faghani (alireza) khedira (sami) boateng (jerome) hummels (mats) muller (thomas) vela (carlos) (R.Martin/L'Equipe)

Hummels, Boateng, Müller : Joachim Löw doit-il rappeler ses anciens en équipe d'Allemagne ?

Mis au ban depuis la piteuse Coupe du monde 2018 de la Mannschaft, Jérôme Boateng, Thomas Müller et Mats Hummels sont en pleine bourre cette saison. Au point de faire ravaler sa fierté à Joachim Löw ? Deux de nos journalistes ne sont pas d'accord.

OUI

Parce qu'une équipe a toujours besoin d'expérience
Mis à part Manuel Neuer, Kevin Trapp et Ilkay Gündogan, Joachim Löw n'a sélectionné aucun autre trentenaire dans son effectif. S'il y a beaucoup de talent et de fraîcheur dans cette équipe allemande, il n'y a que peu l'habitude des grandes compétitions et des matches couperets en sélection. Se balader lors des phases éliminatoires et des amicaux, c'est une chose. Sortir le grand jeu en Coupe du monde ou à l'Euro, c'en est une autre. Thomas Müller, Jérôme Boateng et Mats Hummels ont l'habitude des grands bardas. Leurs épaules sont larges et solides, ils ont touché le Graal à Maracana et la pression, ils la connaissent mieux que quiconque dans cet effectif de la Nationalmannschaft. Pour que l'Allemagne aille loin dans cet Euro et pour gérer les temps faibles dans la compétition, il n'y a rien de mieux que ces vieux briscards. Et puis, il ne faut pas exagérer non plus. Le plus âgé des trois champions du monde 2014 est Boateng et il n'a que 32 ans... On n'est pas loin du jeunisme un poil malaisant là.

Parce que les trois sont performants en club
Et puis soyons francs, on ne serait pas non plus dans une sorte de passe-droit pour les trois compères. Leur place, ils la méritent. Jérôme Boateng est un incontournable de la défense centrale bavaroise et Niklas Süle, souvent titulaire avec Löw, est obligé de passer à droite voire sur le banc vu la concurrence du taulier du Bayern. A la peine pendant un certain temps, Mats Hummels a retrouvé des couleurs au Borussia Dortmund et ne bouge plus du onze de départ d'Edin Terzic. Sans oublier l'incroyable renaissance de Thomas Müller. Tout le monde l'imaginait au fond du trou il y a à peine plus d'un an. Avec l'arrivée de Hansi Flick et un placement au cœur du jeu du Bayern, il a montré qu'il était un formidable atout dans la distribution et la finition. Les trois ont sans conteste leur place dans l'effectif de la Nationalmannschaft...

Parce qu'il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis
2019. Tournant décisif. Joachim Löw décide de laisser la main aux plus jeunes et de mettre de côté les cadres allemands. S'il est louable de vouloir passer le témoin à la génération future, il est dommageable de se passer de formidables footballeurs juste pour une question d'âge. Inflexible sur la question il y a encore quelques mois, le sélectionneur de la Nationalmannschaft commence à se rendre compte de son erreur. Dans les colonnes de Skysports début mars, Löw expliquait : «Vous ne devriez pas arrêter complètement un changement radical (NDLR : le rajeunissement de l'équipe), mais vous pouvez l'interrompre quand vous avez eu une année comme la nôtre où le développement s'est arrêté». Ravaler sa fierté peut avoir du bon et comme le dit l'adage, Jogi, il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis. - J.T.

NON

Parce qu'un manager ne doit pas tergiverser
Si l'on en croit les derniers échos venus d'Allemagne, même si Joachim Löw s'est à nouveau passé du trio Müller-Hummels-Boateng pour les échéances du mois de mars, les deux premiers nommés auraient de bonnes chances d'être sélectionnés pour l'Euro cet été. Sportivement légitime, ce revirement de dernière minute aurait néanmoins des conséquences réelles en termes de management pour le sélectionneur national. Comment faire comprendre et accepter à son groupe, a fortiori ceux qui ont bénéficié de la mise à l'écart des tauliers, qu'il faut faire machine arrière au moment même où la phase finale se présente ? Les bannis en question étant loin d'être des taiseux, on les imagine mal revenir en sélection sur la pointe des pieds, s'asseoir dans un coin et ne pas revendiquer un leadership que d'autres ont assumé (plus ou moins bien, certes) depuis deux ans. Après s'être formellement et publiquement opposé au rappel des anciens depuis 2019, Löw verrait son autorité s'effriter en cédant à la pression. Jamais bon signe avant un grand tournoi.

Parce que le potentiel est là
L'Allemagne possède-t-elle un défenseur central du niveau de Mats Hummels ou Jérôme Boateng actuellement ? Le doute est permis. Mais faut-il pour autant freiner le développement de certains talents (Niklas Süle, Antonio Rüdiger, Matthias Ginter) qui affichent une forme encourageante à quelques semaines de l'Euro ? Idem en attaque, où réinstaller le profil unique et précieux de Thomas Müller aurait des conséquences non-négligeables sur l'utilisation de Leon Goretzka, Ilkay Gündogan ou Kai Havertz, pour ne citer qu'eux. D'autant que la Mannschaft a adopté une approche plus directe qui ne correspond pas aux qualités du numéro 13 du Bayern. Si Joachim Löw n'a pas encore trouvé l'animation idoine pour faire briller sa nouvelle génération, et si le crash en Espagne en novembre dernier (0-6) a marqué les esprits, le potentiel de cette équipe est réel. Le sélectionneur quittera son poste à l'issue du Championnat d'Europe, et a assumé ses choix, même dans la tempête. Autant rester droit dans ses bottes jusqu'au bout, non ?

Parce que le renouvellement est nécessaire
L'élimination dès le premier tour de la Coupe du monde 2018 paraît loin, mais elle avait tout de même illustré la lassitude du noyau dur de la sélection allemande, comme son incapacité à se révolter lorsque la Mannschaft s'est retrouvée dos au mur. Joachim Löw avait donc décidé de tourner la page, et déchirer le chapitre écrit depuis deux ans comporterait un risque majeur, car il faut bel et bien faire de la place à la nouvelle génération allemande. Rappeler Boateng, Hummels et Müller renforcerait les incertitudes à l'aube de l'Euro cet été, mais mettrait également un sérieux coup de frein au développement de leurs successeurs dans l'optique de la Coupe du monde 2022. Le nouveau sélectionneur aurait alors moins d'un an et demi pour (re)construire une nouvelle alchimie autour de nouveaux cadres, sans pouvoir s'appuyer sur leur expérience engrangée à l'été 2021. Ce ne serait pas vraiment une passe décisive de la part d'un Joachim Löw qui nous a plutôt habitués à voir loin... - C.C.