hugon (jean-charles) holveck (nicolas) (P.Lahalle/L'Equipe)

«On survit, mais ce n'est pas du football» : notre Grand Format avec les acteurs du foot qui racontent l'année 2020 indélébile

«Putain, mais qu'est-ce qu'on vit ?» A quelques jours de la fin d'une année absolument unique, FF a demandé à plusieurs acteurs du football français de refaire le film de 2020 en tant que sportif, mais aussi en tant qu'homme. Ils se dévoilent en toute sincérité.

Le casting de FF :
-Nicolas Holveck, président du Stade Rennais.
-Gaëtan Laborde, attaquant de Montpellier.
-Jean-Marc Furlan, entraîneur de l'AJ Auxerre.
-Boulaye Dia, attaquant du Stade de Reims.
-Vincent Pajot, milieu du FC Metz.
-Omar Daf, entraîneur du FC Sochaux-Montbéliard.
-Benjamin Corgnet, ancien milieu de Dijon, Strasbourg et Saint-Etienne, actuellement sans contrat.
-Wesley Lautoa, défenseur de Dijon.
-Stéphane Dumont, entraîneur adjoint du Stade de Reims.
-Baptiste Santamaria, milieu du SC Fribourg.

Nicolas Holveck : «La survie ou la mort du football français en jeu»
«C'est une année catastrophique. J'ai l'impression de vivre un mauvais rêve et que ça ne s'arrête jamais. C'est peut-être hors de propos, mais j'ai toujours beaucoup de mal à comprendre l'ampleur des mesures prises au regard des conséquences... On est en train de sacrifier une génération. Je crains beaucoup l'année 2021 car les conséquences risquent d'être assez catastrophiques sur l'esprit des gens, au niveau du social... Je suis très préoccupé. Est-ce que le remède n'est pas pire que le mal ? Ce qui m'a marqué, c'est la durée du problème. On n'en voit pas le terme ! On reconfine partout. Ce qui est terrible, c'est que ce n'est pas que français. C'est une crise mondiale. C'est incroyable. Le souvenir, c'est le premier confinement. Personnellement, c'est un moment particulier parce que je suis nommé le 18 mars à Rennes, et le confinement est mis en place le 17. Mes billets d'avion étaient prévus pour le 18 et le Conseil d'Administration. Tout a été annulé le 17. Cela semblait tellement impossible, improbable. Je me suis retrouvé confronté à une prise de fonction inédite. Le deuxième événement, c'est fin avril. Je regardais le discours d'Edouard Philippe à l'Assemblée Nationale quand il a annoncé l'arrêt du Championnat. Et, très sincèrement, on s'attendait à tout sauf à ça. On a dû se conformer à la décision du Gouvernement. Les mois de confinement de mi-mars à mi-mai ont été exclusivement consacrés à des visio-conférences, à des appels téléphoniques interminables sur, justement, comment ne pas arrêter le Championnat. On a tout essayé, puisqu'on savait que les conséquences économiques allaient être dramatiques. C'était comment essayer de convaincre les autorités qu'on pouvait continuer. Et c'était aussi de préserver les intérêts du Stade Rennais dans cette crise. A ce moment-là, malheureusement, on a pensé chacun à défendre nos clubs.

Après, on va être lucides : on a la chance de travailler dans une activité formidable. Grâce au foot, on peut travailler, on peut voyager - on a pu le faire en Coupe d'Europe et les déplacements à l'extérieur en Ligue 1. Donc on a cette chance que beaucoup de Français n'ont pas eu. On n'a pas été confinés à domicile sans pouvoir bouger sur le deuxième confinement. Il faut reconnaître que c'est un luxe. On est dans une activité ludique. A contrario, les mois et les années qui arrivent, avec le Covid et les problèmes avec nos diffuseurs, vont être terribles pour le football. Il faut qu'on prenne très rapidement les mesures qui s'imposent. Parfois, elles ne feront certainement pas plaisir à tout le monde. Maintenant, c'est peut-être excessif ce que je vais dire, mais c'est la survie ou la mort du football français qui est en jeu. Dans une concurrence européenne exacerbée, on cumule les problèmes. Tous les clubs avaient dimensionné leurs effectifs et leurs structures par rapport aux nouveaux droits TV. On va devoir rétropédaler et vivre avec 50, 60, 65% des droits prévus. On a des contrats à temps, on s'est engagés avec des joueurs sur plusieurs saisons, et il va falloir assumer ces contrats avec des ressources complètement dégradées. Il faut être très lucide de cette situation. Le début d'année va être forcément très animé. On pourrait être optimiste (pour 2021) si on a la lucidité et le courage de prendre les bonnes décisions.

