(L'Equipe)

Le tacle à retardement de Julien Cazarre : «De Bruyne compte pas pour des prunes»

Dans sa dernière chronique, Julien Cazarre fait l'éloge de Kevin De Bruyne, futur finaliste de la Ligue des champions avec Manchester City.

C’est à croire que la leçon d’Andrés Iniesta n’a jamais été retenue et qu’on ne comprenait pas que certains mecs qui ne paient pas de mine sont les éclaireurs d’un foot parfois sombre comme un dimanche après-midi de novembre à Manchester... Quand tu croises un gars au détour d’un comptoir, enfin pas récemment, mais on va dire à la machine à café de la boîte, qui est devenue le lieu de rencontre le plus hype du XXIe siècle, et que vous parlez ballon, vous vous dites quoi ? «Franchement, le meilleur, c’est Messi, mais je pense que Neymar, s’il était plus sérieux...» «T’es fou, Ludo, ils sont cramés, comme Ronaldo. Le top, c’est Mbappé et Haaland.» Le point commun entre ces deux garçons, hormis le fait qu’ils ont l’air hyper sympas et intéressants et qu’ils ne feraient pas tache cet été à côté du barbeuk, c’est qu’aucun des deux n’évoquera jamais Kevin De Bruyne, sauf si on le leur suggère, où là, ils sortiront un magnifique : «Ah oui, lui, bien sûr, il est super fort, mais dans un collectif !» C’est vrai qu’il m’avait échappé que le foot était un sport individuel depuis que deux monstres venus des galaxies Portugalia et Argentinos avaient décidé de régner sur la planète football en nous laissant spectateurs de leur domination. Seulement ce temps est révolu et les extraterrestres en question commencent à avoir la tête d’E.T. qui cherche une calculatrice à trafiquer pour «Téléphone maison». 

«C'est le foot, le foot sans chichi, beau, intelligent, efficace, à l'image du grand Andrés»

Le monde est redevenu comme avant, et les avènements de Liverpool, du Bayern et de Manchester City nous ramènent à une réalité moins PS4 qu’on ne l’imaginait. S’il y a bien un joueur qui n’a pas grand intérêt sur FIFA 21, c’est notre «Kéké from Belgium». Tout d’abord il a tout sauf une dégaine de star, et c’est pas sa ganache ou son sourire de Buster Keaton qui vont l’envoyer vendre des canettes de boissons fluo à Hongkong. Sa frimousse mouchetée de taches de rousseur et sa moue de mioche de la Guerre des boutons en font plus un héros de bande dessinée qu’une icône à poster. Pourtant, De Bruyne c’est le foot, le foot sans chichi, beau, intelligent, efficace, à l’image du grand Andrés ou d’un Michael Laudrup de la grande époque... L’époque où la star, c’était Romario ou Stoitchkov ou Ronaldinho. Le Kevin, il ne sert à rien sur console car, au-delà de son pied droit magique, c’est son intelligence de jeu qui fait la diff... Et, quand t’as la manette dans les mains, c’est toi le cerveau, du coup ça complique la tâche. Dans les X-Men, on se doute qu’il ne serait ni Wolverine ni Cyclope, mais le «professeur Xavier» Guardiola ne partirait jamais à la guerre sans lui. De Bruyne est un Flamand rouge, à ne pas confondre avec le flamant rose, ce dernier n’utilise qu’une seule de ses deux pattes quand Kevin est aussi à l’aise des deux pieds…

Julien Cazarre