bayo (mohamed) (A.Martin/L'Equipe)

Ligue 2 : Mohamed Bayo (Clermont), le réveil d'un volcan

Sauf cataclysme lors de la dernière journée de Ligue 2, le Clermont Foot 63 devrait pour la première fois de son histoire monter en Ligue 1. Si cette ascension est avant tout l'oeuvre d'un collectif, elle porte aussi l'empreinte de Mohamed Bayo, meilleur buteur de Ligue 2. Retour sur l'éruption d'un volcan qui a commencé à trembler dans le Nord, du côté de Dunkerque en National.

Clermont bouillonne. Ce n'est pas encore officiel, mais après le match nul entre Toulouse et Pau (2-2), les Auvergnats sont à un microscopique cheveu de rejoindre la Ligue 1 pour la première fois de leur histoire. Après plusieurs années à avoir effleuré le sommet du football français, le diamant noir est sur le point de figurer sur la carte du top 20 des clubs français. Et pour ce faire, l'escouade du 63 a mis du cœur à l'ouvrage. Des boulons bien serrés derrière (meilleure défense de Ligue 2 avec 23 buts encaissés), une armada offensive tonitruante (3e meilleure attaque du Championnat avec 60 buts inscrits), et un jeu séduisant sous la houlette du coach Pascal Gastien, qui a su trouver l'équilibre parfait. Le technicien de 57 ans a pu compter au sein des ses rangs sur un phénomène qui a surpris son monde : Mohamed Bayo. Pur produit clermontois, le joueur de 23 ans marche sur l'eau pour sa première saison complète sous le maillot de son club de cœur. Un destin qu'on ne lui prêtait pas forcément très jeune.

L'enfant du club

D'une certaine manière, Mohamed Bayo a brillé dès ses débuts au CF63. Pas forcément pour son football. «En très jeune déjà il avait une belle boule à z, un crâne bien brillant, on le chambrait tous par rapport à ça», confie en riant Cantyn Chastang, milieu de Moulins-Yzeure (N2) qui a côtoyé l'attaquant de son arrivée en débutant jusqu'à son intégration dans le groupe pro. Très vite épris du ballon rond, le gamin du quartier de la Gauthière prend sa première licence au club à 6 ans. «A partir des U14, il n'a pas toujours joué dans les équipes premières parce qu'il venait au foot pour s'amuser, sans se mettre de pression. Il manquait quelques entraînements aussi. Mais quand il jouait, il était clairement au-dessus du lot. Il prenait la balle et il pouvait dribbler tout le monde», complète son ancien coéquipier. Sans forcément être considéré comme une pépite du centre de formation, le joueur va complètement changer de statut en arrivant en U19 National.

En plus d'une aisance technique indéniable, le Clermontois a pour lui une incroyable endurance et une bonne pointe de vitesse. Des qualités qu'il met à profit aussi bien sur le côté droit, son vrai poste, qu'à la pointe de l'attaque. « Sur la saison U19, c'est le joueur qui a marqué le Championnat par ses performances et ses buts. C'était comme une révélation. Lors des matches aller, il arrivait à faire la différence par sa qualité d'élimination, et puis c'était déjà un bon buteur. Sur les matches retour, les équipes savaient que Momo était capable de faire la différence donc c'était compliqué, il avait souvent deux voire trois joueurs sur le dos quelquefois. Les équipes savaient qu'on avait un bon joueur capable d'évoluer devant ou sur le côté», explique Alexis Charveys, milieu formé à Clermont et désormais à l'AS Saint-Priest (N2). Fort de ses belles performances et des «jolis carnavals» réalisés, ce grand compétiteur, qui «refuse toujours la défaite», s'impose comme un leader technique et ambitionne de rejoindre les professionnels. Il voit son objectif se rapprocher lorsqu'il fait partie des rares jeunes conservés pour évoluer en N3 avec la réserve. Avant de finalement intégrer le groupe pro et de signer son premier contrat professionnel en 2017. La même année, il dispute ses premières minutes en professionnel en Coupe de France lors de la défaite face à Yzeure (1-0) en novembre. Mais barré par la concurrence en Ligue 2 la saison suivante, le joueur n'a d'autre choix que de partir en prêt pour prendre de l'expérience.

Un apprentissage réussi en National

Direction le troisième échelon et Dunkerque, à plus de 400 km d'une terre natale qu'il quitte pour la première fois. Une décision déterminante d'après Cantyn Chastang : «Je pense que ç'a été la meilleure chose pour lui de partir loin de Clermont. C'était comme une bouffée d'oxygène. C'était dur vis-à-vis de sa mère (dont il est extrêmement proche, NDLR). Mais sur le terrain, il jouait libéré. Je pense qu'inconsciemment il se mettait beaucoup de pression dans sa ville natale. Sa réussite en National a été un déclic.». Bayo débarque dans le Nord à la mi-saison, dans un groupe jeune mais en crise car à la lutte pour le maintien. Pas de quoi retarder son intégration selon Alexis Calant, ancien défenseur dunkerquois aujourd'hui à la Louvière en Belgique. «Ça s'est tout de suite très bien passé. On a très vite vu à l'entraînement qu'il allait beaucoup apporter à l'équipe car il avait beaucoup d'envie et de talent. Il n'a eu aucun souci à s'intégrer et à faire sa place.»

