Mandanda

L'interview croisée avec Over, Parfait et Riffi Mandanda : «Steve devient une icône française chez les gardiens de but»

De 22 à 35 ans : treize ans séparent les quatre frères Mandanda. Mais avec ce lien unique d'un même poste : celui de gardien de but. Entretien croisé avec les trois jeunes frères du champion du monde : Parfait, Riffi et Over.

C'était une première pour eux. Quand FF leur a proposé un entretien croisé pour évoquer la famille Mandanda et bien sûr le grand frère Steve, leur Yaya, Parfait (31 ans), Riffi (28 ans) et Over (22 ans) n'ont pas hésité. Depuis la Belgique et Charleroi pour le premier, la Norvège et Kongsvinger pour le deuxième et Bordeaux pour le troisième, les Mandanda se sont posés pendant une heure pour raconter leur enfance, leurs souvenirs, les difficultés de parfois porter le nom Mandanda... Avec beaucoup d'éclats de rire et une bonne humeur pour une fratrie à jamais associée au poste de gardien de but, qu'ils ont tour à tour choisi dans leur enfance. Pour ne jamais quitter leur ligne.

«S'il y avait un mot commun pour définir la famille Mandanda, ce serait lequel ?
Riffi Mandanda : Goalkeepers ! (Ils rient tous.)
Parfait Mandanda : Simplicité. Il y a aussi le mot "famille". On est proches, on échange beaucoup, on essaie de s'aider du mieux qu'on peut que ce soit sur ou en dehors du terrain. On a cette chance d'être quatre, de faire le même métier, donc de comprendre ce qu'il se passe dans nos vies et sur le terrain quand ça va et quand ça ne va pas.
Over Mandanda : Festif. On aime tous la musique (Il sourit.) ! La musique de notre pays, de nos origines (NDLR : Le Congo). Tout le monde écoute cette musique. On est à peu près tous virtuoses parce qu'à part moi, ils ont tous essayé un instrument de musique.
Parfait Mandanda : Moi, c'est la batterie.
Riffi Mandanda : J'ai acheté une guitare électrique mais bon... (Over sourit.) Elle est bien là où elle est (Ils rient tous.).

«Le foot, on essaie d'en parler quand ça ne va pas»

Meilleur sur votre ligne de but, Riffi ?
Riffi Mandanda : Largement. Meilleur sur beaucoup plus de choses (Il sourit.). La guitare, franchement, nul à ch...
Parfait Mandanda : Quand on se retrouve, et c'est rare ces derniers temps, on essaie de s'amuser du mieux qu'on peut. L'ambiance, ce n'est pas que football. On parle de tout et de rien, mais pas trop de football. On essaie d'en parler quand ça ne va pas. Mais quand ça va bien, on essaie de profiter de ces moments ensemble. L'important, ce sont aussi nos parents. Pour eux, c'est dur de ne pas avoir de réunion avec leurs enfants.

Est-ce compliqué de mettre de côté ce football qui vous unit tant ?
Parfait Mandanda : Ça vient tout seul. On ne se dit pas : "On met ça de côté, on n'en parle pas." Le football, c'est notre vie, donc c'est normal qu'on essaie d'en parler. On le fait par téléphone, mais c'est bien aussi de le faire en face, pour voir le ressenti de chacun.

A quand remonte la dernière fois où les quatre frères se sont réunis ?
Parfait Mandanda : Il y a un an, au mois de décembre, pour Noël.
Riffi Mandanda : Et avant ça, je crois que ça faisait bien six ou sept ans que ça n'était pas arrivé.
Parfait Mandanda : Ça nous avait vraiment fait du bien.

Comment se fait-il qu'il soit si compliqué de se voir ?
Over Mandanda : Le football !
Parfait Mandanda : Cette année, ça va être chacun de son côté. Et avec ce qu'il se passe actuellement, c'est plus délicat pour tout le monde. Donc c'est à cause du Covid-19 mais aussi parce que c'est compliqué niveau organisation.
Riffi Mandanda : Je crois que Marseille joue le 3 janvier et qu'ils n'ont que trois jours de vacances. Mon frère (Steve) a son fils à Marseille, Parfait retourne à Charleroi.
Parfait Mandanda : On joue le 27 décembre et le 2 janvier.

