(L'Equipe)

Désiré Segbé Azankpo : «Sadio Mané et moi, une belle histoire d'amitié»

Meilleur ami de Sadio Mané depuis leurs années en commun passées à Génération Foot, l'attaquant et international béninois de 27 ans, qui évolue à Villefranche-Beaujolais (National) évoque sa carrière et ce lien si particulier qui l'unit au génial attaquant sénégalais de Liverpool. (Crédit photo : beninfootball.com)

«Désiré Segbé Azankpo, dans quelles circonstances le jeune Béninois que vous êtes s’est retrouvé à Génération Foot, loin de chez lui à l’époque ?
J’ai été repéré par un émissaire du FC Metz alors que j’étais dans une académie de football au Bénin. Il m’a proposé un essai de quinze jours à Génération Foot, leur partenaire au Sénégal. Si c’était concluant, il y avait la possibilité d’intégrer le centre de formation de Metz. C’est le rêve de tout africain, l’Europe. J’étais parti pour deux semaines et je suis resté deux saisons. Sur place, j’ai connu Olivier Perrin, envoyé par Metz, alors coach des U19 messins et aujourd’hui le boss du centre du FCM. C’est lui qui m’a retenu parce qu’il me voulait. J’ai joué pour GF en championnat. On a fait la montée historique en D2 pro. C’est là-bas que j’ai connu Sadio Mané, qui est devenu mon meilleur ami mais Abdallah Ndaw (Sochaux), Mayoro Ndoye (Red Star) etc. C’était une belle génération. Après deux ans, j’ai signé stagiaire pro au centre de formation de Metz avant de passer pro (2011-2013).

Quelles difficultés avez-vous connu pour vous faire une place dans le circuit professionnel ?
Je me suis fait une grave blessure en arrivant au FC Metz qui m’a vraiment freiné. Après m’être fait les croisés, je suis bien revenu mais à l’époque le club a mis en avant d’autres jeunes, ce qui est normal. Je suis pourtant revenu mieux que ce le club espérait. Le coach me prenait pour des matches amicaux, sans me donner ma chance en championnat. Ca me frustrait beaucoup. Je suis parti en janvier 2014 alors que j’étais encore sous contrat. Je me sentais prêt pourtant. Je pense qu’à l’époque je n’étais pas forcément bien conseillé et j’ai résilié. J’aurais pu faire d’autres choix peut-être…

Vous êtes passé par plusieurs pays ensuite, dont le Luxembourg, à la Jeunesse d’Esch (2014)…
C’était juste pour finir ma saison. J’avais besoin de jouer, de m’exprimer. Prouver que j’étais le même joueur. Ca a duré quatre mois. Après je suis rentré en France. Par la suite, j’ai vécu d’autres expériences à l’étranger, tel qu’en Slovaquie (FK Senica, 2018-19). Quand on est ici en France, on est un peu fermés. Quand on sort, on découvert plein de choses. Là-bas, j’ai été agréablement surpris. Je pourrais le refaire. En Europe de l’est, les pays sont sous-estimés alors que ce sont de beaux championnats. Pareil pour l’Angleterre, mais j’y reviendrais.

Azankpo à la lutte avec Abdennour en Coupe de France en janvier 2018. (P.Lahalle/L'Equipe)

Vous avez le bonheur de partager une amitié unique avec Sadio. Racontez-nous un peu…
Sadio et moi, on s’est connus à mon arrivée à Génération Foot à Dakar. Ca a tout de suite matché entre nous. Il était très protecteur envers moi. Je ne comprenais pas la langue, les mentalités. J’étais dans un monde nouveau. Lui me traduisait les choses en wolof, il m’aidait dans tout, sur et en dehors du terrain. Ca s’est fait naturellement. On était tout le temps ensemble, même dans le bus. Ensuite on est venus à Metz, lui quelques mois avant moi. Metz était au courant de notre amitié. Du coup, on nous a permis de partager la chambre 16 au centre, sachant qu’on était deux par chambre. Je suis arrivé là et j’avais donc ma place réservée. Par la suite, il a été transféré en Autriche au Red Bull Salzburg. On a continué à se soutenir à distance. On était très attachés l’un à l’autre et c’est toujours le cas. On s’appelait sur Skype à l’époque. Jusqu’à aujourd’hui, on passe pas mal de notre temps libre en Facetime. Quand j'avais du temps libre et que c’était possible, je partais le voir en Angleterre. Idem pour lui dans l’autre sens. Cette amitié tient parce qu’elle est naturelle. Je suis son pire adversaire dans les jeux. Il peut perdre contre le monde entier sauf moi, et vice-versa. Quand on joue, c’est le feu !

Quand vous vous êtes aventuré en Angleterre la saison d’avant (Oldham, 2019-20), était-ce pour vous rapprocher de votre meilleur pote ?
Après la CAN 2019, je suis parti en Angleterre. Comme beaucoup de footballeurs, je rêvais de découvrir ce football. C’est différent ! C’est une aventure à vivre. Le point positif, c’est que Sadio était proche. Moi j’ai signé à Oldham Athletic, près de Manchester. Et Liverpool est à 45 minutes. Du coup, on a habité ensemble. C’était un plus parce qu’on s’entend tellement bien. On se remontait le moral, on s’est soutenus durant cette saison 2019-2020. Au quotidien, on redevenait des gosses de cinq ans. Quand je suis parti d’Angleterre, un dirigeant de Liverpool m’a dit : "Reste !" Cette saison-là a été très belle pour chacun d’entre nous, malgré qu’elle ait été coupée par la Covid.

Et la sélection nationale dans tout ça, vous qui êtes un Ecureuil depuis 2014 ? (Il a notamment disputé la CAN 2019 en Egypte, avec un match contre le Sénégal de Sadio en huitièmes)
J’y étais tout dernièrement en novembre pour la double confrontation contre le Lesotho en éliminatoires de la prochaine CAN. On a gagné chez nous et fait nul chez eux. Michel Dussuyer fait appel à d’autres joueurs qui évoluent en National, comme moi. A moi d’être performant pour y rester.»

Frank Simon