AMSTERDAM - (lr) David Neres of Ajax, Mo Salah or Liverpool FC during the UEFA Champions League match in group D between Ajax Amsterdam and Liverpool FC at the Johan Cruijff Arena on October 21, 2020 in Amsterdam, Netherlands. ANP MAURICE VAN STEEN (Maurice Van Steen/ANP SPORT/PR/PRESSE SPORTS)

Liverpool - Ajax Amsterdam, un air de ressemblance

Ce mardi, Liverpool reçoit l'Ajax Amsterdam à Anfield Road. Deux clubs historiques qui ont mis leur ville sur la carte du football européen il y a près d'un demi-siècle.

«Ne pas avoir joué à Liverpool reste un de mes grands regrets», écrira Johan Cruyff dans son autobiographie. En 1966, l’Ajax Amsterdam affronte Liverpool au deuxième tour de la Coupe d’Europe des clubs champions. Si la légende hollandaise se souvient mal de ses matches en général, il a gardé un souvenir impérissable de son déplacement à Anfield Road. «J’étais sur le terrain et j’avais la chair de poule. Pas à cause de l’adversaire, mais de l’atmosphère. Avec sa gigantesque tribune, la fameuse Spion Kop et les chants de stade, l’enceinte était incroyablement impressionnante. J’ai vraiment passé 90 minutes fantastiques. Et en plus, j’ai fait un très bon match, qui s’est achevé sur un score de 2-2 (Cruyff a marqué les deux buts de son équipe, score cumulé 7-3 en faveur de l’Ajax). Mais en marge du bonheur d’avoir été qualifié pour la manche suivante, ce qui m’a soulevé, ce soir-là, c’est la rencontre avec le football anglais. L’ambiance était fantastique, j’aurais adoré jouer avec eux quelques saisons. Ce rêve ne s’est hélas pas réalisé, les frontières étant encore fermées aux joueurs étrangers, à l’époque », a-t-il raconté. Depuis cette rencontre, il s’est passé presque 50 ans dans lesquels Liverpool et l’Ajax Amsterdam sont passées par toutes les émotions. Souvent en se croisant.

Sur le toit de l'Europe dans les 70's

1971, 1972, 1973, la bande de Johan Cruyff et Johan Neeskens règne sans partage sur le Vieux Continent. Finalistes en 1969, les Hollandais ont patiemment attendu leur heure de gloire pour montrer leur suprématie aux yeux de l’Europe. Avec trois titres consécutifs en C1, les hommes du légendaire entraîneur Rinus Michels rejoignaient ainsi le grand Real Madrid des années 50 qui en avait remporté cinq de rang entre 1956 et 1960. Par un jeu qu’on qualifiera de football total, la petite ville de moins d’un million d’habitants était la capitale du football européen. Moins séduisant sur le terrain mais tout aussi efficace, Liverpool se sublime lui, à la fin des années 70 et début 80 à l’image des clubs anglais ultra-dominants sur la scène continentale. Entre 1977 et 1984, le pays de sa Majesté remporte 7 des huit coupes aux grandes oreilles. Quatre d’entre elles iront du côté de la Mersey, dans les bras de Kenny Dalglish (3), Ian Rush (2), Kevin Keegan (1), Phil Neal (4) et consorts. Deux dominations qui auraient pu s’éterniser encore mais vont s’arrêter brutalement. Pour des raisons différentes.

Football total pour Cruyff au début des années 70... (L'Equipe)

Une longue descente aux enfers

1985, le match de la honte va coûter cher, très cher à Liverpool. En finale de C1, les Reds affrontent la Juventus de Michel Platini, mais la fête va vite tourner au cauchemar. Deux heures avant le coup d’envoi, les hooligans anglais s’attaquent brutalement aux supporters italiens, situés à droite de leurs tribunes, à coup de pierres, de bouteilles, de hampes de drapeaux. Le bilan est très lourd : 39 morts dont la majorité étaient des Transalpins. À Bruxelles, le match aura finalement lieu mais les deux équipes jouent dans un cimetière, sans âme ni ferveur. Défait 1-0, Liverpool perd non seulement la Coupe d’Europe mais se verra suspendu des compétitions européennes pendant 6 ans (5 pour les autres formations anglaises). Il faudra 20 ans pour que les Reds se remettent de cette tragédie. Barré par son grand rival Manchester United, le club de la Mersey va offrir au monde entier la finale la plus renversante de l’histoire de la Ligue des champions face au Milan.

