et -23 dernièrement. En deux heures d'avion, tu peux te retrouver avec 15 degrés. Dans l'année, seul un déplacement se fait en bus. Tout le reste, il faut que tu le fasses en avion. Je suis un aventurier mais faire le tour du Kazakhstan en avion pour visiter, c'est un peu compliqué. Cette année, on veut finir dans les trois premiers. Aktobe est le club historique du pays, qui vient de monter et qui s'est refait une santé. Quand tu arrives dans la ville, les gens te font comprendre pour qui tu joues. C'est fou ! De la grand-mère jusqu'au petit fils : ils sont vraiment fans ! Et c'est tout le monde et toutes les générations.»

Timothé Crépin