(G. Collins/France Football)

Buenos Aires, la ville qui respire le foot

Buenos Aires, la mégapole argentine, respire le foot, à chaque coin de rue, dans chaque quartier. Le prétexte à une balade entre bandes rivales, personnages mythiques et cultes historiques.

Buenos Aires serait donc la ville sertie du plus grand nombre de stades au monde. 36 enceintes de 10 000 spectateurs au moins se répartissent entre la capitale argentine et sa banlieue. Forcément, pour un dingue de ballon rond, ça en impose. Et invite à aller se perdre un peu partout pour sentir le « pouls football » de la cité, même en ces temps contrastés et lyophilisés de pandémie.

Nous embarquons d'abord pour le sud de Buenos Aires, à la croisée de trois quartiers : San Telmo, ses rues pavées, ses fréquentations bohèmes et les voisins populaires de Barracas et de La Boca.

À l'ombre des immeubles de la rue Irala, qui relie le parc Lezama à la Bombonera, l'antre de Boca Juniors, s'agglutinent des centaines de supporters déjà chauds. Au milieu de cette foule, bien peu « touristophile », je la joue profil bas. Le masque chirurgical atténuera nos accents suspects. Les danseurs de tango de la très visitée place Dorrego et les auberges de jeunesse de San Telmo ne sont pourtant pas si loin. À une dizaine de cuadras (blocs d'immeuble) seulement. La même distance qu'entre Irala et l'incontournable Caminito, ce musée à ciel ouvert, cette vitrine de La Boca, qui décline le passé portuaire et le présent populaire.

Les supporters de Boca Juniors. (G. Collins/France Football)

Au milieu des supporters, l'ambiance est tout sauf gringo. L'échauffement de masse qui a lieu a un nom : la previa. Basée sur un apéro carabiné et les vocalisations des supporters, cette manifestation est lancée bien avant le match. Au moins deux heures avant, s'il s'agit d'un Superclásico contre l'ennemi honni, River, comme ce dimanche-là. Rite inévitable du hincha (supporter), la previa est cet exercice auquel le fan se plie un jour ou l'autre.

Côté vestimentaire, j'ai évité les couleurs de River (blanc et rouge) pour leur préférer du foncé. Mon photographe anglais, Gary, lui, a opté pour un tee-shirt retraçant le but du siècle avec lequel Maradona crucifia les Three Lions en 1986. Well done ! Mais, très vite, nos espoirs d'immersion s'envolent lorsqu'il s'agit d'afficher ses signes d'appartenance - tatouages et épaisses cicatrices pour la plupart. De toute façon, il n'était pas question de se mettre torse nu.

Les enfants répètent les gestes qu'ils reproduiront toute leur vie dans les gradins

Le chef d'orchestre de cet opéra populaire s'appelle Hernán. Ce quadra nous « accueille » chaleureusement au milieu de la foule concentrée au rez-de-chaussée de sa maison reconvertie en débit de boissons. Sur sa terrasse se retrouvent les caméras, venues retransmettre la passion des fans. Depuis un coin VIP de fortune, quelques familles tentent de suivre l'évolution du score. Les enfants répètent les gestes, qu'ils reproduiront toute leur vie dans les gradins : le fouet de la main droite, levée bien haut et qui bascule d'avant en arrière, au rythme des tambours. « Allez, allez, allez Booooooo... » Les décibels seront les meilleurs alliés d'un accent trop pointu... Tant que vous n'oubliez pas de sauter à « campeón » : « Boca mon bon ami / Cette saison, nous serons de nouveau à tes côtés / Nous te soutiendrons de tout coeur / Voici tes supporters qui veulent te voir champion ! »

Top 3 des refrains en vogue dans les stades. 

1. River, decime qué se siente

« River, dis-moi ce que ça fait / D'avoir joué en National (la D2) / Je te jure que les années peuvent passer / Mais jamais nous n'oublierons... Que tu as été relégué à la B, que tu as brûlé le Monumental / Cette tache ne s'effacera jamais. » Ces paroles sont chantées au rythme de Bad Moon Rising, du groupe états-unien Creedence Clearwater Revival. Cette version est celle des hinchas de Boca et est dédiée à leurs rivaux de River depuis leur descente en D2 en juin 2011.

2. Pasos al costado

« Allez, allez Millonario / Nous allons, gagner / Ces supporters qui te suivent partout / Ces supporters qui, jamais, ne vont t'abandonner. » Ce tube du groupe argentin Turf, sorti en 2004, connaît un succès dans les travées, notamment au Monumental, car le chanteur de Turf, Joaquín Levinton, est fan de River. La chanson est reprise en Argentine, en Amsud et au Japon !

