racioppi (anthony) ecuele manga (bruno) (P.Lahalle/L'Equipe)

Bruno Ecuele Manga (Dijon) : «On se pose parfois la question de savoir si on a encore envie de se battre»

Si mathématiquement Dijon n'est pas encore en Ligue 2, Bruno Ecuele Manga reste lucide sur la situation. Une défaite ce week-end à Rennes et la relégation du DFCO sera officielle. Pour FF, le capitaine bourguignon évoque la difficile saison de son équipe, marquée par cette série de 12 défaites de rang et l'impact psychologique causé par une telle dynamique.

«Vous restez sur une victoire contre Nice (2-0). Ça fait du bien au moral ?
Oui ça faisait longtemps qu’on n’avait plus goûté à la victoire. Surtout à domicile. C’est bon pour le moral et c’est surtout bon parce qu’on est parvenu à casser la dynamique qui était là. Je ne vais pas parler de «record». Mais c’est un succès qui a fait du bien et qui a redonné le sourire à tout le monde.
 
C’est un soulagement d’avoir brisé cette série de 12 défaites de rang ?
Oh oui... Après, on ne va pas cracher dessus, c’est une victoire, contre Nice en plus. Mais on aurait aimé qu’elle vienne un peu plus tôt dans la saison.
 
Vous aviez connu une descente avec Cardiff en 2019. C’est une expérience qui vous sert ou ce sont deux événements totalement différents ?
Cardiff c’était assez particulier. Une descente n’est jamais bien. Mais là-bas, on a montré qu’on avait du caractère et qu’on pouvait rivaliser. On perd le maintien à quelques journées de la fin (relégué lors de la 37e journée). On arrivait à gagner à l’extérieur et faire quelques résultats. Mais cette saison c’est encore pire parce que le premier match qu’on gagne à domicile, c’était le week-end dernier. Et quand on vous dit : «Vous avez 12 défaites d’affilée. Mais vous vous rendez compte ?» C’est long, ça fait pratiquement trois mois. C’est énorme.

Il y a peut-être un sentiment d’épuisement ?
Quelque part oui. Mais ça ne prend pas le dessus sur la motivation et sur l’envie de continuer à se battre.
 
Qu’est-ce que vous vous disiez pour rester à flot ?
Qu’il ne fallait pas lâcher même si c’était dur. Qu’il fallait continuer à bosser. On a le soutien du président, du staff et de l’entraîneur. On a travaillé mais quand ça ne va pas, ça vous poursuit.

Vous êtes-vous senti impuissant à certains moments de l’année ?
Bien sûr. Il y a toujours des moments comme ça. Surtout quand vous traversez ce genre de période. On a senti ça quand on a commencé à enchaîner des mauvais résultats. D’autant que ça nous rattrapait pendant les matches et on se disait : «Oh mince… On va encore perdre.» Donc quand vous êtes dans une dynamique de ce type, il y a beaucoup de confiance qui s’envole, certains qui ne sont plus dans le coup. Après on essaye toujours de garder la tête haute même si c’était très très compliqué. Mais oui, un moment dans la saison, on s’est posé la question de savoir si on allait y arriver.
 
Vous dites que certains n’étaient plus dans le coup. Cela veut-il dire que des joueurs ont lâché ?
Non, personne n’a décroché. Mais quand on traverse une période comme celle-là, à un moment donné, on ne se rend pas compte de certaines choses. Inconsciemment, on va faire moins d’efforts, on n’a plus le moral, on a envie que la saison se termine…
 
Comment ça se manifeste ?
Déjà, à l’entraînement, on ne se donne pas à fond. Et si on ne se donne pas à 100% aux entraînements, impossible d’être à 100% en match. Je ne vais pas le cacher, ça m’est arrivé quelques fois. C’était rare, mais j’arrivais parfois à l’entraînement la tête baissée parce que j’étais déçu de la situation du club, des résultats, du classement… De tout. Et on se pose parfois la question de savoir si on a encore envie de se battre. Heureusement, on a des personnes à côté qui sont toujours là pour nous remonter le moral et nous accompagner.

«On a eu honte des résultats, honte de la série de défaites, de faire partie de ceux à l'origine de cette dynamique»

Cet état d’abattement traduit peut-être une honte de vos résultats ?
Bien sûr qu’on a eu honte. Et même là, on a toujours honte. On a eu honte des résultats, honte de la série de défaites, de faire partie de ceux à l’origine de cette dynamique. Parce que quand vous faites une saison et que vous ne gagnez même pas un match à domicile, c’est compliqué. Et on a honte parce qu’on est dans un beau club qui ne mérite pas d’être en Ligue 2. Et puis, sans dénigrer les autres, il y a certaines équipes qui vont se maintenir cette saison et je pense qu’au niveau de l’effectif, individuellement et collectivement, on n’a rien à leur envier. Mais c’est juste qu’ils ont démontré plus d’envie et de détermination que nous.
 