Over, est-ce que le plus jeune va aller rendre visite à ses parents cette année ?
Over Mandanda : Toujours ! Je vais remonter à Paris pour les voir. J'en profite. Steve et Parfait ont un calendrier compliqué par rapport à leur club. On va essayer de croiser le plus de monde possible pendant ces vacances.

Vous êtes-vous chacun donné un surnom depuis votre enfance ?
Riffi Mandanda : Non, il n'y a que Steve qui en a un. C'est Yaya. Chez nous, ça équivaut au grand frère.

«Steve, son surnom, c'est Yaya, ça équivaut au grand frère.»

Le destin aurait-il été le même si la maison familiale n'avait pas été située à côté d'un stade ?
Parfait Mandanda : Je ne pense pas.
Riffi Mandanda : Je sais pas. Regarde, tout ceux qui sont pros habitaient à La Madeleine. Bernard Mendy, Ousmane Dembélé, Mathieu Bodmer, nous...

Quel était le regard de vos parents par rapport à ce football qui prenait pour chacun une place particulière ?
Parfait Mandanda : C'était plus le côté : "C'est la vie que tu as choisi, donc il faut que tu t'y donnes à fond."
Riffi Mandanda : Mon père ne blaguait pas (Ils sourient tous les trois.). En fait, si Over n'allait pas en centre de formation, ça allait même être bizarre, carrément. Ce n'était pas une obligation mais...
Parfait Mandanda : C'était une obligation sans être une obligation.
Riffi Mandanda : C'était comme si un jeune d'aujourd'hui disait à son père : "Non, je ne veux pas aller au lycée."
Over Mandanda : Ce n'était vraiment pas une obligation. Mais j'étais un passionné de football et j'avais des exemples qui ne pouvaient que m'emmener vers le haut. Mon père était dur par rapport à l'école, c'est normal ! Comme tout parent. Il ne voulait pas que je finisse mal. Mais pour le foot, il m'a laissé faire. Et avec cette passion et l'aide de mes frères, j'en suis là.

«A la base, le foot, je n'étais pas fan»

Continuons sur votre enfance : il y a treize ans d'écart entre Steve, né en 1985, et Over, né en 1998. Comment le football s'est-il imposé au sein de votre famille ?
Over Mandanda : Honnêtement, je ne peux pas vous en parler, parce que j'ai grandi dans ça (Il sourit.).
Parfait Mandanda : On jouait quand même beaucoup au foot. Dès qu'on avait du temps, on allait dehors. Mais on ne pensait pas en faire un métier, ce n'était que du plaisir. Et on n'allait pas forcément dans les buts.
Riffi Mandanda : Avant, le football, c'était beaucoup de plaisir. Maintenant, c'est devenu presque une obligation de faire du foot avec l'envie de devenir profesionnel. J'ai l'impression que les jeunes de 10 ans font du foot pour devenir (Kylian) Mbappé ou Neymar. Avant, on faisait du foot pour s'amuser.
Parfait Mandanda : Je n'avais pas ça tout de suite à l'esprit. C'est quand j'ai vu mon frère (Steve) partir au Havre que, oui, c'est rentré dans ma tête.
Over Mandanda : Depuis tout petit, à l'école, on me demande ce que je veux faire plus tard. Sur le papier, j'écrivais pompier parce que je devais l'écrire. Mais je ne pensais pas à ça !
Riffi Mandanda : Je n'ai pas le souvenir de m'être dit : "Je veux être footballeur." A la base, le foot, je n'étais pas fan. J'en faisais parce qu'on était, entre guillemets, obligés. On avait le stade à côté de la maison. Tous les copains allaient au foot et si je n'y allais, je restais tout seul. A Evreux, c'était une grande famille. Au quartier de La Madeleine, tout le monde se connaissait. Il y avait cette chose : il fallait faire du foot ! Il y avait un petit clan qui faisait du basket, mais le foot était le numéro 1. J'avais déjà deux frères qui faisaient du foot... Je n'allais pas me mettre au basket. A l'époque, on n'avait pas énormément de moyens. Les seules choses qui restaient, c'étaient des chaussures de foot et des gants qui étaient à ma taille. Je prenais les restes des grands et j'allais jouer.
Over Mandanda : C'était une passion. Je voulais faire comme mes exemples. Je regardais la télévision, je voyais Steve en équipe de France Espoirs. Ensuite, je ne voyais plus Parfait. Il était où ? Il était parti à Caen. Riffi revenait avec le survêtement de l'équipe de France (NDLR : Il compte cinq matches avec les U18 et un avec les U19)... Donc à un moment donné, franchement, la passion a pris le dessus et c'est ce que je voulais faire.
Parfait Mandanda : Au Congo, on a un de nos oncles qui était aussi gardien. Mais je pense que ce sont les fils qui s'y sont mis tout seuls.
Riffi Mandanda : A Evreux, on avait le stade à trois mètres donc... Il y avait la salle de boxe à côté et juste après il y avait le stade. Parfait et Steve ont d'abord fait de la boxe avant de finir au foot. Mon père était électricien, ma mère aide-soignante.
Parfait Mandanda : On est partis à 13 ans de chez nos parents. Une fois que tu pars, que tu arrives au centre de formation, tu sais que c'est entre toi et toi. Il n'y a plus papa et maman. Nos parents n'avaient pas ce qu'on a aujourd'hui, mais, malgré ça, on ne manquait de rien. Et quand tu pars, tu sais que c'est à toi d'essayer de te trouver, de faire quelque chose.