3. Cuervo, mi buen amigo

« Corbeau (surnom de San Lorenzo) mon bon ami / Cette saison je serai de nouveau à tes côtés / Je te soutiendrai de tout coeur / Voici tes supporters qui veulent te voir champion / Peu importe ce que diront / Ceux de Boca et de Huracán / Je te suis partout / Je t'aime toujours plus. »
L'origine du refrain est peu connue. Cette mélodie est inspirée de la chanson Boby, mi buen amigo, une campagne de la police de la province de Buenos Aires, datant de 1981, qui somme les estivants de ne pas voyager avec leurs chiens (Boby). Les fans de San Lorenzo en revendiquent la première interprétation, durant la saison 1982 passée en D2.

Un peu partout, des banderoles affichant le numéro 12 évoquent les tatouages qui nous entourent. La Doce (la Douze) est l'une des barras bravas (groupe de supporters radicaux) les plus connues du pays. Tous les clubs ou presque ont leurs barras qui, en plus de l'ambiance et des bagarres contre les rivaux, se chargent de la revente des entrées au stade, d'exercer la pression sur la direction des clubs...

Près de la Bombonera, le stade de Boca. (G. Collins/France Football)

Avec la pandémie, cet attroupement est censé compenser l'interdiction de stade. Tout ce beau monde doit se contenter d'un bain de foule et d'un écran 24 pouces. Depuis le toit de la camionnette garée en face, j'essaie de distinguer les joueurs. Peine perdue ! Au pied du véhicule, retour dans l'arène. Je recueille le témoignage de Diego, dont le dos ressemble à une vitrine du palmarès xeneize : « Venir ici, c'est un peu vivre une ambiance d'avant match. Mais ne pas accéder au stade, c'est la pire chose qui me soit arrivée ! » Autour de la Bombonera, des supporters zonent en quête du car de leurs idoles. Toute la journée, des barrages policiers empêchent les regroupements. De l'autre côté des barreaux, l'antre de Boca paraît emprisonné. Les supporters prennent un selfie et se laissent aller à leurs souvenirs de stade. Sans savoir quand se terminera ce cauchemar.

Les fanions de Mario

Chez Mario Riesco, les rêves de stade sont plus lointains. Ce fidèle supporter de River, que je retrouve dans son bar, El Banderín, bien loin de la rue Irala, n'a pas attendu la pandémie pour tourner la page des bains de foule. « Les stades ont beaucoup changé. Ce n'est plus ce que c'était durant ma jeunesse. La sécurité, les contrôles... Moi, je n'ai quasiment jamais payé un billet », fanfaronne Mario, 85 ans.

Notre rendez-vous a lieu à l'heure du vermouth, entre un après-midi de Ligue des champions et une soirée de Championnat national. Autour de nous, le décor me renvoie cent ans en arrière ou presque... En 1929, année de l'ouverture, par le père de Mario. Très avenant, notre bonhomme n'a pas perdu le goût des Superclásicos. Socio de River depuis ses 11 ans, Mario revendique une carte spéciale d'abonné, qui reconnaîtra ses « doubles noces d'or », plus d'un demi-siècle d'amour millonario.

Mario Resco, socio de River depuis l'âge de 11 ans. (G. Collins/France Football)

En attendant, posté au bord de sa fenêtre, l'historique tavernier s'égare dans le flux de passantes et passants qui empruntent le croisement des rues Guardia Vieja et Billinghurst. Et ne se fait pas prier pour ouvrir la boîte à souvenirs. Les siens tournent autour de ce troquet qui l'a vu naître. El Banderín s'appelait El Asturiano (L'Asturien), en référence aux origines espagnoles du paternel. Dès son plus jeune âge, Mario a été poussé dans la marmite des Rouge et Blanc par son frère aîné, Alberto, alors joueur prometteur.

« Sans l'opposition de nos parents, des typiques migrants européens qui souhaitaient que leurs enfants fassent des études, Alberto aurait pu devenir pro », assure Mario, pas plus porté sur les cahiers d'école que son frère. L'histoire de cet enfant est celle d'un quartier alors rythmé par l'un des poumons commerciaux de la ville : le marché de gros ou mercado de Abasto. « Les camions de fruits et légumes, sans toit, embarquaient les supporters vers le stade », résume cette mémoire vivante. Aujourd'hui, son bar est devenu un incontournable des fans de foot car, à Buenos Aires, Mario possède l'une des plus importantes collections de fanions, banderín en espagnol. « Il y en a plus de 600. Mais quelle importance ? », philosophe l'octogénaire, qui s'enorgueillit plutôt de l'origine de ces fanions apportés par des clients des quatre coins du monde. « Tu supportes quel club, en France ? Tu me rapporteras un fanion ? », me lance-t-il.