L'autre lueur d'espoir, c'est le vaccin : j'espère qu'il va être LA solution. Je n'y connais strictement rien, je suis comme tout le monde, je regarde les informations. Mais j'espère que ça va nous permettre très rapidement à nous, à la culture, aux restaurants de pouvoir accueillir à nouveau notre public au stade et en nombre. Les gens ont, je pense, besoin de lien social, de passer des moments ensemble. Ce n'est pas une vie aujourd'hui, ce qu'on vit. On survit. Et encore une fois, on est privilégiés. Moi, je pense à tous les gens qui ont perdu leur travail, qui ont des appartements en ville, qui ne peuvent pas sortir : c'est juste catastrophique. Nous, on a sûrement pas le droit de se plaindre. Et j'espère qu'on pourra leur offrir très vite ces moments de plaisir, de partage, de joie collective. Le football est là pour ça. On est un des acteurs principaux de ce lien social. Pour ce qui est de Rennes, ç'a été terrible pour le public de ne pas participer avec l'équipe à la première Ligue des champions de l'histoire du club. Cela a perturbé les joueurs, très sincèrement. Ce n'est pas une excuse mais à Rennes, c'est vraiment un douzième homme. Cette saison, on avait des prévisions d'affluences extraordinaires, uniques depuis la création du club. Je souhaite qu'on retrouve très vite ces moments car les matches à huis clos, c'est la même chose que précédemment : on survit, mais ce n'est pas du football.» T.C.

«On pourrait être optimiste (pour 2021) si on a la lucidité et le courage de prendre les bonnes décisions.»

«J'espère qu'on pourra leur offrir très vite ces moments de plaisir, de partage, de joie collective. Le football est là pour ça. On est un des acteurs principaux de ce lien social.»

Nous, à Montpellier, on a pris un sacré coup derrière la tête avec Junior Sambia au départ... Quand on nous dit qu'il part, qu'il est en réanimation, que c'est chaud... Pfiou... Tu flippes. Et puis après, tu le revois, tu le sens qu'il galère, qu'il met du temps à s'en remettre... Ce n'est pas une plaisanterie. Personne n'est à l'abri. J'ai vraiment eu peur pour lui. Tu te dis après ça que ça peut arriver à tout le monde.» J.T.

Gaëtan Laborde, avec notamment la frayeur de Junior Sambia, est resté marqué. (P. Lecoeur/Panoramic)

Gaëtan Laborde : «Dans 200 ans, on s'en souviendra encore»
«On a eu des choses inhabituelles dans nos vies. Tous ensemble, au même moment. Je pense qu'il va falloir que l'on n'oublie pas et que l'on se serve de tout ça. Notamment pour relativiser un peu sur plein de choses pour les années suivantes. Dans 200 ans, on se souviendra encore de 2020. Être plus altruiste, s'ouvrir un peu plus aux autres. Profiter simplement des choses, de notre liberté. Quand on est privé de choses aussi basiques, ça devient très dur. On va devoir vivre avec cette crainte de ne pas être en bonne santé. 2020 devrait nous faire tous relativiser. Savourer le fait d'être en bonne santé et pas malade.

«2020 devrait nous faire tous relativiser. Savourer le fait d'être en bonne santé et pas malade.»

En 2020, la plus grosse frustration, c'est de ne pas partager avec le peuple. Nous, ce qui fait le plaisir de notre foot, c'est de partager avec les supporters, nos familles, nos amis qui viennent. C'est une frustration horrible. Ce qui est très curieux, c'est que tu te rends compte qu'on s'est tous adaptés à des stades vides... et que ça devient complètement insupportable. Tu entends les dirigeants hurler dans les tribunes, les joueurs se coucher par terre en hurlant alors qu'ils font 1,85m et 90 kg et que ce sont des monstres : même si tu leur touches une petite oreille, ils se couchent et hurlent (Il sourit.). La situation est non seulement grotesque, mais aussi risible. Sans le public, sans l'ambiance, il y a des modifications de comportement sur le terrain qui sont abjectes. Je suis tétanisé sur le banc en me disant : "Putain, mais qu'est-ce qu'on vit ?"

