3rd January 2019 - Premier League - Manchester City v Liverpool - Liverpool manager Jurgen Klopp (L) greets Man City manager Pep Guardiola before the match - Photo: Simon Stacpoole / Offside. (Simon Stacpoole/OFFSIDE/PRESSE/PRESSE SPORTS)

D'un projet dingue à une (auto)destruction folle : l'incroyable début de chute de la Super Ligue

En à peine 48 heures, la Super Ligue a fait trembler toute la planète football, pour finir par être quasiment en cendre en deux jours. De quoi rester pour toujours dans les annales de ce sport. Résumé d'un mardi dingue.

Si les amoureux du football, qui ont vu leur passion être moquée, baffouée voire remise en cause ces deux derniers jours, vont certainement vouloir envoyer ces quarante-huit dernières heures aux oubliettes (quoique), ce court laps de temps restera dans l'histoire du ballon rond. Ou quand douze très grands noms du foot mondial ont tenté un putsch, avant de faire marche arrière. Imaginez : Arsenal, Atlético Madrid, FC Barcelone, Chelsea, Inter Milan, Juventus Turin, Liverpool, Manchester City, Manchester United, Milan AC, Real Madrid, Tottenham, l'équivalent de 40 coupes aux grandes oreilles soulevées, et d'innombrables trophées en Championnats et Coupes nationales respectifs. Douze mastodontes qui divorcent de l'UEFA, en (grande) partie pour des histoires de gros sous. Et qui finissent par faire demi-tour et revenir la tête basse, quitte même à s'excuser à l'image d'Arsenal. «Nous avons fait une erreur, et nous nous en excusons (...) Il faudra du temps pour restaurer la confiance.»

Comme si les boards et les dirigeants de ces clubs avaient fini par comprendre, bien trop tard malheureusement, qu'ils n'étaient pas vraiment seuls, tout en haut, dans leurs bureaux. Que le football, ce n'étaient pas que les droits TV, les revenus publicitaires et autres marketing. Non, le football va bien au-delà et il faudra espérer que certaines leçons soient retenues tant ce qu'il vient de se produire est aussi un symbole de notre société actuelle qui va bien trop vite et qui en oublie parfois, si ce n'est souvent, l'essentiel. L'histoire des clubs, leurs supporters, les fameuses valeurs mises en avant, tout a été oublié, galvaudé. On se souviendra que ces grands clubs ont décidé d'activer une Super Ligue en pleine crise sanitaire (loin d'être terminée), au coeur d'une année entière où les supporters et ceux qui aiment aller voir du football sont privés de stade. Dans la catégorie "déconnecté de la réalité", pas certain de pouvoir faire pire.

Six clubs anglais officiellement retirés

Ce mardi 20 avril aura donc été la journée de la (probable, car rien n'est terminé encore) bascule. Les prises de paroles ont d'abord été nombreuses. D'un Pep Guardiola assez offensif mais qui demandait des clarifications («Le sport n'est pas un sport quand la relation entre l'effort et la récompense n'existe pas. Ce n'est plus un sport si la défaite n'a plus d'importance») à un Zinédine Zidane qui a botté en touche pour renvoyer vers son président, en passant par un Andrea Pirlo qui a parlé d'un «projet d'avenir». On ne se moquera pas du génial ancien milieu de terrain, mais on n'en pense pas moins. Des joueurs se sont également montrés assez offensifs comme Marcus Rashford et Kevin de Bruyne par exemple. Les clubs non invités à la fête se sont également exprimés. Everton et «l'arrogance grotesque» des six clubs de Premier League, la Roma mais aussi le Bayern qui a officiellement annoncé qu'il ne rejoignait pas la Super Ligue.

Ceci ajoutées aux phrases cinglantes de Gianni Infantino et d'Aleksandr Ceferin pour faire revenir tout ce petit monde à la raison. Il y a enfin les supporters. Si les fans des Reds s'étaient faits entendre lundi avant le match face à Leeds (1-1), les supporters de Chelsea ont fait beaucoup de bruit ce mardi aux abords de Stamford Bridge avant la rencontre des Blues face à Brighton. Sont alors arrivées les premières rumeurs de retrait. Puis, peu avant 22h30, le communiqué de Manchester City tombe : les SkyBlues sortent de la Super Ligue ! Le séisme ne fait que commencer. Alors qu'une réunion au sommet entre les douze clubs est évoquée, il ne faut pas attendre une heure et demi avant de connaître une nouvelle secousse. Ou plutôt quatre nouvelles secousses. Quasiment en même temps, Arsenal, Liverpool, Manchester United et Tottenham disent au revoir également. Cinq clubs anglais sur six, puis six sur six, avec le communiqué de Chelsea qui arrive peu avant deux heures du matin : les Blues suivent leurs camarades de Premier League. Quant à l'Inter Milan, il a également fait savoir que la Super Ligue ne l'intéressait plus auprès de l'ANSA, agence de presse italienne. Ce mardi soir, en début de nuit, plusieurs médias dévoilaient que d'autres clubs pourraient suivre. Enfin, très tard, la Super Ligue a pris la parole après ce cataclysme. Si le texte explique que les clubs anglais ont subi des pressions, il indique que la Super Ligue est loin d'être entérée et que le projet va être remodelé.

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Une victoire ? Quelle victoire ?

Si on s'est cru par moment en plein multiplex d'une 38e journée de Ligue 1, difficile tout de suite de sourire et de se réjouir de ces premières défaites pour la Super Ligue. Car de nombreuses questions vont se poser dans les prochaines semaines, si ce n'est les prochains jours. Quelles seront les attitudes des clubs lors des demi-finales de la Ligue des champions la semaine prochaine ? Quelles réactions des fans envers chacun de leur club ? On ose imaginer, notamment en Angleterre, qu'un tel affront ne sera pas oublié en un claquement de doigts. Il fallait certainement lutter contre la Super Ligue, mais peut-on vraiment se réjouir d'une future formule illisible de la Ligue des champions ? Car il faut bien avoir conscience que les douze clubs vont avoir aussi obtenu certaines victoires, notamment autour des rentrées financières. L'UEFA et les différents clubs seront-ils capables d'ouvrir de véritables discussions sereines et collectives pour faire avancer leur sport ? La priorité est certainement de sortir, d'abord, de la crise du Covid-19, dont les conséquences joueront aussi sur le football de demain. La Super Ligue a vraisemblablement été évitée, pour le moment, mais il ne faudra absolument pas croire, ni imaginer, que le football redeviendra dès demain ce sport populaire que nous chérissons tous.

Timothé Crépin