Chris Richards (D.R)

Chris Richards : «Tous les ans, je note mes objectifs sur un post-it que je colle au-dessus de mon miroir»

Au sortir d'un prêt (très) concluant du côté du TSG Hoffenheim, le jeune défenseur américain du Bayern nous a parlé du chemin censé le ramener, un jour où l'autre, vers Munich ou un autre top club dans la peau d'un joueur qui compte.

7:00 am, Orlando time. Chris Richards, qui a pris l'habitude de ne pas perdre son temps, «reçoit» tôt le matin, maillot des Jacksonville Jaguars sur les épaules et grand sourire sur le visage. Vous l'aurez compris, l'emploi du temps du jeune homme (21 ans) est chargé, même à l'heure des vacances. Famille, médias, amis, il faut contenter tout le monde dès le matin afin de mieux pouvoir s'entretenir physiquement l'après-midi. Revenir profiter du pays c'est bien, retourner au Bayern Munich (ou ailleurs) pour la préparation d'avant-saison en étant affûté, c'est mieux. C'est de cette soif de progrès et plus largement du «process» qui doit emmener le natif de Birmingham (Alabama) tout en haut dont il a été question une trentaine de minutes, via Zoom. Après, il y avait des proches à retrouver et des kilomètres à avaler.

«Alors ce retour aux États-Unis après une année loin de vos proches ? On imagine que c'est le bon moment pour réaliser ce que vous avez accompli jusque-là, de Birmingham (Alabama), ville où personne ne joue au foot, à Munich...
C'est vrai qu'être ici permet de prendre conscience de certaines choses. J'ai revu des gens qui m'ont dit que j'avais fait une bonne saison. Et parmi eux il y avait des personnes que je ne connaissais pas plus que ça (il sourit)... Donc oui, c'est appréciable. Ça doit vouloir dire que j'ai fait du bon boulot jusque-là.

Revenir au pays c'est aussi l'occasion de rejouer au basketball, un sport que vous avez longtemps pratiqué. À quel moment avez-vous décidé d'opter pour le football et pourquoi ?
Durant mon enfance, j'ai pratiqué un tas de sports et c'est vrai que le basket a longtemps fait partie de ma vie. Mais il y a toujours eu le foot. Et puis, un jour, avec notre équipe de jeunes, nous sommes partis jouer un tournoi en Argentine. C'est là-bas que j'ai assisté à mon premier match professionnel. Un derby entre Lanus et Banfield, à Buenos Aires, avec une ambiance de dingue. À ce moment-là, j'ai su que c'était ce que je voulais faire.

Il a donc suffi d'un seul match...
Oui ! Bien sûr, le basket a continué d'occuper une place importante pour moi et ma famille (NDLR : son père est un ancien joueur de basket professionnel) mais c'était devenu clair dans ma tête.

Diriez-vous que cet héritage et le fait d'avoir longtemps joué au basket vous ont aidé ou vous aident encore à l'heure actuelle ?
Je crois que vous pouvez piocher des choses dans tous les sports. Mais pour ce qui est de mon expérience et du basketball, je dirais que ça m'a aidé au niveau de la discipline. Je me réveillais tous les matins à cinq heures pour y jouer avant l'école et on retournait systématiquement sur le terrain après les cours. Donc voilà, ce jeu m'a enseigné une forme de discipline et obligé à prendre soin de mon corps. Et puis il y a quelques similitudes lorsque vous défendez des un contre un, dans la manière de contenir votre adversaire et puis de "switcher" et de s'entraider lorsque votre vis-à-vis change de zone...

«On est tous très jeunes et on a conscience que si nous faisons les choses correctement, le football va continuer de se développer aux États-Unis»

Vous avez changé de sport au bon moment. Le soccer devient de plus en plus populaire aux États-Unis...
Les choses s'améliorent, oui. On part de loin... mais ça va dans le bon sens. Le fait que de nombreux joueurs du pays jouent désormais en Europe doit y être pour quelque chose, ça inspire les jeunes et les fans. Et puis la MLS s'améliore. Il y a de grandes personnalités comme David Beckham qui s'impliquent dans son développement et de très bons joueurs qui viennent y jouer. Il reste beaucoup de chemin à parcourir mais le football s'est considérablement développé ici ces dernières années...