Comment avez-vous du coup conservé cette flamme du gardien de but ?
Riffi Mandanda : Quand tu es bon, on t'encourage toujours, on va toujours être derrière toi, tu te sens valorisé, et du coup tu restes à ta place.
Over Mandanda : Les éducateurs ne t'obligent pas à aller dans le champ ou dans le but. Ils te font comprendre que tu es performant et que tu devrais continuer à travailler. Nous, à 11 ans, on est content, on est performant, il y a des tournois, des séances de tirs au but... Le rôle de gardien, au final, rend heureux.
Parfait Mandanda : Dans les tournois, quand tu le remportes, tu finis meilleur gardien, tu es content !

Dans votre jeunesse, quelles pouvaient être les idoles des Mandanda : déjà des gardiens ou aussi des joueurs de champ ?
Parfait Mandanda : Des gardiens. J'avais Stéphane Porato, Bernard Lama, Claudio Taffarel et Jacques Songo'o.
Riffi Mandanda : Jeune, j'étais un fan du PSG et de Jérôme Alonzo.
Over Mandanda : Moi c'est la génération Ronaldinho. J'adorais ce qu'il faisait. Mais ce n'est pas parce que je regardais ses vidéos que je voulais quitter le poste de gardien. Chez les gardiens, honnêtement, je ne regardais que mon frère, il n'y avait que ses matches qui me passionnaient. Il y avait Edwin van der Sar aussi. Steve, toutes les semaines, dès qu'il y avait une vidéo qui sortait, j'allais voir. C'était aussi une fierté, un exemple. Le voir à la télé, c'était vraiment fou.

«En fait, si Over n'allait pas en centre de formation, ça allait même être bizarre, carrément.»

«Jeune, gardien de but, c'est trop nul»

Venons en au poste de gardien de but. Y a-t-il une explication à ce choix commun chacun votre tour ?
Parfait Mandanda : Je pense que c'est dans le sang. Tu en vois un qui est parti, le deuxième, le troisième. A part Over, on a tous commencé en tant que joueur. J'étais défenseur. Un jour, le gardien n'est pas venu. Je suis allé dans les buts, j'ai fait un bon match et ensuite c'est parti. Riffi était attaquant.
Riffi Mandanda : Over a lâché l'affaire à un moment. Il a commencé dans les buts, il est allé dans le champ et il est revenu.
Over Mandanda : J'avais envie d'essayer mais bon, ça n'a pas marché. C'était à mes 11-12 ans. Je voyais que, malheureusement, je n'étais pas au niveau.
Riffi Mandanda : Une fois que j'ai été dans les buts, je ne me suis jamais dit que j'allais revenir joueur de champ. Même si, des fois, j'en avais marre : quand on est en débutants ou en poussins, surtout qu'on avait quand même une bonne équipe, on gagnait tout le temps et je ne touchais pas un ballon... Même les spécifiques gardiens, quand on est jeunes, ce n'est pas marrant. On te demande de plier les genoux, de faire de la corde à sauter, des choses pas marrantes... Je suis désolé mais, jeune, gardien de but, c'est trop nul !
Parfait Mandanda : Il y a aussi la qualité des terrains... Il faut plonger dans la boue. C'est la merde pour toi : lorsque tu prends un but, c'est toi, quand tu fais une erreur, c'est toi. Et même quand on marque, tu es seul. Il faut directement être fort mentalement. Mais c'est vrai qu'en formation, quand tu es vraiment jeune, c'est assez compliqué.