Deux décennies, c’est également le temps qu’il faudra à l’Ajax pour regoûter à la victoire. Meurtri par le départ de sa légende, Johan Cruyff, vers le FC Barcelone après un conflit avec sa direction et son entraîneur (Stefan Kovacs), le club néerlandais ne s’en remettra pas. De plus, il ne parvient pas à garder ses meilleurs talents qui partent très tôt vers les pays qui apportent plus de garanties financières. Sans changer leur philosophie de jeu, les Ajacides vont profiter d’une génération dorée pour toucher le Graal une quatrième fois dans leur histoire dans les années 90.

Un grand club ne meurt jamais (1995-2005)

1995. Clarence Seedorf, Edgar Davids, Jari Litmanen, Frank de Boer, Marc Overmars, Edwin Van der Sar, entourés par des joueurs d’expérience tels que Frank Rijkaard - revenu au club après avoir triomphé au Milan AC - et Danny Blind, vont déjouer tous les pronostics en s’adjugeant une nouvelle Ligue des champions. Face au tenant du titre milanais, les Néerlandais vont s’imposer en toute fin de rencontre grâce à un jeune attaquant de 18 ans : Patrick Kluivert (85e). Eux, qui avaient déjà joué les hommes de Fabio Capello en poules (2 victoires) ont de nouveau réussi un exploit face à l’une des meilleures équipes de l'époque avant de perdre l’année suivante face à la Juventus Turin de Didier Deschamps.

Après l’Ajax Amsterdam, le Milan va faire renaître de ses cendres une autre équipe dix ans plus tard, dans une finale qu’on appellera : «le miracle d’Istanbul». Face à l’armada des Rossoneri - Andreï Chevtchenko, Kaká, Hernan Crespo, Andrea Pirlo, Gennaro Gattuso, Cafu ou encore Paolo Maldini -, Liverpool va subir la foudre pendant 45 minutes. Menés 3-0 à la pause, les Reds vont retourner la situation en seulement six minutes par l’intermédiaire de Steven Gerrard (54e), Vladimir Smicer (56e) et Xabi Alonso (60e, s.p). C’est d’ailleurs aux tirs au but que les hommes de Rafael Benitez vont soulever le trophée qu’ils attendaient depuis 21 ans, après que Jerzy Dudek repousse le tir d’un Chevtchenko malheureux. Dans une finale qui manquera de superlatif pour la décrire, Liverpool est de nouveau sur le toit de l'Europe. Une nouvelle finale deux ans plus tard dans laquelle le Milan prendra sa revanche va entraîner une nouvelle période trouble du côté de la Mersey.

Le retour aux affaires

Revenues à leur principe et philosophie de jeu, les deux formations vont tout d’abord briller en Ligue Europa. Respectivement finalistes en 2016 et 2017, Liverpool et l’Ajax Amsterdam vont confirmer leur renaissance en Ligue des champions lors de la saison 2018-19. Les jeunes lanciers vont se hisser jusqu’en demi-finale après avoir éliminé le triple tenant du titre, le Real Madrid et la Juventus de Cristiano Ronaldo. Cependant, ils vont subir une triste remontada face au Tottenham du diable Lucas. Le Brésilien a mis fin aux espoirs des Néerlandais en marquant dans les dernières minutes à la Johan Cruyff Arena. L’Ajax Amsterdam a manqué son rendez-vous avec l'histoire avec une potentielle finale face à Liverpool.

De son côté, les remontadas, Liverpool sait mieux que quiconque comment les réaliser. Dans le dernier carré de la compétition également, les Reds ont été battus 3-0 au Camp Nou lors du match aller. Privés de Mohamed Salah et de Roberto Firmino au retour, on pense alors que le club de la Mersey est condamné. Erreur. L’impensable se produit et les hommes de Jürgen Klopp renversent la situation (4-0). Ils se verront sacrés pour la sixième fois quelques semaines plus tard, reprenant ainsi leur revanche sur la finale perdue en 2018.

Deux coaches avec le football total comme leitmotiv

Un football total retrouvé, avec tous les joueurs qui attaquent et défendent, marqué par des latéraux très offensifs... Les deux équipes offrent depuis plusieurs mois l’un des plus beaux footballs en Europe. Ce mardi soir, Jürgen Klopp et Erik Ten Hag vont s’affronter seulement pour la deuxième fois de leur histoire. Passés respectivement par le Borussia Dortmund et la réserve du Bayern Munich, les deux hommes régalent l’Europe entière. Sur la pelouse d’Anfield Road, les deux formations aux dix Ligue des champions seront réunies pour le plus grand plaisir des puristes du ballon rond. Battu 1-0 contre le cours du jeu lors de la rencontre aller, l’Ajax Amsterdam souhaitera prendre sa revanche face à un Liverpool affaibli par les blessures. Deux clubs historiques, un stade historique, du beau football, c’est un certain Johan Cruyff qui pourra apprécier le match de là où il est.

Paul Giffard