Vous sentez-vous investi d'une sorte de responsabilité, maintenant que vous avez une équipe nationale qui regorge de talents ?
On peut même parler d'une sorte de pression, oui. Mais une bonne pression. On est tous très jeunes et on a conscience que si nous faisons les choses correctement, le football va continuer de se développer aux États-Unis. Et puis il y a cette Coupe du monde 2026 qui nous attend ! Quelle meilleure fenêtre pour promouvoir ce sport et montrer la qualité de notre football au monde entier ?

Richards, Weah, Dest et la génération 2000 des Etats-Unis lors de la Coupe du monde U20 en 2019. (Gerrit Van Keulen/ANP SPORT/PR/PRESSE SPORTS)

La plupart des internationaux américains évoluent désormais en Europe. Êtes-vous en contact toute la saison via un groupe WhatsApp ou quelque chose comme ça ? Quelle est l'ambiance au sein de la sélection ?
La plupart des gars ont déjà joué ensemble chez les jeunes. Je pense par exemple à la Coupe du monde U20. C'était mon cas, par exemple, et je peux vous dire que nous sommes tout le temps en contact avec ce groupe de mecs-là. Et je pense que c'est peu ou prou la même chose pour les autres générations. Weston McKennie et Tyler Adams ont par exemple pas mal de sélections en commun chez les jeunes et sont donc proches. Vous avez plein de petits groupes comme ça qui prennent des nouvelles les uns des autres durant la saison. Mais à chaque fois qu'il y a un rassemblement, vous avez l'impression de n'avoir à faire qu'à vos meilleurs amis. L'accueil est super chaleureux et il y a une top ambiance.

À quel point le fait que tout ce beau monde évolue dans les plus grands clubs de la planète est précieux pour la sélection ?
Il faut commencer par souligner quelque chose : dix ans en arrière, personne n'aurait imaginé que tous les joueurs ou presque de la sélection évolueraient à Munich, à Chelsea, à la Juventus ou ailleurs en Europe. Avec les meilleurs joueurs du monde, donc. Tout ça nous rend incontestablement meilleur. Il y a une sorte de mélange qui opère. Chacun ramène des expériences diverses et variées à la maison et ensuite on grandit tous ensemble. Ça tire tout le monde vers le haut.

«Des joueurs comme Lewandowski n'attendent rien d'autre que la perfection de la part des gens qui les entourent»

À quelle fréquence échangez-vous avec le staff de Team USA ? On imagine que c'est difficile pour eux de venir vous voir jouer régulièrement, d'autant plus en période de pandémie...
Avant le Covid, ils assistaient régulièrement à nos matches. Vous aviez toujours du monde en Europe vu le nombre de joueurs qui y jouent. Maintenant, les choses sont un peu... différentes. Mais ils trouvent le moyen de regarder les matches, ne vous en faites pas (il sourit). Si vous jouez bien vous allez recevoir un message d'encouragement et si les choses ont mal tourné vous pouvez aussi leur écrire pour leur demander ce que vous auriez pu mieux faire. Ils sont super à l'écoute et disponibles.

De toute façon vous aviez, ces deux dernières saisons, de super staffs à disposition au quotidien...
Je n'ai pas eu à me plaindre, c'est sûr...

Vous êtes passé du Bayern, un club mythique aux infrastructures monstrueuses, à Hoffenheim, sorte de challenger qui passe son temps à expérimenter et à innover pour se hisser au meilleur niveau. Parlez-nous de ces deux organisations et de ce qui les séparent.
Les deux clubs sont super bien structurés. Après (il réfléchit), le Bayern reste le Bayern. Vous avez-là une sorte de mythe, qui a gagné des tonnes de trophées et vous le ressentez. Il y règne continuellement une sorte d'intensité. Sur le terrain, vous évoluez avec joueurs comme (Robert) Lewandowski qui n'attendent rien d'autre que la perfection de la part des gens qui les entourent. Au TSG, les choses sont légèrement différentes. Vous avez plutôt un groupe qui grandit quotidiennement, qui sait que tout ne sera pas parfait mais qui se dit qu'en bossant dur les résultats arriveront.

