diop (bouba) (DE MARTIGNAC/L'Equipe)

En pensant à Pape Bouba Diop...

L'ancien milieu de terrain de Lens et de Fulham, quart de finaliste de la Coupe du monde 2002 avec le Sénégal et finaliste de la CAN quelques mois plus tôt, est décédé le week-end dernier. L'occasion pour nous de rendre hommage à ce gentil géant définitivement entré dans l'histoire du football africain.

C'est une année 2020 bien cruelle pour le monde, et elle tarde à se terminer. Sans surprise, le football africain n'a pas été épargné. Dernièrement, le Togo et la Côte d'Ivoire ont ainsi enterré des dirigeants de grande stature : Seyi Mémène à Lomé, Augustin Sidy Diallo, président sortant de la FIF, à Abidjan. Au printemps et lors du premier confinement, la maladie du siècle avait arraché à l'affection des siens notre grand frère Pape Diouf. Dimanche dernier, la grande faucheuse a continué son œuvre destructrice et a emporté Pape Bouba Diop, 42 ans. Décédé de la maladie de Charcot, une maladie neuro-dégénérative qui le rongeait.

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Ici, on ne cherchera pas à résumer l'histoire et la carrière exceptionnelles de ce gentil géant, issu du Jaraaf de Dakar et qui aura marqué les esprits, et pas que le nôtre, lors de son passage au RC Lens. Il y aurait tant à dire et à raconter, tant de témoignages à rassembler pour rendre justice à celui qui a, à jamais, marqué l'histoire du football sénégalais et africain. Car c'est bien cet homme qui, un inoubliable 31 mai 2002 à Séoul, en Corée du Sud, a coulé les Bleus de France (1-0), champions d'Europe et du monde en titre. Pape Bouba Diop était entré ce jour-là au panthéon continental, premier buteur de son pays dans une phase finale de Coupe du monde, et tombeur de Bleus si pâles qu'ils firent leurs bagages à l'issue du premier tour, tandis que les Lions de la Teranga façonnés par Bruno Metsu et Jules Bocandé s'apprêtaient à écrire un chapitre inoubliable jusqu'en quarts de finale de l'épreuve. Pape Bouba Diop soigna ses statistiques avec un doublé important contre l'Uruguay (3-3) qui permit à ses frères de franchir ce fameux plafond du premier tour.

Un athlète au physique de colosse mais à la gentillesse proverbiale

Plus tard, bien plus tard, on a retrouvé Bouba. À la Gaillette, au centre d'entraînement de son club, durant l'hiver 2003. On était venu l'interviewer en compagnie de son pote, le Malien Adama Coulibaly «Police», juste avant la CAN en Tunisie pendant laquelle les deux amis étaient amenés à se croiser au premier tour. Ç'avait été un bonheur d'échanger avec lui, voix douce et posée. On se souvient des six Africains appelés alors à Lens pour ce tournoi. De Rigobert Song, capitaine des Sang et Or, qui gueulait, pour rire : «Mais qu'est-ce que c'est ce foutoir ?» à la vue des couleurs maliennes et sénégalaises posées dans l'amphithéâtre de la Gaillette. C'était un temps où il était encore possible de rencontrer les héros du football africain, sans chichi.

Quelques années plus tard encore, en Egypte, à Alexandrie, il faisait encore partie des piliers de la sélection demi-finaliste de la CAN 2006, buteur contre la Guinée qu'il élimina (3-2). S'approcher de lui, c'était confronter un athlète au physique de colosse mais à la gentillesse proverbiale. Derrière le bus du Sénégal, on avait devisé avec lui et Souleymane Camara. Je ne l'ai plus jamais croisé ensuite mais le souvenir de sa stature et de ce but pour l'éternité contre la France sont restés vivaces. Il y a quelques jours, ses frères de Sénégal 2002, Habib Beye en tête, lui ont rendu hommage avec des mots d'une infinie tendresse et d'un grand respect pour le joueur qu'il fut. Henri Camara, son meilleur pote, doit se sentir bien seul aujourd'hui. Nous aussi, forcément, parce qu'on aurait aimé le croiser de nouveau dans sa vie d'après, auprès de sa famille.

Pape Bouba Diop a rejoint Bruno Metsu, Jules Bocandé et Mansour Wade, ses encadrants et grands frères de 2002, dans l'Autre Monde, et je ne doute pas qu'ils refassent ensemble l'histoire de cette campagne 2001-02 qui a rendu si fière toute l'Afrique, et pas seulement son pays. Que la terre te soit légère, Pape Bouba Diop. «Un Lion ne meurt pas, il dort»...

Frank Simon