«Plus jeune, chez les gardiens, honnêtement, je ne regardais que mon frère, il n'y avait que ses matches qui me passionnaient. Steve, toutes les semaines, dès qu'il y avait une vidéo qui sortait, j'allais voir. C'était aussi une fierté, un exemple. Le voir à la télé, c'était vraiment fou.»

«Avant d'être gardiens de but, on est frères»

Y a-t-il pu parfois avoir un petit peu de "rivalité" entre vous ?
Parfait Mandanda : Non. C'était plutôt du positif. Quand je discute avec certaines personnes, on me répond toujours : "Toi, tu as de la chance, tu as tes frères, ils peuvent te conseiller." C'est réellement vrai, on a réellement une chance. Quand tu te confies à un tes frères, tu sais que le conseil va te faire avancer.
Over Mandanda : Avant d'être gardiens de but, on est frères et on se soutient, tout simplement.

Certains ont-ils déjà évolué dans la même équipe ?
Parfait Mandanda : Non, mais ça avait failli se faire avec Riffi et moi en sélection. A cette époque, j'étais déjà numéro 1, Riffi allait venir pour découvrir. Il n'y avait pas cette petite pression du numéro 1 ou du numéro 2.

Over Mandanda : Les gens, quand ils regardent le nom Mandanda, peu importe qui c'est, ils s'attendent à avoir le Mandanda de l'OM.
Riffi Mandanda : Tout de suite c'est : "Est-ce qu'il est comme son frère ?" Ça part mal...
Over Mandanda : Si on joue un match et que quelqu'un regarde en se disant que c'est le frère de Mandanda, tu t'attends à avoir ce geste, ce point fort similaire à lui. Pour porter ce nom, il faut se démarquer et il faut te faire ton propre nom : ton Mandanda à toi. Ce nom nous appartient tous mais il représente une personne.
Riffi Mandanda : C'est impossible !
Parfait Mandanda : Avec l'expérience, je ne vais pas dire que c'est impossible. En Belgique, avec le temps, ce n'est pas facile, mais je l'ai fait. Quand Riffi dit que c'est impossible : je pense que c'est le cas en France. Directement, c'est : "Est-ce qu'il est comme son frère ?" On fait le même métier mais chaque personne est différente. Ce n'est pas parce que je m'appelle Mandanda que je vais être exactement comme Riffi ou comme mon grand frère. On a chacun notre propre qualité.
Riffi Mandanda : Quand j'ai signé à Rennes, j'ai entendu : "Ah, on a signé le Mandanda de chez Wish." Que des trucs comme ça. Heureusement que le frère d'Hugo Lloris est joueur de champ (NDLR : Défenseur, Gautier Lloris évolue à Auxerre, en L2) parce qu'il aurait vécu la même galère comme gardien.

Au niveau du style de gardien, diriez-vous qu'il est commun à tous les quatre ?
Parfait Mandanda : Visuellement, quand tu regardes mon frère (Steve) et moi à la télé, tu peux nous comparer. Même si on n'a pas le même style pour plonger, tu vas confondre.
Over Mandanda : Je pense que c'est surtout physiquement qu'on est différents. (Thibaut) Courtois ne va pas être dans les buts comme (Anthony) Lopes. Par rapport à nos gabarits, on a des atouts et on les utilise. Riffi et Steve sont des gardiens de grande taille alors qu'avec Parfait, on est plus de petite taille. Chacun a ses qualités. Peut-être qu'on a les mêmes mimiques sur certains gestes mais notre manière d'être dans les buts est différente.
Riffi Mandanda : Parfait et Over sont deux types de gardiens très aériens comparé à moi voire à Steve. Eux, ils survolent, nous, on vole (Ils rient.). Comme Over dit, ils ne sont pas très, très grands mais ils ont une très grosse poussée.

Techniquement, ballon au pied, qui est le meilleur des quatre ?
Riffi Mandanda : Vous posez la question ou vous savez (Ils rigolent tous.) ?
Over Mandanda : Non, Steve est le meilleur dans le jeu au pied.