Richards vient féliciter Lewandowski et Müller lors d'une victoire 3-1 contre Salzbourg en novembre 2020. (Lukas Huter/EXPA/PRESSE SPORTS/PRESSE SPORTS)

Que saviez-vous de ce club avant d'y signer ? Et pourquoi avoir choisi cette organisation plutôt qu'une autre ?
En grandissant, j'y ai vu jouer des joueurs comme Roberto Firmino ou Serge Gnabry donc ça a joué sur ma décision. Mais pour être tout à fait honnête, je ne savais pas grand-chose sur l'équipe. Je savais qu'il s'agissait d'un club solide de Bundesliga, bien sûr, mais pas beaucoup plus de choses. Quand je suis arrivé, j'ai pratiquement dû apprendre le nom des vingt-deux joueurs qui m'entouraient (rires). J'exagère, bien sûr, car il y avait plein de bons joueurs mais vous voyez ce que je veux dire. Il fallait aussi apprendre à connaître un nouveau staff, de nouveaux employés...

Vous connaissiez le coach, en revanche...
Oui et ça a beaucoup compté ! Le fait de le connaître et d'avoir reçu un accueil super chaleureux de la part de tout le monde m'a facilité la vie. De manière générale, avoir déjà travaillé avec le coach du club que vous rejoignez est super utile. Je connaissais déjà les systèmes, la manière dont il avait l'habitude d'entraîner ses équipes et toutes ces choses-là. C'était la meilleure chose qui pouvait m'arriver.

«Je crois que c'était le prêt parfait ou pas loin. J'aurais pu partir ailleurs et cirer le banc six mois durant. À Hoffenheim, j'ai fait tout sauf m'asseoir en tribunes donc c'était vraiment une bonne décision.»

On est obligé de vous poser la question : vous allez poursuivre l'aventure avec lui ou retourner au Bayern ?
Je ne sais pas encore précisément de quoi mon futur proche sera fait mais ce que je peux dire c'est que le Bayern est un club fantastique. Mais Hoffenheim aussi, bien sûr. On verra...

Quand serez-vous fixé ?
Je pense que l'on peut espérer que tout soit réglé dans les prochaines semaines. Il y a des détails à régler. Il faut juste être un peu patient.

Vous ne semblez en tout cas pas du tout regretter votre choix d'avoir rejoint Hoffenheim il y a six mois de cela...
Pas le moins du monde ! J'ai eu de l'exposition, j'ai pu jouer contre des tops équipes, jouer deux matches européens. Enchaîner les rencontres m'a permis de progresser. Je crois que c'était le prêt parfait ou pas loin. J'aurais pu partir ailleurs et cirer le banc six mois durant. À Hoffenheim, j'ai fait tout sauf m'asseoir en tribunes donc c'était vraiment une bonne décision.

C'est sous les couleurs du TSG Hoffenheim, au fil d'un prêt de six mois, que Richards a pu enchaîner les matches. (ThorstenWagner/WITTERS/PRESSE/PRESSE SPORTS)

Au moment où vous avez fait ce choix, vous étiez convaincu que c'était le bon ? On serait tenté de le penser tant vous semblez avoir confiance dans votre destin. Les anglo-saxons aiment utiliser ce fameux "trust the process" et vous ne semblez pas faire exception...
C'est exactement ça. Comme vous l'avez dit, vous devez croire dans le processus dans lequel vous êtes engagé (il reprend l'expression "trust the process"). Vous savez, je viens d'un endroit dans lequel il n'y avait même pas de club de foot ! Depuis petit je me dis que chaque pas que j'accomplis me rapproche du but que je veux atteindre et j'essaye de tout prendre sur mon chemin. Chaque personne que vous rencontrez, chaque endroit que vous arpentez doit vous apporter quelque chose. Ensuite, vous vous servez de tout ça pour avancer, en confiance.

C'est facile, en fait. Vous ne doutez jamais de ce fameux "process" ?
(Il sourit.) J'ai des doutes et tout le monde en a. J'ai aussi fait des pas en arrière, parfois. Mais j'essaye de me dire que quand tu es contraint de reculer, c'est que tu n'es pas prêt. Ou pas vraiment prêt. Il faut le voir comme ça et se dire qu'il y a une autre route pour accéder à l'endroit où tu veux te rendre et que tu y arriveras en étant mieux préparé. Je dis ça mais il faut avoir confiance en soi, bien sûr. C'est une sorte prérequis. Et je dis ça d'autant plus facilement que je ne suis pas quelqu'un qui se sent confortable dans toutes les situations ou une personne arrogante. Mais je me dis à chaque fois que je vais finir par y arriver, par me dépasser, d'une manière ou d'une autre.

