22nd October 2020 - UEFA Europa League - Group G - Leicester City v FC Zorya Luhansk - James Maddison of Leicester looks up - Photo: Simon Stacpoole / Offside. (Simon Stacpoole/Simon Stacpoole / Offside)

Angleterre : De Coventry à Leicester, James Maddison trace sa route

Arrivé sur la pointe des pieds à Leicester en 2018, James Maddison est rapidement devenu l'un des chefs d'orchestre des Foxes. Au point de taper à la porte de la sélection nationale. Si les blessures ne l'ont pas épargné, le natif de Coventry poursuit son chemin avec brio. Découverte.

Se permettre de marquer un coup franc, peu importe la position sur le terrain, est un luxe souvent rare. En mettre dix au fond des filets depuis le début de sa carrière l’est encore plus. James Maddison appartient à cette catégorie d’artilleurs qui aiment suspendre le temps pendant quelques secondes. À 24 ans, le meneur de jeu de Leicester n’a cessé de peaufiner le geste au fil des années. Dès son passage chez les pros, il n’a qu’un seul objectif en tête : ressembler coûte que coûte à son modèle, un certain David Beckham. Pour l’imiter, il travaille sans relâche le coup franc avec les traces laissées par son prédécesseur sur la toile. «Je n’arrêtais pas de regarder des vidéos de Beckham et notamment de ses coups francs, expliquait Maddison dans une interview à FourFour Two en 2019. J’ai toujours adoré les tirer et je prenais le temps de perfectionner mon geste à chaque entraînement.» Car au-delà d’aimer une technique à part entière du football et de lui conférer un certain culte, James Maddison est un bourreau de travail.

À Coventry, le football n’est pas forcément le sport roi. Là où le rugby prend une place prépondérante avec les Wasps en tête de gondole locale. Sans oublier l’industrie automobile, l’un des girons majeurs de la cité nichée non loin de Birmingham. Mais le ballon ovale et les voitures ne passionnent pas forcément le jeune James. Ce qui le branche avant tout, c’est le ballon rond. Et il veut vite gravir les marches. Aussitôt dit, aussitôt fait. Il est catapulté en équipe première de Coventry City et découvre la League One (D3) à 17 ans en octobre 2014. Des premières minutes qui en appellent d’autres. À peine la majorité actée, James Maddison termine sa première saison professionnelle avec 18 matches disputés pour 2 buts et 2 passes décisives. «Quand je suis arrivé à Coventry, il y avait déjà deux autres joueurs français, Reda Johnson et Romain Vincelot, glisse Marc-Antoine Fortuné qui a évolué sous le maillot des Sky Blues de 2015 à 2016. Ils m’ont tout de suite dit : "Tu vas voir, il y un phénomène de 18 ans dans l’équipe. Il est blessé actuellement, mais dès qu’il sera revenu sur le terrain, tu comprendras". Et j’ai vite compris (rires)

«Ils m'ont de suite dit : "Tu vas voir, il y a un phénomène de 18 ans dans l'équipe".»

Départ inévitable

Trois mois après, la blessure passée, Maddison revient comme si de rien n’était. Il lui faut seulement deux entrées pour le remettre dans le grand bain et se retrouver titulaire. Fortuné poursuit : «Il avait une technique innée. C’est ça qui a plu à Tony Mowbray (NDRL : l’entraîneur de Coventry). James pouvait faire la différence sur un geste. J’ai eu l’occasion de travailler avec cet entraîneur pendant plusieurs années et je connaissais son mode de fonctionnement. Si le mec était titulaire à 18 ans en League One, c’est qu’il le méritait. Le coach était très intelligent et savait ce qu’il faisait avec ce jeune.» Sans forcément le griller, Coventry continue de faire évoluer son diamant en sachant pertinemment qu’il ne va pas faire long feu. À l’échelon supérieur, plusieurs clubs de Championship viennent aux renseignements et anticipent une future ascension. C’est finalement Norwich City qui rafle la mise au mercato d’hiver 2016 avant de le prêter jusqu’à la fin de la saison à Coventry. La direction des Canaries est claire : elle veut récupérer un joueur avec du bagage pour le lancer dans le grand bain du Championship la saison suivante. 