Mais là, on parlait surtout du côté technique avec le ballon...
Over Mandanda : Sur le terrain, je dirais que moi et Parfait sommes plutôt des gens qui courent. Riffi est beaucoup dans le toucher de balle. Steve est beaucoup dans la passe. Chacun a son petit truc.

Steve a-t-il un rôle à ce sujet, pour tenter de vous rassurer, de vous canaliser ?
Riffi Mandanda : Il ne sait pas réellement ce que c'est...
Parfait Mandanda : Il sait que ce n'est pas facile mais, oui, il ne sait pas réellement ce que c'est. Lui est devant, nous on est derrière. Lui, les critiques, c'est par rapport au terrain. Nous, c'est par rapport à lui.
Over Mandanda : De par notre façon d'être, de par l'expérience de mes frères, ils sont assez forgés mentalement pour rebondir. S'ils veulent en parler, ils en parlent, mais sinon, ça va passer au-dessus.
Parfait Mandanda : Over, on essaie de lui donner des conseils. Ensuite, c'est lui sur le terrain.
Over Mandanda : Parfait, Riffi ou Steve, pour moi, ce sont mes frères, mes conseillers. Je sais qu'ils répondront tous si j'ai un problème.

Votre grand frère a-t-il toujours été comme un guide pour vous depuis le début ?
Over Mandanda : Steve, comme tous mes frères, je l'admire, mais quand tu vois sa carrière, tu veux tout de suite faire comme lui. Que ce soit Steve, Riffi ou Parfait, par rapport à leur carrière, je n'ai pas le droit de les décevoir. C'était une certaine forme de motivation. Tu ne peux qu'aller de l'avant dans ma position.
Riffi Mandanda : Steve m'a beaucoup conseillé. A la base, je devais signer au Havre. Caen m'appelle et, je ne sais pas pourquoi, mais mon frère ne voulait absolument pas que je signe au Havre. Je ne sais pas s'il y avait beaucoup de gardiens, mais heureusement que je n'y suis pas allé, sinon ça aurait été les bouchons avec mon frère, (Brice) Samba, (Johny) Placide était encore en attente. Mon frère m'a presque obligé de signer à Caen. Mon père voulait que j'aille au Havre. C'était un petit conflit (Il sourit.). Je pense qu'il m'a bien guidé dès le départ.
Parfait Mandanda : Un guide, oui, bien sûr. Il m'a beaucoup aidé également par rapport aux choix de carrière, avec beaucoup de conseils.

«S'appeler Mandanda nous a mis pas mal de bâtons dans les roues»

Passons au nom Mandanda durant vos carrières respectives : estimez-vous qu'il a pu vous ouvrir des portes ?
Parfait Mandanda : Franchement, dans ma jeunesse, je pense que ça m'a plus desservi qu'autre chose. Tu t'appelles le frère de donc... Quand tu fais un mauvais match, ce qui peut arriver, tout le monde va te regarder : "Il est nul. Il joue là-bas simplement parce que son frère l'a poussé." Alors que non. Nous, et là je parle aussi pour mes frères, partout où on passe, on est plus observés que les autres, on va être jugés et pas par rapport à nos qualités. On va dire qu'il est là parce qu'il y a son frère. On est quatre. On a tous eu notre chance, on est tous professionnels, on a tous réussi à notre niveau, on a travaillé, on l'a mérité. Et il faut savoir qu'on travaille deux fois, trois fois plus que notre grand frère. Car on sait qu'à la moindre erreur, derrière, tu es critiqué et en tant que Mandanda, tu peux vite descendre. C'est bien beau de s'appeler Mandanda, mais autour de nous, ce n'est pas tout le monde qui est content. Nos parents ont quatre fils, les quatre jouent au football, les quatre sont pros. Autour certains se demandent pourquoi pas leur fils ? Comment ça se fait qu'ils sont quatre et qu'ils ont réussi ? Quand on porte ce maillot-là, avec ce nom... Moi, quand je joue, je ne joue pas seul, je joue aussi avec mes frères. Eux aussi. Tous ensemble, parce que c'est un poids qu'on a, une pression supplémentaire.
Riffi Mandanda : Dire que ça nous a aidé, non, pas du tout. Le fait de s'appeler Mandanda nous a mis pas mal de bâtons dans les roues. Quand j'étais jeune, c'était : "Non, on ne peut pas le mettre là-haut aussi rapidement, il faut attendre un peu." Alors que j'étais prêt. A 17 ans, je suis numéro 2 derrière Alexis Thébaux. La saison d'après, je suis prêté en CFA à Tarbes. J'avais du mal à comprendre. J'ai galéré pendant trois ou quatre ans avant de signer à Ajaccio. Je signe en tant que numéro 2 pour rien du tout, j'ai réussi à me faire mon nom là-bas parce qu'ils m'ont donné ma chance. J'ai réussi à sortir la tête de l'eau, mais une fois parti d'Ajaccio, plus rien... Pas de proposition en France. Même par rapport à la sélection congolaise, s'appeler Mandanda nous dessert. Aujourd'hui, je suis l'un des gardiens sélectionnables qui fait le plus de matches au niveau pro, et on ne m'appelle jamais. Le jugement, il est là. Quand je vois Parfait qui se bat à Charleroi, et la différence de niveau dans les critiques entre lui et l'autre gardien, ce n'est pas de la même intensité.

