peuget (alexi) Reims (L. Argueyrolles/L'Equipe)

Alexi Peuget (Rumilly-Vallières), en quarts de finale de la Coupe de France et loin du monde pro : «Aujourd'hui, je me sens un peu plus proche de mes valeurs»

Passé par Reims avec qui il a connu la montée en L1 et même un match face au Real, Alexi Peuget, pas épargné par les blessures, a depuis quitté le monde professionnel. Sans véritable regret tant il s'épanouit avec Rumilly-Vallières, demi-finaliste de la Coupe de France !

«A quel point il est spécial pour vous et votre équipe de ne jouer, finalement, que la Coupe de France cette saison ?
Ce sont encore plus des matches couperets que normalement. Quand il y a le Championnat, si on est éliminés en Coupe de France, on s'entraîne pour jouer le week-end en Championnat. Alors que là, dès qu'on est éliminés, on se retrouve orphelins de compétition. Et, du coup, on n'aurait plus qu'à s'entraîner... C'est une situation pas facile à vivre pour tous les clubs amateurs. Nous, on a justement cette chance de pouvoir continuer à s'entraîner avec des objectifs le week-end. Le but final, la seule vérité, c'est le week-end, quand on rencontre des équipes et qu'il y a de la compétition. C'est pour ça qu'on fait du sport, pour se mesurer aux autres, se procurer cette adrénaline, cette envie de battre l'adversaire. Les entraînements, ça va bien une semaine, deux semaines... C'est comme dans un début de préparation où c'est un soulagement quand arrivent les matches amicaux.
 
Comment se passent vos entraînements depuis plusieurs semaines ?
C'est plus simple depuis aux alentours de janvier, quand on a obtenu une dérogation pour pouvoir s'entraîner. Cet hiver, des entraînements étaient programmés à 6h30 du matin pour pouvoir respecter le couvre-feu et ne pas être hors la loi. Cela s'est assoupli, et c'est beaucoup plus agréable pour tout le monde. Cela nous permet de pouvoir travailler plus sereinement et dans de meilleures conditions.

«Il y a vraiment cet esprit famille»

Vous avez prononcé le mot "orphelin" : est-ce ce sentiment qui domine par rapport à l'arrêt du Championnat ?
On est totalement dans le flou. Comme je l'ai dit, on a la chance d'avoir de la compétition. Mais ceux qui s'entraînent, qui attendent, qui ne sont pas fixés... Un jour c'est oui, on reprend, on joue un match en retard ; la semaine d'après, ça se referme... C'est totalement incompréhensible. Même nous, avec la Coupe de France, on a pas mal de blessés par le fait d'avoir un rythme irrégulier, ne pas faire de matches, un coup s'entraîner, un coup ne pas s'entraîner... Pour l'organisme, c'est très compliqué. Et mentalement, ce n'est pas facile. Là, on est encore dans l'attente de savoir si le N2 va reprendre ou pas. Un coup c'est plutôt tendance oui, un coup c'est plutôt tendance non... Pour organiser les déplacements pour les clubs, c'est super compliqué. Chez nous, beaucoup de joueurs travaillent, on leur demande de prendre des jours... Ce n'est vraiment pas simple. Il y en a qui sont dans l'immobilier, d'autres sont pions, d'autres électriciens. On a un petit peu de tout.
 
Depuis quand avez-vous senti l'élan Coupe de France à Rumilly-Vallières ?
J'avais un bon sentiment sur cette équipe depuis le début de la saison. Je sentais qu'on avait une équipe pour réussir en Championnat et en Coupe. On est très difficile à manier, avec un état d'esprit irréprochable. Il y a vraiment cet esprit famille, où tout le monde se bat l'un pour l'autre. Donc j'ai beaucoup cru en cette équipe. La Coupe, on s'est pris au jeu quand le Championnat a été arrêté. Donc, je dirais depuis le sixième tour : à partir de là, on l'a vraiment joué à fond.

«Je suis très heureux d'être là où je suis»

Mardi, face à Toulouse, c'était l'occasion pour vous de vous frotter de nouveau au monde professionnel : est-ce spécial ou pas vraiment ?
Personnellement, lors des tirages au sort, j'espérais le tirage le plus favorable pour pouvoir aller le plus loin possible. Sans forcément vouloir affronter une équipe pro. Alors que beaucoup de gens au club, de joueurs n'ayant pas côtoyé le monde pro veulent se frotter à la Ligue 1, la Ligue 2 et côtoyer le monde pro de près. Ce qui est compréhensible. On a eu la chance de jouer un match amical contre Saint-Etienne en début de saison. C'était déjà énorme pour nous. Alors en compétition officielle, ça rajoute un peu de piment. Essayer de battre le monde pro, c'est ce que tout amateur rêve.
 
Depuis combien de temps avez-vous dit adieu au monde pro ?
Depuis que j'ai quitté Reims. J'étais à Grenoble, en National, qui était quand même une structure pro. Mais, là, ça fait trois ans et demi que je suis revenu dans le monde amateur.
 
Est-ce que ça a été dur de se dire que c'était fini ?
Non. Cela ne s'est pas forcément bien terminé dans les deux clubs. J'avais besoin de me ressourcer, de reprendre du plaisir dans le foot. J'ai eu pas mal de blessures, qui m'ont beaucoup freiné et beaucoup frustré. J'avais besoin de me retrouver. Le monde amateur m'a permis de revivre un peu tout ça, de repartir de l'essence même du football qui est de prendre du plaisir. Et d'être sur le terrain, surtout. Aujourd'hui, je suis pleinement épanoui et je suis un peu récompensé par cette Coupe de France : retrouver le monde pro, en quarts de finale, je me dis que c'est une boucle qui continue son petit bout de chemin. Je suis très heureux d'être là où je suis.