Nous, Français, j'aurais aimé que nous prenions plus les sports au sérieux. Parce que c'est historique... Depuis un siècle et demi, les sports sont totalement secondaires. On peut même dire tertiaires pour le football. Les Ministres l'ont dit de façon très claire alors que des pays se sont fondés là-dessus comme l'Allemagne, l'Italie, l'Angleterre. J'aurais aimé qu'on finisse les matches. Même si ça avait été contraignant, à huis clos, en nous mettant dans des hôtels bloqués : mais j'aurais aimé qu'on montre l'exemple, même chose pour le rugby, le basket-ball... J'aurais aimé qu'on ait le courage et la volonté de faire ça. Cela aurait aussi permis aux gens de vivre le confinement et la période estivale. Et ça aurait été beaucoup moins injuste pour plein de clubs. Car sur le plan sportif, depuis qu'il y a la victoire à trois points, tout se joue sur les dix derniers matches ! Et nous, on les a enlevés ! Nos gouvernants ont décidé ça... Le sport a toujours été tout à fait mineur dans notre pays, malheureusement.

2020 nous a apportés un peu plus d'humilité. Ce qui est très bon pour l'être humain, c'est de freiner son ego. Le plus grand défaut, c'est de s'occuper de sa personne en particulier. Là, ça te met un frein, ça te fait penser beaucoup plus à autrui. Ca nous a pas mal changé dans ce domaine-là. C'est une remise en question. Je ne sais pas comment vont le vivre les gens qui ont 25 ans. Mais quand tu as 60 ans, tu te dis que tu as toujours vécu en totale liberté, et là, aussitôt, tu te rends compte que les peuples sont en danger, que tu as des amis intimes qui, à 50 piges, décèdent en quinze jours. C'est une très forte incertitude et, en étant très modeste, une angoisse qui pèsent sur nos épaules.» T.C.

Boulaye Dia : «C'est venu tellement soudainement que ç'a pu nous choquer»
«2020, on va retenir le Covid. Franchement, ç'a pris le dessus sur tout. Dans la vie de tous les jours, sur le sport, l'économie, tout ! Quand tu sors dans la rue, que tu vois tous les gens masqués, quand tu écoutes les informations... C'est venu tellement soudainement que ç'a pu nous choquer. Mais, là, avec le recul, on se dit qu'on est proches de la fin, même si ce n'est pas pour tout de suite, et qu'on est forcés de faire avec, on n'a pas d'autres choix. On se dit que ça peut aller vite, que des choses comme ça peuvent arriver d'un instant à l'autre, qu'on est à l'abri de rien. Il faut prendre ce recul-là et profiter de la vie car on ne sait jamais ce qu'il peut se passer. Lors du premier confinement, notre doc', Bernard, est décédé. Cela nous a tous touchés. On relativise, on fait avec, mais franchement, elle a été triste cette année. On s'en souviendra tous, ça restera.» T.C.

Ce Championnat est le plus incertain que l'on ait connu. La reprise après six mois d'arrêt, les cas de Covid dans le groupe, les états de forme qui varient et surtout les cinq changements. Quand le huis clos sera terminé, je pense que notre sport en sortira grandi. On appréciera encore plus la présence des supporters dans les tribunes et j'espère que l'on donnera encore plus de spectacle qu'avant. Mais clairement, actuellement, ce n'est pas le football qu'on aime. » B.D.

