Saint-Louis Neuweg (N3), novice à ce niveau, est opposé aujourd'hui à Sedan (N2).

Cédric Decker (coach de Saint-Louis-Neuweg) : «Avec le Covid, on a peut-être perdu en humain, mais on a gagné en visibilité»

Le coach et son club de Saint-Louis-Neuweg abordent leur premier 16e de finale de Coupe de France, face à Sedan (National 2), ce samedi. Un beau parcours pour une équipe amateure privée de championnat depuis fin octobre, et qui a dû s'adapter aux conditions exceptionnelles qu'imposent la situation sanitaire.

«Pour un club comme le vôtre, cette Coupe de France incarne une belle parenthèse dans une année particulière, non ?
Exactement. Les instances ont insisté pour qu'on reprenne cette compétition. Même si on a été arrêté, on l'avait toujours dans un coin de notre tête et on savait que ça permettrait de reprendre le foot. Ce qui était déjà énorme pour tout le monde. Ça fait du bien dans cette période morose. Les gars bossent en plus à côté : mon capitaine est employé municipal, mon gardien travaille dans la logistique et les matelas, d'autres sont dans les télécoms. Il y en a un qui est chez Amazon aussi. Et il n'est pas souvent aux entraînements ! Avant la Coupe de France, il a commencé une formation pour intégrer l'entreprise. Et comme elle tourne à plein gaz en ce moment, il loupe généralement une séance par semaine !
Sedan est en National 2, soit une division au-dessus de vous. Ça donne des idées ?
A ce niveau de la compétition, je ne pense pas qu'il y ait d'équipes plus abordables que d'autres. Sedan est un gros calibre de N2, qui était à la bataille avec Bastia l'année dernière pour la montée. C'est une belle équipe mais on ne va pas déjouer pour autant. On abordera cette confrontation comme les autres. On a cette chance de jouer à domicile. Tous les voyants sont au vert pour tenter d'accrocher un nouvel exploit. On a éliminé une équipe de leur groupe et mieux classée qu'eux (Haguenau, au 8e tour, 2-2, 5-4 t.a.b.), même si Sedan n'a rien à faire à cette place. On n'a aucun complexe.
Ce sera le premier 16e de finale de Saint-Louis-Neuweg. C'est une motivation supplémentaire pour bien représenter le club ?
On rentre toujours avec gourmandise dans cette compétition. Le club dispose d'un ADN Coupe de France. En 2010 déjà, on avait joué Sochaux, alors en Ligue 1 (0-1). C'était le cinquième 32e de notre histoire. On s'est hissé pas mal de fois au 8e tour où on a affronté de belles équipes : Sochaux (Ligue 2, 2017-2018), Nancy l'édition suivante (Ligue 2). La Coupe de France transcende et ce sont des moments magiques pour ceux qui suivent le club, pour les dirigeants, les familles des joueurs. C'est un coup de projecteur sur le travail d'un club, de l'ensemble de ses membres. Et ça n'arrive pas quand vous jouez simplement les premiers rôles en N3.