C’est le moins que l’on puisse dire. Avec les Dons, l’Anglais affole les compteurs en à peine 17 rencontres. Il y inscrit 2 buts, mais délivre surtout 7 passes décisives. Son fait majeur ? Un coup franc brossé dans la lucarne contre les Rangers le 25 septembre 2016 à la dernière minute qui offre la victoire à Aberdeen. «James m’a toujours dit que son passage à Aberdeen l’avait transformé, expliquait Derek McInnes, son coach en Ecosse, dans une interview à l’Evening Express en avril 2020. Le club lui a donné toute sa confiance, mais je crois que le mérite lui revient personnellement car il a toujours travaillé et montré qu’il en voulait.» L’intéressé, toujours à FourFour Two, le reconnaît bien volontiers : «C’était mon choix d’y aller. Ce prêt m’a endurci. J’ai pris beaucoup de coups et quelques tacles assassins de certains joueurs, mais ça m’a permis d’apprendre et de me renforcer physiquement avant de retourner à Norwich.»
 

Un prêt salvateur en Écosse

Mais à son arrivée dans le Norfolk, James Maddison se rend compte qu’il n’est pas forcément en odeur de sainteté auprès du coach Alex Neil qui privilégie Wes Hoolahan, Steven Naismith ou Jonny Howson au cœur du jeu. «L’équipe venait de descendre, se souvient Louis Thompson, l’un des ex-coéquipiers du milieu anglais aujourd’hui à MK Dons. Le coach préférait des joueurs expérimentés pour jouer la montée en Premier League. Norwich ne pouvait pas se permettre de rester en Championship. Il faisait donc confiance aux joueurs qu’ils connaissaient déjà et les nouveaux comme James n’étaient pas convoqués ou évoluaient avec les U23.» Comprenant vite qu’il n’aurait pas de temps de jeu, Maddison demande à être envoyé en prêt. Direction le Nord de l’Écosse et Aberdeen. «Le prêt lui a fait du bien, souligne Marc-Antoine Fortuné. Je crois que c’est lors de son passage là-bas qu’il a réellement compris son niveau et gagné beaucoup de confiance.»

«C'était mon choix d'y aller. Ce prêt m'a endurci. J'ai pris beaucoup de coups et quelques tacles assassins de certains joueurs, mais ça m'a permis d'apprendre et de me renforcer physiquement avant de retourner à Norwich.»

Sous les ordres de Claude Puel, en quelques semaines, le meneur de jeu devient le baromètre de Leicester et l’un des maillons forts du système tactique des Foxes. Les observateurs sont unanimes, Maddison représente le futur du football anglais. Mais le technicien tempère vite au micro de Sky Sports : «Il vient tout juste d’arriver et ce n’est pas évident de rester concentré sur le jeu alors qu’il y a plus de sollicitations autour de lui. James n’a pas encore terminé son apprentissage du haut niveau et nous devons le faire progresser.» Ce qui n’empêche pas la presse locale de s’enorgueillir de ses performances. «Maddison peut faire des choses qu’aucun autre joueur de Leicester ne peut faire, décrypte James Sharpe qui suit Leicester pour The Mail. Il a cette capacité à lire le jeu et trouver des solutions dans des petits espaces. Il sait faire vivre le ballon. Techniquement, c’est le plus fort des Foxes.» Et cela n’a pas changé avec l’arrivée de Brendan Rodgers en février 2019. 