Le maillot de Claudio Caniggia, qui a commencé sa carrière à River Plate. (G. Collins./ France Football)

Cette collection a forgé la réputation de cet établissement qui a eu le privilège d'accueillir, durant les années 1990 et 2000, des émissions de radio et de télévision dédiées au foot. Les visites de Daniel Passarella, protégé de River et de Mario, ont également contribué à la renommée du lieu. De quoi expliquer la fierté de notre homme lorsqu'il nous désigne la photo prise avec son idole. Cette conversation à tiroirs nous mène à Carlos Gardel, dont la mère aurait été cliente des parents de Mario. Un épisode qui aurait conduit le roi du tango a dédier une chanson au père, El Pelado de la esquina (le Chauve de l'angle de la rue), sans toutefois l'enregistrer. Et, ici, un tango non enregistré ne vaut pas plus qu'une promesse de Gascon, mais le Banderín a de quoi nourrir ces liens entre tango et foot. Sa pièce maîtresse : un cadre où figurent les portraits des joueurs de River de 1936, offert à Anibal Troilo, bandonéiste de renom, et tombé dans les mains de Mario par le biais du filleul de ce tanguero de génie.

La Casa de D10S

Il ne m'aura pas fallu longtemps pour croiser la route d'un autre génie. Alors que j'emboîtais le pas du tanguero Gardel, dans son quartier de l'Abasto, Maradona vient à moi dans le coin le plus « maradonien » de Buenos Aires : la Paternal. Hors des sentiers battus, ce quartier abrite la Casa de D10S, la maison où Diego Maradona a résidé lors de ses deux premières saisons professionnelles de 1977 à 1979, une demeure transformée depuis en musée.

Dans la Paternal, quartier du berceau de Maradona. (G. Collins/France Football)

Sous ce toit, les premiers chapitres de la légende ont été écrits, aux côtés de la maman, Doña Tota, du papa Don Diego et de la première femme du joueur, Claudia Villafañe, la mère de Dalma et de Gianinna. Au 2 257 de la rue Lascano, deux voitures d'un autre temps attirent mon regard. La Fiat berline 125 rouge pétard et le coupé Ford Taunus de 1978 passeraient presque inaperçus, tant la Paternal semble figée dans le temps. « Il s'agit de répliques, mais ce sont les modèles conduits par Maradona », confirme Alberto Pérez, qui m'ouvre la porte vers l'intimité de la légende.

Une fois dans la maison, nous marchons sur des oeufs. Impossible d'ouvrir les volets du salon, ni de s'asseoir sur les fauteuils en cuir. Pérez, secrétaire général d'Argentinos en 1977, surjoue le rôle de conservateur. Comme si notre visite pouvait ébranler la pierre de son Machu Picchu. Le temple de Pérez abrite une pièce qui en fait sa fierté : la reproduction du premier contrat pro de Diego paraphé cette même année 1977, un document exposé au milieu du salon.

Les fresques à la gloire de Maradona. (G. Collins/France Football)

Cette propriété avait été offerte par Argentinos au Pibe de Oro. « Ici, c'est le jeune Maradona, le gamin de quartier, le Maradona familial qu'on découvre », résume Pérez. Proche riverain, cet avocat et prof à la fac de droit de Buenos Aires a racheté l'édifice en 2008, « pour le bien du quartier, car Maradona fait rayonner la Paternal dans le monde », même si c'est aussi devenu le gagne-pain de son fils César.

L'engouement d'Alberto Pérez pour les objets ayant trait à la vie de Maradona frise l'obsession. Des coupures de presse et des magazines, plus de 5 000, l'avocat en a jusqu'au plafond. Certaines pièces sont encadrées soigneusement, comme l'exemplaire du journal La Nueva Era, qui contient « la toute première interview » du Pibe, réalisée durant la tournée d'été 1977, à Tandil, dans la province de Buenos Aires. D'autres trésors sont à exhumer au sommet des montagnes de magazines.

