(L'Equipe)

L'Afrique, c'est foot : Datro Fofana, au coeur des palabres

Recruté il y a quelques semaines par le club norvégien du FK Molde, actuellement engagé en Ligue Europa, le jeune international ivoirien David Datro Fofana se retrouve malgré lui au coeur d'un imbroglio qui oppose à Abidjan son dernier club à ses représentants. (Photo : FK Molde)

Parfois, on devrait tourner sept fois sa langue dans sa bouche. Pour ne pas avoir temporisé, je l’ai appris à mes dépens il y a quelques jours. A la recherche d’éléments d’information concernant le jeune international ivoirien de 18 ans David Datro Fofana, je me suis pris une volée de bois vert dont je n’imaginais même pas la portée. Mea culpa. Datro Fofana, c’est l’histoire d’un talent ivoirien recruté adolescent par Abidjan City, un club de D3 créé par l’ancien international Marco Né, et prêté la saison passée à l’AFAD en D1. Le championnat amateur était alors déjà trop petit pour ce talent et c’est à l’AFAD qu’il a démontré d’évidentes qualités de passeur et de buteur. Au point d’être même convoqué par le sélectionneur Patrice Beaumelle.

Des clubs français sur le coup

Dans la coulisse, certains clubs européens se sont manifestés auprès d’Abidjan City : Strasbourg, Angers et les Belges de Beveren ont formulé des offres fermes, ainsi que l’Espérance de Tunis. A l’arrivée, Datro et son camp, en rupture de confiance avec Abidjan City, ont souhaité opter pour Molde et la Norvège, où ce dernier avait passé quelques jours à l’essai. Le départ a été finalisé quelque temps après qu’il ait fêté ses 18 ans, le 22 décembre. Aujourd’hui, alors que David a marqué son premier but en Ligue Europa contre Hoffenheim, les deux camps s’affrontent avec virulence. D’un côté Abidjan City, qui affirme par la voix de son président qu’il serait parti dans des conditions irrégulières, avec notamment l’appui de certains dirigeants alors à la Fédération, et l’ACFC s’estime lésé financièrement. De l’autre, celui du joueur, emmené par sa maman, son oncle, ses représentants et même d’autres agents ayant, disent-ils, parfaite connaissance du dossier. Que disent-ils ? Que le joueur n’était lié par aucun contrat et que celui signé par la maman serait un faux avec sa signature imitée. Que le joueur ne possédait qu’une licence renouvelable chaque année et que les contrats pros n’existent pas en D3.

La justice sportive et/ou civile statuera ultérieurement

Ils s’appuient aussi sur une décision fédérale, contestée par Abidjan City, arguant qu’il y a «un doute sur l’authenticité de la supposée signature (…) sur l’acte portant prolongation de contrat (…)». Bref, chacun campe fermement sur ses positions et affirme être dans son bon droit. La justice, sportive et/ou civile, statuera ultérieurement si besoin est à la lueur des éléments en sa possession. En début de semaine, je ne possédais pas encore les éléments contradictoires et, en exprimant publiquement les vues du dernier club connu avant son départ - qui ne sont pas les miennes -, alors les seules à disposition, j’ai été accusé de prendre parti pour l’un plutôt que l’autre. La machine s’est subitement emballée, le téléphone a chauffé, les menaces ont fusé, les accusations gratuites ont alimenté les conversations, m’accusant de piétiner la déontologie de mon métier. Ce n’est pas mon genre. Et David Datro Fofana dans tout ça ? On peut lui souhaiter plusieurs choses : de réussir son intégration dans le football européen, de retrouver la sélection A et de disputer le tournoi olympique de Tokyo avec les jeunes Eléphants. A Abidjan City, qui compte une quarantaine de jeunes joueurs talentueux, on souhaite de pérenniser ses structures et d’atteindre son objectif, se mêler à l’élite. Et puis, en cas de revente ultérieure de Datro, le club empochera des indemnités liées aux années de formation. Et puis, on souhaite en tout cas tout le meilleur à David, qui incarne la nouvelle génération des Eléphants, tout en espérant qu’il ne soit pas perturbé par l’écho tumultueux de tous ces palabres qui déchirent sa famille biologique et sa désormais ex-famille sportive…

Frank Simon