Justement, qu’a-t-il manqué à Dijon pour se sauver cette année ?
Je pense qu’on n’a pas été régulier au niveau de l’état d’esprit. Même si on perdait, on pouvait réaliser un bon match et enchaîner le week-end suivant avec une prestation catastrophique. On a également perdu beaucoup de points en début de saison car on ne faisait pas les efforts ensemble, ce n’était pas coordonné ni structuré, et on a surtout mis du temps à se mettre dedans.
 
Il manquait une cohésion de groupe à cause des résultats ?
Non, non. On est resté soudé. Il n’y a pas eu de tensions, de clashes ou de problèmes internes comme on peut entendre dans certains clubs. Tout le monde s’est senti concerné. Mais voilà, quand rien ne va, rien ne va.
 
Quel a été le point de bascule, le moment où vous vous êtes dit que vous n’alliez pas vous en sortir ?
Il n’y a pas vraiment de moment ou de match en particulier. Après, on a surtout été déçu de la défaite à Montpellier (2-4, 24e journée). On avait bien commencé le match et on menait au score (1-0 à la pause). Et, pour être réaliste, en deuxième mi-temps, on fait n’importe quoi. Quand on est revenu sur la pelouse, on était pratiquement transparent. Mais il n’y a pas eu de match qui nous a montré qu’on n’allait pas y arriver. Car de toute façon, on savait qu’on allait avoir une saison difficile.

Comment arrive-t-on à conserver cette envie d’aller s’entraîner tous les jours ?
On se dit simplement qu’on n’a pas à se plaindre. Avant tout, le football est une passion et on a la chance de faire ce que l’on aime. Dieu nous a donné cette chance et on est en plus payé pour ça. Alors que lorsque vous arrêtez votre carrière, c’est vous qui payez pour faire du sport (rires). Quand on voit que certaines personnes se lèvent à 5 ou 6 heures du matin pour aller bosser, alors que toi tu vas à l’entraînement pour faire ce que tu aimes, juste quelques heures. Donc pourquoi te plaindre ? Ça fait partie du professionnalisme de bien faire les choses. Le club te paye pour ça et s’il remplit sa part du contrat, à toi de faire de même.
 
Vous êtes capitaine. Que faites-vous pour garder tout le monde concerné dans cette situation ?
Dans le vestiaire, j’ai à la fois un rôle de capitaine et de grand frère. J’essaye de motiver tout le monde, leur dire que c’est difficile mais que malgré tout, il faut s’accrocher et chercher à terminer la saison sans regrets. A la base, je ne suis pas très bavard. Si je sens la nécessité de parler au groupe, j’organise des réunions. Mais je parle plus individuellement aux joueurs, jeunes ou anciens. D’autres le font également. J’ai toujours dit aux jeunes que s’ils avaient quelque chose à dire, qu’ils le disent. Il y a aussi d’autre anciens qui font le relais : Frédéric Sammaritano, Wesley Lautoa, Fouad Chafik…
 
Vous avez disputé tous les matches cette saison. Sentez-vous un devoir d’exemplarité de votre part ?
J’ai toujours été professionnel et je dois montrer l’exemple pour moi-même déjà. Pas forcément pour que les autres fassent pareil. Même si j’essaye aussi de montrer aux plus jeunes que les anciens sont là et qu’ils doivent copier ce que nous faisons de bien.

«Pour les critiques des supporters, on s'est tout simplement dit qu'ils avaient raison. A leur place, je ne serais pas content de voir le club que j'aime et que je supporte dans cette situation»

Vos supporters vous ont soutenu mais aussi critiqués. On pense à cette banderole, affichée dans le stade lors de la réception de Bordeaux (1-3, 29e journée), avec ce message inscrit dessus : «Si on est le 12e homme, où sont les 11 autres ?» C’est difficile à encaisser ?
Pour leurs critiques, on s’est tout simplement dit qu’ils avaient raison. A leur place, je ne serais pas content de voir le club que j’aime et que je supporte être dans cette situation. On comprend leur frustration et leur mécontentement. Mais il faut qu’ils sachent aussi que lorsqu’on est sur un terrain de foot, on ne fait pas exprès de perdre. On a envie de gagner et faire les efforts nécessaires. Mais je voudrai les remercier parce que malgré les mauvais résultats, ils ont toujours été là. J’ai reçu pas mal de messages, il y a une majorité qui soutient toujours le club et c’est très important. Ça nous fait du bien.
Il reste cinq matches. Quel visage pour Dijon ?
On va montrer un visage de guerrier. On a besoin de montrer notre fierté. Notre dignité aussi. On se battra jusqu’à la fin. Que ce soit collectivement ou personnellement, on a des choses à montrer, à prouver.
La fin de saison va être longue ?
Quand ça ne va pas comme ça, la saison est longue oui. Mais on trouve toujours la force nécessaire et la motivation à vouloir faire quelque chose de bien.»