«Les mecs du Bayern ne sont pas du genre à ne pas te calculer, ils savent qu'ils sont passés par là»

À quel point les conseils des superstars du Bayern se sont avérés précieux pour votre développement personnel ? Vous parlez comme un joueur expérimenté...
Vous savez, quand vous arrivez dans ce vestiaire et que vous voyez, par exemple, Lewandowski marquer lors de chaque match, sans exception, contre toutes les équipes du pays vous êtes parfois (il réfléchit)... un peu intimidé. Vous vous dites : "Oh mon Dieu, on parle d'un joueur de classe mondiale et moi je suis là à essayer de me faire une petite place..." Mais je vous dis ça pour que vous compreniez combien ça peut être utile pour un jeune joueur. Vous vous imprégnez de ça et de leurs conseils à tous. Et puis il y a les joueurs qui jouent à votre poste, aussi. David Alaba a été super précieux pour moi, par exemple. Il y avait les jeunes, aussi, dès lors que j'ai vraiment intégré le groupe. Les Alphonso Davies, Joshua Zirkzee, Jamal Musiala... Tout le monde a été d'une grande aide. Ces mecs ne sont pas du genre à ne pas te calculer, ils savent qu'ils sont passés par là.

Vous étiez proche d'Alaba. Vous êtes toujours régulièrement en contact avec lui ?
Mais avec Alphonso aussi, hein ! Bon, on vient du même continent donc ça aide (il se marre). Mais oui, c'est vrai que j'avais de bons rapports avec David. Il part à Madrid, maintenant... Mais on va continuer de s'écrire, oui. Il a été vraiment top avec moi.

A Munich, Richards a notamment bénéficié des précieux conseils de David Alaba, ici dans les bras de Kingsley Coman. (Lukas Huter/EXPA/PRESSE SPORTS/PRESSE SPORTS)

On a parlé interdisciplinarité, conseils des joueurs les plus expérimentés, choix de carrière... Est-ce qu'il y a d'autres choses que les gens ne voient pas forcément mais qui jouent un rôle prépondérant dans votre quête ?
(Il réfléchit.) Depuis petit, je suis persuadé que bien visualiser ses objectifs permet de les atteindre plus facilement. Du coup, je note chaque année sur un post-il les objectifs que j'aimerais atteindre. Ce bout de papier, je le colle juste au-dessus de mon miroir et ça me permet de faire une sorte d'état des lieux à chaque fois que je me brosse les dents ou que je me regarde dans cette glace. Ça a un double intérêt : réaliser ce que vous accomplissez et visualiser ce qu'il vous reste à faire.

D'où vous vient cette astuce ?
Ça vient de ma famille. Mon père a joué au niveau professionnel en basket et ma famille baigne dans le sport donc c'est presque naturel, en fait.

Qu'est-ce que vous avez écrit sur le post-it de la saison à venir ?
(Il se marre.) Je vais vous le faire dans l'ordre (il énumère) : démarrer le plus de matches possibles, rester en bonne santé et aider l'équipe nationale lors des qualifications pour la Coupe du monde 2022. Voilà pour le moyen terme. Dans l'immédiat : bien me préparer cet été pour arriver en pleine forme dans mon club et faire une bonne première impression.

Il est trop tôt pour parler de la Coupe du monde 2026 que les États-Unis coorganisent ? Elle fait partie du fameux process et sera forcément inscrite, un jour ou l'autre, en lettres capitales sur l'un de vos bouts de papier...
On en revient à ce fameux match qui m'a, en quelque sorte, ouvert les yeux en Argentine. J'avais quinze ans. Maintenant, j'imagine ceux qui seront à la place qui était la mienne dans cinq ans. Je les imagine chanter l'hymne, dans un stade plein et je me rends compte à quel point ça va compter pour notre pays. Ça va inspirer un tas de gens. Encore plus si nous faisons une grosse compétition. Mais il nous reste tous un tas de choses à faire avant de pouvoir vraiment penser à ce tournoi...»

Thymoté Pinon