Alberto Pérez collectionne les objets ayant trait à la vie de Maradona. (G. Collins/France Football)

À l'issue d'une périlleuse escalade, j'accède aux piles d'un livre précieux pour notre hôte, le récit autobiographique de son ami Francisco Cornejo, disparu en 2008. Entraîneur en charge des jeunes, Cornejo a recruté Maradona, sur les conseils de Goyo Carrizo, un autre pibe de Villa Fiorito. Cet acte fondateur est mis en scène à deux pas de là, à l'angle des rues Gavilán et Jonte. Depuis 1980 et le départ des Maradona, trois familles ont vécu dans la maison sans (quasiment) toucher aux murs. Les poupées grandeur nature des parents posées dans la cuisine nous observent lors de notre procession vers le sanctuaire installé sur la terrasse. En sortant, nous empruntons la rue Gavilán, qui mène au stade Diego-Maradona, dont les façades sont recouvertes de peintures à son honneur. Dios est partout.

La résurrection de San Lorenzo

Diego envolé, les Argentins se retrouvent orphelins d'icônes. Ou presque orphelins, car le pape François a beau multiplier les déclarations en italien, personne n'ignore ses origines portègnes... À Buenos Aires, on connaît aussi sa passion pour le club de San Lorenzo. Comme les voyages à l'autre bout du monde s'organisent rarement au pied levé, je me suis dévoué en me rendant dans le quartier de Boedo, terre de tango du centre-sud de la capitale, qui aura retrouvé, d'ici à deux ou trois ans, son âme futbolera.

San Lorenzo est en passe de retrouver sa terre sainte, l'un des stades à l'architecture la plus ambitieuse du pays. Si Dios quiere ! (Si Dieu le veut !) Sur l'avenue La Plata, là où se dressent les restes d'un hypermarché Carrefour, le club va récupérer son Viejo Gasómetro, son antre, et mettre fin à un exil de plus de quatre décennies, dans le quartier voisin du Bajo Flores. Le dernier match joué sur ce terrain date de 1979. À cette époque, la dictature (1976-1983) exproprie le terrain et fait raser le stade pour laisser place, quelques années plus tard, à la marque française.

Dans le quartier San Lorenzo, dont est originaire le pape François. (G. Collins/France Football)

Cette errance explique pourquoi, selon l'écrivain argentin Osvaldo Soriano, soutenir San Lorenzo est « un fardeau que l'on traîne toute sa vie avec autant de perplexité et de fierté que celui d'être argentin ». Jusqu'à ce retour du stade, inutile de demander dans quel bar voir les rencontres. « Il n'y a jamais de match ici », me répond le gérant du tabac de l'avenue La Plata, comme je cherchais, égaré dans le passé, l'entrée du Viejo Gasómetro. Le bar San Lorenzo, à l'angle, n'a toujours pas investi dans un poste de télévision, ce qui me contraint à me rabattre sur le garage de l'angle, converti en « snack-bar à foot ». Face à l'écran géant, j'en profite pour déguster un choripán. Malgré l'absence de fumée, qui me laisse penser que les patrons ont opté pour une cuisson à la plancha, cet en-cas fait l'affaire.

En plus de rendre leur fierté aux supporters cuervos, les corbeaux de San Lorenzo, le retour du stade donnera l'occasion de se perdre dans Boedo. Le vieux Boedo, celui des troquets aux terrasses, d'où émanent des airs de milonga, ce genre musical commun à l'Argentine, l'Uruguay et une partie du Brésil, celui des peintures murales du Grupo Artístico de Boedo, qui me racontent l'histoire populaire du quartier, au sein de laquelle le football est omniprésent...

Le choripan, plat le plus populaire adapté aux jours de match. (G. Collins/France Football)

Le chantier prévoit d'intégrer les tribunes à ce quartier aux ruelles pavées et aux maisons basses. Trois fois candidat à la présidence du club, César Francis est un inconditionnel, qui a vu la démolition du stade. Il se félicite de cette renaissance, « une réparation historique, mais également un grand pari pour Boedo ». Cette « victoire de l'action communautaire », San Lorenzo la doit notamment à la loi de « rezonificación » - en français rezonage - qui a contraint Carrefour à quitter les lieux et a permis le rachat du sol par 27 000 donateurs, tous fans de l'équipe. Les supporters du club fondé en 1908 par un curé du quartier voisin d'Almagro, Lorenzo Massa, ne croyaient plus aux miracles... Mais les événements leur ont prouvé que tout arrive, pourvu qu'on garde la foi.

Les choix d'Avellaneda

En marge des miracles, légendes et promesses de futur se dresse le conurbano, la banlieue. Il faut s'y perdre pour connaître un peu mieux Buenos Aires et son rapport au ballon. Cap sur la première couronne de la zona Sur, le sud du Grand Buenos Aires. Ne tenant pas à nager en eaux troubles, je me fais accompagner par « Zurdo ». Notre guide est parrillero (grilladin) à la Parrilla del Tano, où nous sommes attendus pour le derby d'Avellaneda, consacrée en 2020 capitale du foot argentin par une loi.

