De Filippo : «Un beau projet à l'AS FAN»

On a retrouvé la trace d'un technicien français au Niger. Très discret mais très actif depuis son arrivée l'an dernier, Stephen De Filippo a accepté de se raconter pour FF, et d'évoquer son parcours avec l'AS FAN, le club militaire. Rencontre.

«Stephen, dans quelles circonstances avez-vous rejoint le Niger ?
C’est une longue histoire. Après mon expérience au FC Martigues, qui aura duré onze ans et où j’étais responsable technique de la formation des jeunes, j’ai d’abord eu l’occasion de rebondir à Saint-Pierre et Miquelon pour une mission fédérale, en tant que conseiller technique régional (CTR) sur l’archipel. Ca a duré six mois. Je me suis ensuite inscrit sur le dispositif de l’UNECATEF, DMVE, qui permet aux coaches de préparer une expatriation. Cela m’a permis de développer mon réseau puisque je faisais partie d’une promotion avec Philippe Hinschberger, Jean-Philippe Séchet, Eric Guérit, Jean-Luc Vasseur, etc. Cette formation m’a conforté dans mon envie de connaître d’autres cultures, d’autres footballs.
 
On est encore loin du Niger et du Sahel !
Je suis ensuite parti au Maroc (RS Berkane) puis au Liban (Nabatieh, à la frontière syrienne) où j’ai travaillé pour le PSG et la création d’une académie. Après, je me suis rendu en Arabie Saoudite (Al-Nahdah) avec un cadre de travail exceptionnel puis à Oman (Saham). J’avais déjà en ligne de mire l’Afrique. La seule problématique, c’est que je n’avais pas de réseau particulier. Je me suis mis en quête d’un agent.

«J'ai eu droit à un bel accueil»

Est-ce que cela a débouché sur des propositions ?
Oui, tout à fait. Au Sénégal, au Togo, en Côte d’Ivoire et au Bénin. Et donc, au Niger. Je suis rentré en contacts directs avec le Président de la Fédération, le Major Hamidou Djibrilla «Pelé», qui est depuis peu membre du ComEx de la CAF. Il voulait que je m’inscrive dans un projet, à la fois fédéral et au sein d’un club (AS FAN). On s’est entretenus et je suis arrivé au Niger.
 
Comment s’est déroulée votre prise de fonction ?
J’ai eu droit à un bel accueil. Malheureusement, cela ne s’est pas passé comme on le voulait par rapport au projet fédéral. Je me suis donc recentré sur l’AS FAN, le club omnisports des Forces Armées du Niger dirigé par le Colonel Dan Baba. Je suis devenu le premier occidental à coacher en Superligue (D1). Ca a suscité beaucoup de curiosité au départ et de motivation chez l’adversité !
 
De quelles infrastructures bénéficiez-vous dans le cadre de vos fonctions ?
On travaille au camp Bagadji, une grande caserne militaire où on bénéficie de terrains d’entraînement gazonnés, vestiaires, centre d’hébergement pour les pros et pour les étrangers. On dispose d’un siège très fonctionnel. L’encadrement est mixte, avec des civils comme moi et quelques militaires. L’exécutif est bien entendu dirigé par des militaires.

Et en termes de moyens ?
Le budget de fonctionnement provient à 95% de la ponction, effectuée chaque trimestre, sur le salaire des militaires, proportionnellement au grade. Le reste provient du mécénat, de dons. Concernant l’effectif, j’ai seulement deux joueurs militaires faisant partie du groupe pro. Ce n’est pas parce que les militaires ne sont pas de bons joueurs. Mais parce qu’ils préfèrent partir en mission, où ils gagnent mieux leur vie. Actuellement, on prospecte dans les régions pour justement, avoir un peu plus de militaires dans notre effectif.
 
Parlez-nous un peu du pays, de Niamey la capitale…
C’est devenu ma patrie. C’est d’abord le respect de l’ancien ici. J’aime la ville, que je trouve très moderne, et où tout le monde se connaît. La vie sociale est intense. Sur place, c’est la lutte traditionnelle le sport national. Je commence à comprendre le haoussa. Et puis, bien sûr, il y a ce côté intemporel. Le temps n’existe pas, on n’est pas minutés. Il n’y a pas de stress. Je me sens très bien dans ce pays et je m’y suis bien intégré.
 
Quel est le projet du club ?
Le président Dan Baba a tellement de projets pour le club que j’ai du mal à suivre la cadence parfois ! Le projet a été redéfini après sa réélection pour quatre ans : consolider l’équipe pro et glaner des titres, sachant qu’on est dans une petite période de disette. On a évidemment un projet de jeu. On est une équipe attrayante, attractive dans le jeu. On a également notre académie. La jeunesse, c’est l’avenir alors on l’a créée en septembre dernier. Elle compte une centaine de jeunes répartis dans trois catégories (U13, U15, U17). On ouvrira les sections U11 et U19 en septembre prochain, de façon d’avoir un cycle complet, de l’éveil à la post-formation.

«Le président Dan Baba a tellement de projets pour le club que j'ai du mal à suivre la cadence parfois !»

Le club compte quelques joueurs internationaux, dont l’attaquant Ibrahim Marou, aperçu lors du dernier CHAN au Cameroun..
Effectivement, on en compte quelques-uns, y compris en U17, en U20 et dans le Mena. L’AS FAN fournit des joueurs aux différentes sélections et cela va continuer.
 
Comment interagissez-vous avec la Fédération ?
Nos relations avec la Fenifoot sont excellentes. J’échange avec certains techniciens depuis mon arrivée. Il y a un projet fort en place et ce n’est pas par hasard que Jean-Michel Cavalli est arrivé à la tête de la sélection A. Il a mis un projet global au niveau de la DTN pour créer une unité au niveau des sélections nationales. Le Niger en avait vraiment besoin. Après, il a le courage et le professionnalisme de rester sur le territoire pour scruter, observer la Superligue où il y a des locaux intéressants. Avec sans doute l’envie de bâtir à l’avenir une sélection avec les meilleurs éléments locaux, les expatriés et les binationaux. Quelques clubs français commencent à s’intéresser à ce qu’il se passe ici ».
 
Propos recueillis par Frank Simon