C'est d'autant plus simple que le Puydômois est chambreur et porté sur la rigolade, une personnalité qui l'a rapproché d'Yvann Maçon et du défenseur central. Lors de cette moitié de saison, le joueur prêté par Clermont participe au maintien en disputant 10 matches et en scorant à deux reprises. «Ses statistiques ne reflètent en rien ce qu'il nous apportait sur le terrain, enchaîne son ancien partenaire. Il était assoiffé, il dépensait énormément d'énergie devant et fatiguait les défenses». Ces six mois passés n'étaient que les prémices d'une saison époustouflante, aussi bien pour Dunkerque que pour l'Auvergnat. Conscient des qualités du joueur, Claude Robin, l'entraîneur de l'USDL, fait le forcing pour prolonger son prêt d'une saison. Bien lui en a pris. Lors de l'exercice suivant, l'attaquant inscrit 12 buts et délivre 5 passes décisives en 24 apparitions. La formation nordiste est alors deuxième à l'arrêt du Championnat et valide sa montée en Ligue 2. Historique. «Il a engrangé de la confiance puis a enfilé les buts, multiplié les performances de très haut niveau. Momo est une personne qui marche à la confiance et le coach lui en a donné rapidement à Dunkerque», ajoute Calant. A Clermont, sa saison ne passe pas inaperçue et convainc le club que le garçon a le niveau pour évoluer plus haut, en Ligue 2.

L'éruption en Ligue 2

Et ça tombe bien puisque dans la métropole des Arvernes, le buteur à gage Adrian Grbic a plié bagages pour découvrir la Ligue 1 avec Lorient. L'avant-centre avait inscrit 17 buts la saison précédente, soit presque la moitié de l'équipe. Si pour le remplacer, le club présidé par Ahmet Schaefer décide d'enrôler Jordan Tell, c'est bien Mohamed Bayo qui va prendre à merveille le relais de l'Autrichien sur le front de l'attaque. Remplaçant en début de saison, il profite de la blessure de l'ancien Rennais pour gagner sa place de titulaire. Et ne plus jamais la lâcher. 37 matches disputés lors desquels le gaillard d'1m89 va inscrire 21 buts. Soit mieux que Grbic la saison dernière. «Au début je me suis dit : “Il est chaud le gars (en parlant d'Adrian Grbic, NDLR), ça va être compliqué de faire comme lui”. Mais après je ne me suis pas focalisé sur ça, je me suis dit qu'il faut que je joue comme je sais le faire. J'ai mis tous les moyens de mon côté pour que ça se passe bien et finalement ça marche bien donc je suis content», confiait-il à RMC Sport début mars. Sans pression, le buteur offre une coulée de pions, dont un triplé face à Valenciennes en octobre (1-3) et un autre, face à ses anciens coéquipiers de Dunkerque en janvier (5-0), inscrit en seulement 13 minutes ! L'éruption a commencé.

«Je pense qu'on n'a pas fini d'entendre parler de Momo Bayo !»

En pleine confiance après un prêt qui lui a été fondamentalement bénéfique, et bien entouré, Mohamed Bayo est le symbole d'une équipe qui se porte très bien offensivement et constitue la pointe d'un trident tonitruant complété par Jodel Dossou (12 buts, 2 passes décisives) et Jim Allevinah (12 buts, 6 passes décisives), et alimenté par le maître à jouer Jason Berthomier (6 buts, 10 passes décisives). Des coéquipiers offensifs avec qui il s'entend à merveille, en attestent ses sept offrandes distillées. Ses prestations ont logiquement incité Didier Six, sélectionneur de la Guinée, à le convoquer pour la première fois le 11 mars face au Mali (1-0).

Plus récemment, il a été nommé pour le trophée de meilleur joueur de Ligue 2. A seulement 22 ans, le Guinéen semble gravir les échelons à une vitesse impressionnante, ce qui ne surprend pas Alexis Calant : «Il est énorme cette année mais je ne suis pas surpris car on avait vu ses qualités à Dunkerque et on savait très bien qu'il pouvait faire de grandes choses à Clermont ! Vu la rage de vaincre qu'il a et sa détermination, je pense qu'on n'a pas fini d'entendre parler de Momo Bayo !». Avant d'enchaîner sur une anecdote qui résume bien le personnage lors de son passage à Dunkerque. «Momo était capable de s'endormir en salle avant l'entraînement ou même dans la camionnette en direction de l'entraînement le matin afin de faire sa petite sieste pour être en forme. Il y avait cinq minutes de route mais lui dormait. Puis cinq minutes plus tard, il était en super forme et allait dribbler tout le monde sur le terrain.» Après de nombreuses siestes, le volcan semble bien réveillé. Et prêt à faire couler la lave en Ligue 1. A Clermont ou ailleurs. La question se posera naturellement. Mais laissons-le profiter. Il est en train, avec ses coéquipiers, d'écrire l'une des plus belles pages de l'histoire du sport auvergnat.