Jean-Marc Furlan a constaté la place secondaire, si ce n'est plus, du sport en France. (A.Mounic/L'Equipe)

Jean-Marc Furlan : «Le sport a toujours été mineur dans notre pays»
«La première préoccupation, c'est la santé des gens, et celle de nos familles. Mais aussi l'inquiétude qui est au-dessus de nous. Par le passé, c'est arrivé de nombreuses fois d'avoir ce genre de maladies. Aux XVIIIe et XIXe siècles, ils étaient tous habitués à ça, d'avoir des virus qu'ils n'arrivaient pas à résorber. Mais c'est vrai que c'est une inquiétude qu'on n'a pas connu, pour les plus vieux, depuis la seconde guerre mondiale. On a nos libertés qui sont bloquées. Mais, après, au niveau du foot, et dans de nombreuses activités, en plus de l'incertitude permanente au-dessus de nos têtes pour la crise sanitaire, il y a aussi le fait qu'il y a un danger économique important. Cela va certainement bouleverser pendant, au minimum, un ou deux ans, la situation économique du football. Même si le jeu restera toujours le même. Par contre, tout autour, on risque d'avoir un coup de frein, un coup d'arrêt important. Cela ne m'inquiète pas. Mais je dis que ça peut modifier le comportement des gens, des investisseurs... Même si j'en doute fortement. Le football est un sport où on ne se comporte pas comme dans une entreprise normale. Il est fait de beaucoup d'affectif, de spontanéité. Très rapidement, le jour où l'économie va se remettre en route, comme le foot est un sport populaire qui se joue sur toute la planète, on va retrouver une économie normale. Je ne suis pas inquiet pour ça.

«Ce qui est très curieux, c'est que tu te rends compte qu'on s'est tous adaptés à des stades vides... et que ça devient complètement insupportable.»

Tout le monde va devoir faire des concessions. C'est comme ça... Le premier confinement a été marquant. Personnellement, je l'ai plutôt bien vécu. J'ai la chance d'avoir un extérieur chez moi. On a la forêt à côté de la maison. On n'avait vraiment pas été à plaindre. En plus, ma femme travaille sur les réseaux sociaux. Je l'ai un peu aidée, ça m'a permis de penser aussi à autre chose. Quand on repensera au confinement, cela nous permettra de regarder toutes les conneries qu'on avait pu faire en vidéo (Il sourit.). Un mot pour résumer 2020 ? Triste. Triste de la situation, franchement... C'est hyper long. On pensait tous que ça allait durer un mois ou deux. Au final, on se retrouve au mois de décembre et ça n'a pas beaucoup évolué. On est tous pressés que tout revienne à la normale.» T.C.

«Sur le plan sportif, depuis qu'il y a la victoire à trois points, tout se joue sur les dix derniers matches ! Et nous, on les a enlevés !»

Nous, à Reims, on a aussi perdu notre docteur via le Covid. Cela a été un élément hyper compliqué. On le côtoyait tous les jours. On l'a vécu de près et de loin en même temps. Cela nous a fait mal. La santé, il n'y a pas plus important dans la vie. Là, on était au coeur du sujet. Je ressors de cette année 2020 plus fort. Depuis quatre ans, au Stade de Reims, on a vécu des résultats bien au-delà de ce qu'on pouvait espérer. On vit une période compliquée sportivement actuellement et le fait d'avoir connu les performances, la mise en lumière du club... Ces périodes ne sont jamais agréables à vivre, par contre, elles sont formatrices et enrichissantes. Mais il ne faut pas qu'elles durent trop longtemps. Dans ces périodes, plein de choses surgissent et ressurgissent, on voit plein de choses. Parfois, ça nous permet aussi de nous rendre compte de pas mal de choses. 2020, on a vécu dix ans en une année. Donc c'est enrichissant. Avec la capacité de se servir des difficultés. Et que c'est l'essence même de notre métier : avancer et continuellement se remettre en question.» T.C.

«Ce qui est très bon pour l'être humain, c'est de freiner son ego. Le plus grand défaut, c'est de s'occuper de sa personne en particulier. Là, ça te met un frein, ça te fait penser beaucoup plus à autrui.»

Omar Daf : «Notre sport en sortira grandi»
«Il faut profiter de l'opportunité qu'on a de pouvoir continuer à faire notre métier. Aujourd'hui, je me dis encore plus que mon équipe doit donner du plaisir à nos supporters. Les gens ne peuvent pas venir au stade alors on se doit de travailler pour leur offrir du spectacle. On doit apprécier cela et surtout trouver des ressources pour y arriver. Avec le staff, on travaille toujours à faire progresser les joueurs sur le plan technico-tactique. Mais maintenant, il faut garder les joueurs sous pression avec le huis clos. Cela a pris une part importante du travail. Sur l'approche de la compétition, on essaie de trouver d'autres leviers pour maintenir les joueurs concernés et faire monter ce niveau d'adrénaline. Il n'y pas plus cette pression dans le stade que l'on peut ressentir, mais c'est à nous, les techniciens, de faire en sorte que les joueurs puissent se transcender.