«Quand j'ai signé à Rennes, j'ai entendu : "Ah, on a signé le Mandanda de chez Wish."»

Aujourd'hui, le voilà revenu à un très haut niveau...
Parfait Mandanda : Le premier truc qu'il m'a dit, c'est que le travail paye. C'est ce qu'il a fait pour revenir à ce niveau.
Over Mandanda : Toujours pareil, c'est l'exemple. Il devient même une icône française chez les gardiens de but. J'ai toujours ce regard admiratif par rapport à tout ce qu'il est en train de faire.
Riffi Mandanda : Ce que j'admire, c'est qu'il réussit tout ce qu'il a envie de faire. Il a cette force-là. Je me souviens, avant qu'il signe à Marseille, il hésitait entre l'OM et Lille. Il m'a demandé, je lui ai dit : "Va à Lille, à Marseille, c'est trop." Il m'a dit Marseille et m'a dit : "Je vais jouer." Après sa saison noire, il m'a dit : "Ils me critiquent, mais tu verras la saison prochaine." Il décide. Et même si demain il me dit : "Je vais sauter Hugo Lloris", il va le tenter.

En parlant d'Hugo Lloris, en faisant le bilan, pourra-t-on parler d'un gâchis au sujet du parcours de votre frère en équipe de France (Steve Mandanda compte 34 sélections), à être dans l'ombre ?
Parfait Mandanda : Il est champion du monde. Par moment, il aurait mérité de jouer plus. Un petit regret, oui, un gâchis, pas du tout.
Riffi Mandanda : Lloris, on a rien à lui reprocher, il n'a pas volé sa place. Il a fait ses matches, avec notamment la Coupe du monde. Il fait encore ses matches aujourd'hui. C'est juste avant Hugo que Steve n'a pas eu le temps de bien se mettre à l'aise pour être performant.

Et la retraite, pour Steve Mandanda, c'est pour quand ?
Over Mandanda : Il est en forme encore, c'est tout ce que j'ai à dire (Il sourit.).
Riffi Mandanda : J'ai vu que (Petr) Cech avait repris (NDLR : A 38 ans, conseiller technique et de la performance à Chelsea, Cech a disputé un match avec la réserve des Blues le 14 décembre dernier). Il ne faut pas le dire à mon frère !»

«Au bout d'un moment, je répondais : "Non, je ne suis pas le frère de Mandanda, je suis Mandanda"»