« Zurdo », fan d'Indepediente. (G. Collins/France Football)

Difficile de savoir lequel des deux stades, distants de 150 mètres, accueille le Clásico. Sans fans, il faut prêter attention aux barrages policiers pour savoir que Racing joue à domicile. « Ce sont des journalistes français. Ils viennent couvrir le derby », lance « Zurdo », face aux regards en biais qui nous sont lancés, tant la curiosité de la presse internationale semble incongrue dans ce contexte. La dernière fois que l'Academia (Racing) et El Rojo (le rouge, Independiente) s'étaient affrontés, c'était en février 2020. La cinquantaine de milliers de spectateurs avaient assisté à l'une des dernières prestations, sous ses couleurs de coeur, de Lisandro López, avant son départ vers Atlanta.

Je m'enquiers auprès de « Zurdo » : « Comment les habitants d'Avellaneda choisissent-ils entre les deux clubs ? » « Histoire de famille. Cela se transmet de génération en génération », répond-il. Lui et son grand-père ont eu le privilège de voir Ricardo Bochini dans l'enceinte d'Independiente, la première en béton d'Amérique latine. La rue qui longe le stade est déserte. La voie porte le nom de l'idole Bochini et croise celle dédiée à Diego Milito, ancien avant-centre de Racing. À Avellaneda, le choix du maillot se fait donc en famille, sauf chez les Milito, où la rivalité ignore le lien fraternel.

Le quartier d'Avellaneda abrite les deux clubs de Racing et Independiente.

Lors du derby de 2003, le rouge Gabriel - celui qui défendra les couleurs du Barça de 2007 à 2011 - et Diego en arrivent aux insultes. À quelques cuadras, sur l'avenue Güemes, nous pénétrons dans le siège historique de la Parrilla el Tano pour découvrir les trésors accumulés depuis l'ouverture de ce sanctuaire du football par le père, Juan Caschetto, en 2001. Plus connu sous le nom de « El Tano », l'Italien, Juan est décédé en janvier. Son fils aîné, Fabio, nous guide parmi les dizaines de maillots : le 9 de Benedetto aux couleurs de Boca, la liquette de la sélection signée par une partie de l'équipe actuelle... Autant de présents apportés par les joueurs, venus s'adonner aux plaisirs de la parrilla libre, la viande à volonté.

Une courte balade nous offre les éléments propres au décor du conurbano : rues peu éclairées, maisons basses, trottoirs accidentés et voitures plus vieilles que la main de Dieu. Au 2 999 de l'avenue Debenedetti, on trouve à l'oeuvre deux frères, qui jouent leur Clásico chaque week-end. Fabio et Damián mouillent la même tunique, celle du restaurant, et perpétuent la tradition du matambre a la pizza. Ce morceau de viande maigre est surmonté d'une garniture de pizza et d'un oeuf frit. Et ce classique de la gastronomie populaire ferait oublier n'importe quelle défaite. Même dans un Clásico.

Le Chori
Le choripán (photo), ou tout simplement chori, est le mets populaire le plus adapté aux jours de match. Bien plus qu'un sandwich merguez ou qu'un américain frites, cette saucisse coincée entre deux bouts de pain est une fierté nationale. Ses bienfaits vous seront contés par n'importe quel footeux. Assaisonner de chimichurri et/ou de criolla.

 Les empanadas
Au four ou frites, à la viande, au jambon-fromage ou à la caprese, ces chaussons salés restent l'option la plus facile et l'une des plus économiques pour grignoter dans le bus en direction du stade ou assis sur un trottoir.

Le Paty

La version argentine du traditionnel hamburger. Tiré de la marque la plus vendue dans le pays, le nom de Paty garantit un steak tout fin et peu juteux, qui mérite d'être chevauché d'un oeuf frit ! Le sandwich de milanesa
Cette escalope milanaise dans un bout de baguette fait partie de ces surprises portègnes que le palais du profane n'accueille qu'à certaines conditions. En l'occurrence : être badigeonnée de mayonnaise.

La fugazzeta

La pizza n'est pas exactement le casse-croûte typique des stades. Mais cette expérience vaut le détour. La fugazzeta, une invention des pizzerias de Buenos Aires, est composée d'oignons coupés fins et d'une montagne de fromages italiens (quartirolo lombardo et provolone).