«Humainement, ça n'a pas été à la hauteur de mes valeurs»

Etes-vous sorti dégoûté de ce monde pro ?
Pas dégoûté du foot, mais un peu dégoûté du fonctionnement du monde professionnel. C'est un peu partout pareil, dans n'importe quel métier, mais quand on est bon, aimé par un coach et que ça va dans le club, tout se passe bien. Mais dès qu'on ne compte plus trop sur vous, on vous le fait bien comprendre. On vous met à l'écart. Ce sont des situations, mentalement, qui sont très difficiles à vivre. Mine de rien, ça vous blesse. C'est ce que je trouve un peu triste au sujet de comment cela s'est terminé dans les clubs. Humainement, ça n'a pas été à la hauteur de mes valeurs. Je suis parti déçu, mais aussi réaliste parce que je sais que c'est comme ça dans le monde du foot. Malheureusement, ça fonctionne comme ça. Mais heureusement que tous les clubs ne fonctionnent pas comme ça.
 
Foot pro et valeurs, ça ne va pas ensemble ?
Cela dépend les personnes qu'on côtoie et la situation dans laquelle on est. Mais si, il y a forcément des bonnes personnes ! Il y a de tout. C'est la réalité de la société d'aujourd'hui.
 
Quelle expérience vous a fait le plus mal ?
J'en ai eu deux. Lors de ma dernière saison à Reims, on a été complètement écarté du monde professionnel. A tort ou à raison, je ne sais pas le pourquoi du comment. Mais quand on se retrouve à s'entraîner tout le temps avec la réserve, qu'on n'est plus concernés par aucun entraînement professionnel, qu'on prend des jeunes dès qu'il manque des joueurs pour une opposition, qu'en fin de saison, on ne peut même plus jouer en équipe réserve parce qu'il faut faire jouer les jeunes... C'est un peu triste. A Grenoble, j'avais fait un peu des sacrifices en descendant en National et en adhérant au projet du club, qui était très alléchant. J'avais fait le bon choix car on est montés en fin d'année. J'avais l'ambition de pouvoir continuer avec eux, mais, malheureusement, on ne m'a pas dit que c'étaient mes qualités physiques ou mes qualités de joueur de foot, mais que dans le monde du foot, il y a des décisions parfois difficiles à prendre. On me laissait un peu tomber alors que je sortais d'une blessure de six mois aux ligaments croisés. Je ne demandais pas grand-chose, juste une année pour me remettre et pour essayer de prouver. Malheureusement, on ne m'a pas tendu cette main quand j'en ai eu besoin, alors que j'avais fait l'effort dans l'autre sens... Se retrouver sans club après six mois de blessure et avec l'étiquette de joueur blessé, ce n'est pas facile du tout pour se relancer. C'est pour ça que j'ai alors pris la décision de retourner dans ma famille, de me ressourcer et de recommencer dans une bonne mentalité, où je me sens bien.

Aviez-vous au des explications de Michel Der Zakarian, qui ne comptait pas sur vous à l'époque à Reims ?
J'avais été blessé pendant la préparation et ça m'a coûté toutes mes chances pour la suite. Au début, on s'entraînait et on allait jouer en réserve. Et, petit à petit, à partir de décembre, on nous a dit : "A partir de maintenant, vous ne vous entraînez plus avec les pros." Ce n'est pas top. Pas d'entraînement, pas de match, pas de considération, honnêtement, ce n'est pas facile. C'est très dur à vivre. Heureusement qu'on était plusieurs à pouvoir se soutenir avec Omenuke Mfulu, Christopher Glombard, Atila Turan et Hassane Kamara. Je fonctionne avec mes valeurs, et j'en suis resté fidèle. Je n'ai jamais triché, même en allant m'entraîner toute la semaine en réserve. J'ai toujours donné le maximum. Ce n'est pas dans ma façon de faire de me révolter, de créer des tensions, de monter au front. Peut-être à tort... Aujourd'hui, cela s'est passé comme ça. Je ne regrette pas du tout. Je suis resté moi-même, droit dans mes bottes. Je fais mon petit bout de chemin, je suis bien dans ma vie, et c'est ça ma plus grande récompense.
 
Du coup, la mentalité du foot pro ne doit pas beaucoup vous manquer...
Non, c'est sûr. Aujourd'hui, je me sens un peu plus proche de mes valeurs. Le monde pro a son bon côté et son mauvais côté. Il faut le prendre comme ça, faire sa carrière comme on peut et ne pas avoir de regrets. C'est comme ça que je fonctionne. Même si je dois aussi beaucoup à Reims. J'ai connu le monde pro, la Ligue 1, la Ligue 2... Ce sont les deux côtés du foot.

Si on vous dit la 84e minute à Santiago-Bernabeu... (NDLR : match amical face au Real Madrid en 2016. Défaite 5-3, Peuget entre dans les dernières minutes)
Oui, ce sont les bons côtés que le Stade de Reims m'a apportés. Cela reste un souvenir exceptionnel. J'ai toujours été un gamin très rêveur de stades. J'avais les yeux écarquillés dans n'importe quel stade de Ligue 1 dans lequel j'allais. C'était un plaisir de pouvoir jouer. Donc quand on va à Bernabeu, qu'on croise toutes ces stars, c'est multiplié par dix. Un moment exceptionnel. C'était magnifique. Combien de joueurs peuvent dire qu'ils ont joué à Bernabeu ? C'est pour dire qu'il y a eu beaucoup de bons moments. Cela ne s'est pas bien terminé, c'est comme ça.»

Timothé Crépin