«On appréciera encore plus la présence des supporters dans les tribunes et j'espère que l'on donnera encore plus de spectacle qu'avant.»

Est-ce que tout ça a pu compliquer certaines choses au niveau de mon intégration ? Honnêtement ça s’est bien passé au sein du club mais oui les circonstances ne sont pas idéales pour découvrir une nouvelle ville, un nouveau pays. Mais on se plie aux règles, on s’adapte. Pour 2021 on va souhaiter que cela s’améliore autour du foot, car sur le terrain tout va bien. Je suis dans un top championnat, avec des équipes exceptionnelles qui peuvent tous se battre les unes les autres. Avec un style de jeu qui me convient. Reste à apprendre la langue, désormais. Je prends des cours mais pour l’instant je parle essentiellement en anglais. C’est pas une langue facile, je vous assure (rires)… Mais oui, 2021 pourrait être une belle année.» T. P.

Pour Vincent Pajot, «c'est dommage de ne pas avoir la chance de divertir la population». (S. Boué/Lâ?™Équipe)

Vincent Pajot : «On est tellement au plus bas de ce qu'on peut attendre de notre métier»
«2020, oui, il y a le Covid et son contexte au niveau du football. Mais ça reste très restreint avec ce qu'a vécu la population française. Ce qu'on vit, c'est assez relatif. Nous, on est juste acteurs du divertissement des Français. C'est donc dommage pour ça : de ne pas avoir la chance de divertir la population, ça aurait pu faire du bien. Un souvenir marquant de l'année ? Le confinement, oui... Le fait d'apprendre un vendredi qu'on n'a pas match à cause du virus, qu'on peut partir en week-end... et qu'on ne se revoit en fait que deux ou trois mois après. On pense pouvoir exercer son métier, mais ça ne vient pas. C'est une période spéciale. Je l'ai bien vécue, ça m'a permis de me ressourcer, de me rapprocher de ma famille, de ma belle-famille, sortir aussi du contexte du football : on est dans une bulle, toujours focalisé, même quand on est en repos, en vacances. Il y a toujours ce petit truc au-dessus de nous pour nous dire qu'on est footballeur professionnel. Là, on a pu réellement couper. 2021, on sait que ça va être différent. On a à coeur que ça revienne petit à petit, que les supporters reviennent... Des petits signes qui montrent que ça ira mieux. On est tellement au plus bas de ce qu'on peut attendre de notre métier qu'il faudrait avoir des petits signes pour les supporters et pour nous. Aujourd'hui, c'est un football différent, une atmosphère différente. On n'a pas la sensation qu'il y a des matches à domicile ou à l'extérieur, on le voit sur les résultats.» T.C.

Wesley Lautoa : «On pensait tous que ça allait durer un ou deux mois»
«Ce qu'on retiendra, c'est un peu l'ambiance bizarre autour du stade, sans public, sans rien. On préférerait que le retour à la normale se fasse au plus vite, mais on est comme tout le monde, comme dans tous les secteurs d'activité : on attend. On est obligés de se plier aux règles. On subit la situation. Cela a été une année particulière bien sûr. Avec l'arrêt du Championnat, comme ça, subitement. Moi, je m'attendais à reprendre, j'espérais. On est tous un peu inquiets pour la suite : avec Mediapro, le Covid-19, plus le Brexit qui va changer la donne pour pas mal de clubs... Les années à venir vont être compliquées. Tout le monde va subir un peu les conséquences, malheureusement. Il n'y a pas que 2021 qui va être compliquée. Je pense que les cinq prochaines années vont être difficiles pour les clubs.

«Les années à venir vont être compliquées. Tout le monde va subir un peu les conséquences, malheureusement. Il n'y a pas que 2021 qui va être compliquée.»