Over Mandanda : A 11 ou 12 ans, mon frère était déjà à l'OM donc à chaque tournoi, c'était : "Ah regarde, il y a le frère de Mandanda." On me posait toujours la question : "Tu es le frère de Mandanda ?" Tu sais déjà que tu es pointé du doigt. Je savais très bien à quoi m'attendre en grandissant.
Parfait Mandanda : Je l'ai pris comme un challenge : je me suis dit qu'il fallait que je me fasse mon prénom. Parce que c'est vraiment chiant... Quand on t'appelle "le frère de", au bout d'un moment, je répondais : "Non, je ne suis pas le frère de Mandanda, je suis Mandanda, c'est tout."
Riffi Mandanda : J'ai 28 ans, j'en suis à mon treizième club je crois. J'ai fait le tour, j'en ai entendu des vertes et des pas mûres. Aujourd'hui, j'ai deux enfants, j'ai ma femme, on peut me dire ce qu'on veut, je m'en fous. On a grandi avec. On est obligé de faire avec. Ça ne me touche plus trop.
Parfait Mandanda : Personnellement, il y a eu des mauvais souvenirs, mais on les a effacés de notre mémoire. Au bout d'un moment, même le négatif, tu le prends et tu le transformes en une force et en du positif.
Riffi Mandanda : Après, franchement, je préfère qu'on me critique moi, qu'on me démonte moi qu'un de mes frères. Je ne regarde même pas ce que les gens disent sur moi, mais plutôt ce qu'ils disent sur mes frères.
Parfait Mandanda : Je ne regarde rien du tout. Au bout d'un moment, tu sais très bien que ce ne sont pas les gens qui te critiquent qui vont te dire si tu as bien joué ou pas. Toi-même, tu le sais. C'est ton autocritique à toi. Tu avances comme ça.

«Steve ne sait pas réellement ce que c'est. Lui est devant, nous on est derrière. Lui, les critiques, c'est par rapport au terrain. Nous, c'est par rapport à lui.»

Débriefez-vous toujours vos matches ensemble ?
Riffi Mandanda : Seulement quand on est nuls (Ils explosent de rire.).
Parfait Mandanda : Franchement, c'est vrai. Quand il y en a un qui est nul, là, ça envoie des vidéos, les erreurs...

Plutôt en mode chambrage ou en mode sérieux ?
Parfait Mandanda : Non, sérieux. On ne rigole pas avec ça, c'est notre métier. On est là aussi pour se donner des conseils. C'est "Moi je pense ci", "Moi je pense ça". C'est un échange.
Riffi Mandanda : Quand j'appelle c'est : "Putain, j'ai pris un but là..." (Ils rient.). C'est plus simple d'envoyer une vidéo à mes frères qu'à d'autres.
Parfait Mandanda : Ça dure 30-40 minutes et ensuite on passe à autre chose.
Over Mandanda : En tout cas, quand je peux regarder leur match, j'y vais direct. Quand j'étais au centre de formation, tu avais Riffi qui jouait à Ajaccio, Parfait en Belgique, Steve avec Marseille. Je demandais à ce qu'on m'ouvre la salle le vendredi pour regarder Riffi. L'année dernière, même les matches de Parfait aux Etats-Unis (NDLR : Il évoluait à Hartford), à 2 heures du matin, j'avais les yeux ouverts.

«Certaines critiques envers Steve faisaient mal»

Concernant les critiques, Steve Mandanda n'a pas été épargné pendant sa carrière. Comment ses petits frères géraient-ils ça ?
Parfait Mandanda : Des fois, c'était abusé... Certaines critiques faisaient mal.
Riffi Mandanda : Ce que j'ai du mal à comprendre, c'est que beaucoup de gardiens ont fait des saisons catastrophiques. (Gianluigi) Buffon en a fait une, (Fabien) Barthez à Manchester, (Hugo) Lloris en a fait une à Tottenham où il n'a pas été bon... Je ne sais pas si je suis objectif, mais je trouve que les critiques envers mon frère étaient incroyables... J'avais l'impression que c'était trop par rapport à d'autres. A ses débuts en sélection, pour moi, ce n'est pas le coach qui l'a changé, ce sont les médias. Dans un moment où l'équipe de France ne tournait pas très bien (NDLR : Mandanda démarre en équipe de France en mai 2008, en jouant quasiment toutes les rencontres des Bleus pendant un an). Mon frère est tombé dans toutes les histoires avec (Nicolas) Anelka, (Patrice) Evra, la Coupe du monde 2010.
Parfait Mandanda : La période la plus dure, ç'a été celle à Crystal Palace (NDLR : Où Steve Mandanda signe en 2016-17. Il n'y reste qu'un an, avec neuf matches joués en Premier League). C'est le seul moment de sa vie où il ne joue pas. Il s'est blessé, il est revenu, mais il n'était plus dans les plans, il fallait partir.
Over Mandanda : Moi, je pense plus à son retour à Marseille (2017-18) où il a été beaucoup critiqué, sorti de l'équipe de France. C'était une période très difficile.

«Ce que j'admire chez mon frère, c'est qu'il réussit tout ce qu'il a envie de faire. Il a cette force-là.»

Timothé Crépin