L'envol du canari

Revenu à Norwich rempli de certitudes et de maturité, James Maddison profite du départ d’Alex Neil et l’arrivée de Daniel Farke pour se faire une place dans le onze de départ des Canaries, toujours englués en Championship. Le changement est radical. Indéboulonnable, le natif de Coventry dispute quasiment l’intégralité du Championnat (44 matches sur 46) et devient prolifique. Le bilan parle de lui-même, 14 buts, 8 passes, pour sa première saison pleine à ce niveau. Malgré une douzième place au classement, loin de répondre aux attentes suscitées, Maddison continue de faire parler. Une surprise ? Pas vraiment aux yeux de Marc-Antoine Fortuné. «C’était le dernier à rentrer aux vestiaires quand on jouait ensemble à Coventry. Il répétait toujours ses gammes et travaillait les coups francs à la fin de chaque séance. Il avait compris à 18 ans que c’est le travail qui allait lui permettre de franchir les paliers. Il a toujours voulu progresser. En plus, il avait déjà beaucoup de maturité tactique pour son âge.» Louis Thompson, son ancien coéquipier à Norwich, confirme : «Contrairement à d’autres jeunes, il n’avait pas cette nonchalance. C’est pour ça qu’à Norwich, il a rapidement pris une place importante dès son retour d'Aberdeen. Il savait ce qu’il faisait et où il voulait aller.» Car Maddison ne l’a jamais caché, il veut toucher les cimes et évoluer en Premier League. Ça tombe bien, Leicester a repéré le milieu de 21 ans depuis plusieurs mois et offre 25 millions d’euros aux Canaries pour s’attacher ses services à l’été 2018. Difficile de refuser. 

Maddison, époque Norwich. (EXPA/ Focus Images/ Paul Chest/EXPA/ Focus Images)

«Maddison peut faire des choses qu'aucun autre joueur de Leicester ne peut faire.»

L’ancien coach de Liverpool n’a cessé de louer les qualités de son protégé. Et ce, malgré certaines critiques à l’égard de ses soirées nocturnes qui sont venues égayer son histoire avec Leicester ces derniers mois. «Brendan Rodgers a toujours souligné son côté bosseur. Quand des photos de Maddison sont sorties ou même ses virées au casino pendant une trêve internationale où il aurait dû être en sélection, il l’a défendu bec et ongles, enchaîne le journaliste du Mail. Il a expliqué à quel point Maddison en faisait toujours plus et que ces critiques visaient juste à le dénigrer.» Au point de rappeler à quasiment chaque conférence de presse une anecdote à son sujet quand une question lui était posée sur le joueur. En début de saison, alors qu’il revient chez lui, James Maddison regarde le décryptage du match de Leicester réalisé par Jamie Carragher. L’ex-défenseur de Liverpool explique que pour voir plus haut et rejouer en sélection, Maddison doit beaucoup plus marquer. «Le lendemain, il est arrivé en premier à l’entraînement et a demandé à Brendan Rodgers, puis aux analystes du club, comment faire pour corriger le tir, ajoute Sharpe. Depuis, il fait quotidiennement des séances supplémentaires devant le but.»

Soucieux du moindre détail, un chouia perfectionniste, comme ses anciens partenaires ont pu le souligner, le milieu des Foxes espère maintenant composter son ticket pour l’Euro. Si dernièrement, il a été écarté des terrains pour soigner quelques soucis physiques qui l’ont beaucoup gêné en début d’année civile, James Maddison reste l’un des nombreux prétendants aux Three Lions. Ses trois saisons avec Leicester sont un atout majeur de sa candidature (108 matches disputés, 27 buts, 20 passes décisives). «Ça ne me surprendrait pas du tout de le voir à l’Euro, ajoute Marc-Antoine Fortuné. Depuis notre année à Coventry, il s’est étoffé physiquement. Les Anglais sont connus pour faire prendre les jeunes joueurs en masse musculaire assez rapidement. Il a aussi gagné en agressivité pour répondre à l’impact de la Premier League. C’est une progression quasi linéaire à mes yeux.» Seule ombre au tableau, le système tactique actuel de Gareth Southgate qui joue en sa défaveur avec un 4-3-3 sans réel meneur de jeu. «Au-delà de ses péripéties nocturnes, c’est sans doute pour ça qu’il n’a connu qu’une sélection en 2019, croit savoir James Sharpe. Le sélectionneur a toujours privilégié d’autres profils alors qu’il a largement le niveau pour être appelé.» En attendant, James Maddison mène le fil de sa carrière comme bon lui semble. Avec le perfectionnisme qui le caractérise si bien. Et qui sait, peut-être qu’un onzième coup franc lui permettra de s’envoler vers l’Euro en fin de saison. Pour se rappeler aux bons souvenirs des vidéos de son idole David Beckham.