Malgré le contexte sanitaire, avez-vous le sentiment que tout le monde profite de votre parcours ?
Disons qu'on a trouvé un levier qui est dans l'air du temps. Celui de la visibilité sur les réseaux sociaux. Tout le monde se retranche un peu là-dedans. Lors des premiers tours, j'ai dit à mes joueurs : "Vous allez jouer devant plus de monde que d'habitude. Parce que sur une vidéo de votre match, il peut y avoir 1000 vues, 2000 vues, 6000 vues." Bon, j'ai peut-être parfois gonflé les chiffres ! Mais je leur ai fait comprendre qu'ils allaient évoluer devant plus de monde que dans toute leur carrière. Comme nous sommes tous enfermés chez nous, les réseaux sociaux ont pris encore plus d'importance. Alors on a peut-être perdu en humain, oui, mais on a gagné en visibilité. Il faut voir aussi le bon côté des choses.
Fin janvier, vous appeliez pourtant à ne pas reprendre la Coupe de France.
J'ai un peu été pris par l'émotion et maladroit. On a repris le 7 décembre. La deuxième semaine de janvier, la FFF nous annonce que dans dix jours, on joue en coupe. Même si notre reprise s'était vue perturbée par le couvre-feu et la neige, on a eu un minimum de préparation. Mais de l'autre côté, il y avait les clubs de Régional et de District qui, eux, n'avaient pu retrouver les terrains qu'à partir de la décision de la Fédération. Au départ, les dirigeants de notre adversaire du 6e tour, qui évolue en district, m'informent qu'ils ne veulent pas forcément jouer. Je les comprenais, et ça m'a un peu mis en rogne vis-à-vis d'eux. Je pense qu'on pourrait être tous solidaires dans ces moments-là. Dans notre cas, on était clairement avantagé en matière de préparation. On se plaint souvent que les pros ou même la Fédé ne sont pas solidaires avec les amateurs. Mais là, j'avais ce sentiment que nous, N2 ou N3, étions avantagés et qu'on s'en fichait de ces clubs.
Avez-vous été confrontés à des difficultés inhabituelles pour préparer la Coupe ?
On parvient à s'entraîner normalement déjà. Quand on est rentré dans la compétition, on manquait de repère. Mais depuis l'annonce, on joue tous les week-ends. Là où ça s'est révélé délicat, c'est sur l'intendance. Ça monopolise beaucoup d'énergie. Les tests PCR doivent être réalisés 24 heures avant la rencontre. Donc on les effectue le samedi, en plus de l'entraînement, et on joue le dimanche. Pendant un mois, on a bouffé nos week-ends. Pour les joueurs qui travaillent, ce n'est pas facile. En plus, on s'est déplacé à chaque fois, avec 4 ou 5 heures de bus, soit un départ à 8 heures. Trois semaines de suite, c'était éprouvant pour les familles, c'était énergivore. Habituellement, on s'entraîne le vendredi, on joue le samedi et le dimanche, c'est repos. Afin d'avoir au moins un jour de coupure et que les gars puissent profiter de leurs proches. Après, on s'estime privilégié parce qu'il y en a plein qui aimeraient jouer. On s'aligne dans une compétition qui ne peut que nous apporter. On ne va pas pleurer mais il y a néanmoins une réalité derrière.

Avec tout ce chambardement, comment sont les joueurs ?
Sur leur nuage ! Ils sont déterminés et solidaires comme jamais. Cette aventure a soudé le collectif. On a participé à trois séances de tirs au but. Sur 19 tirs au but, on en a loupé un. Les gars font preuve de sang-froid. Ils ont une force mentale que je n'avais pas soupçonnée. Un exemple. On a retrouvé Hombourg-Haut (R2), Petit Poucet de la précédente édition (alors en R3), et qui avait éliminé Auxerre (2-1 au 8e tour). Ils nous avaient sortis au 6e tour (0-1, a.p.), dans une ambiance pleine de ferveur et difficile. Mais ça a été très formateur et source de progrès d'évoluer dans un environnement hostile. On les a recroisés cette année (7e tour, début février), et le but était de ne pas tomber dans les mêmes pièges. Malgré le huis clos, il y avait 200-300 personnes derrière les grillages à chambrer et siffler mes joueurs pendant la séance de tirs au but. Mais on a franchi cette étape. Ça a prouvé qu'on était prêt à aller chercher des matches au mental. C'était un déclic.
L'aventure a donc fait du bien à votre groupe ?
Bien sûr. En 2018, on est descendu en N3 et il a fallu reconstruire un effectif. Il y a pas mal de joueurs ayant évolué en N2 ou National et beaucoup de jeunes éléments locaux, nés en 1999-2000. De là, on doit s'appliquer à tisser de nouveau des liens entre les gens : affectifs, techniques. Et je pense qu'au bout de deux ans et demi de travail, les jeunes ont pris de la maturité, les relations sont établies, tout le monde a trouvé sa place. Ces deux dernières années, on a été miné par des blessures récurrentes. Mais là, comme par magie, peut-être celle de la Coupe de France, il n'y a plus de blessé !
Ça a relancé certains gars aussi. Mon gardien par exemple, prend toute la mesure de ses capacités. Il a joué à haut niveau et sa motivation était un peu redescendue. A présent, il a un regain de motivation, arrête des tirs au but à chaque séance. J'ai des joueurs qui ont joué en National et qui avaient perdu de l'appétit. Cet appétit est revenu donc mon équipe est d'autant plus redoutable.»

Florent Larios