Stéphane Dumont : «Une autre facette du foot»
«Je te parle pour le Stade de Reims : quand on s'arrête au mois de mars, on peut penser que le bilan est ultra positif. On est cinquièmes. Mais, après, on a vécu cette période de confinement, on a dû s'adapter, s'entraîner chacun chez soi ou en groupes, chose qu'on n'a pas eu l'habitude de faire. Via des visios, des programmes envoyés... Une découverte. Le plus difficile, c'est qu'à une période, on ne savait pas quand on allait reprendre. On était dans l'incertitude totale. Il fallait prévoir... tout en ne sachant pas quand est-ce qu'on pourrait réenclencher. Une période particulière, notamment pour une gestion de blessés, de forme. Le mode de management a dû encore évoluer. C'était être en capacité d'être proche des joueurs via les téléphones, les visios, d'être encore plus dans la personnalisation, dans l'individu. Aux entraînements, on est en capacité de le faire, mais généralement c'est surtout sur un domaine athlétique ou technique. Là, on a mis en place des choses via des vidéos, des problématiques tactiques, sur des questionnements. On a dû les sensibiliser pour ne pas qu'ils perdent cette fibre là, afin qu'ils soient de nouveau alerte dès qu'on pourrait démarrer. Avec aussi un peu de fraîcheur d'avoir vécu des choses chez eux. On en a beaucoup discuté avec les joueurs. Quand on les a récupérés, on leur a passé un questionnaire, pour savoir aussi ce qu'ils avaient retiré du confinement. Beaucoup nous ont dit qu'ils avaient assimilé des choses, d'autres ont relativisé mais sans vraiment se rendre compte. Beaucoup nous ont parlé de la cuisine, la capacité à se faire des repas, à se gérer soi-même et à prendre plaisir à le faire parce qu'ils avaient plus de temps. Des choses dont on a pu parler et on a pu aller sur un plan un peu plus personnel qu'à l'accoutumée encore. Et c'était plutôt sympa. Une autre facette du foot.

«Ces périodes ne sont jamais agréables à vivre, par contre, elles sont formatrices et enrichissantes.»

Benjamin Corgnet sous les couleurs du RCSA (S.Boue/L'Equipe)

Benjamin Corgnet : «Le sportif a été très douloureux»
«D'un point de vue sportif, ce n'est pas forcément la meilleure année... Il y a eu quelques mois où j'ai pu jouer au foot. Mais j'étais en fin de contrat... C'était une année très différente de ce que j'ai connu depuis dix ans. Au niveau personnel, j'ai pu profiter beaucoup plus de ma famille, de mes proches. On pense essentiellement à ça. Avec le Covid, un événement jamais connu, tout le monde s'est retrouvé dans le flou, dans le K-O avec ce qu'on était en train de vivre. Le sport s'arrête, on est à la maison : c'est sûr que ça en fait une année vraiment pas ordinaire. Ce qui m'a marqué, c'est le premier confinement. On a dû s'adapter à rester chez nous, on a dû s'entretenir, on avait des séances en vision avec le reste de l'équipe. On devait faire des exercices dans le jardin, dans le salon... C'est inhabituel. Donc, en fait, c'est vraiment l'aspect personnel qui a pris le dessus. Mais le sportif a été très douloureux, on était vraiment dans l'inconnu. Etre sans contrat a rajouté des incertitudes, du doute. Cela l'est moins désormais. J'ai eu le temps de laisser les doutes, les déceptions de ne pas retrouver tout de suite un club. La période permet de relativiser. Je suis quelqu'un d'optimiste. J'ai l'espoir que ça s'améliore, que tout redevienne comme avant même si je pense que ca va mettre beaucoup de temps, qu'on sorte de toute cette phase morose... Encore une fois, j'ai ma famille, et ça me permet d'énormément relativiser et de chasser les déceptions.» T.C.

Baptiste Santamaria : «C’est primordial d’être bien entouré dans une année comme celle-là»
«Si je devais résumer cette année 2020 en trois mots (il réfléchit)… Je dirais longue, réussie mais à la fois difficile. D’un point de vue personnel j’étais très inquiet. Mais je venais de changer d’agent et eux (NDLR : Sport Profile, l’agence d’Yvan Le Mée) étaient confiants. Ils ont su me rassurer en m’indiquant qu’on allait me trouver un projet qui allait me correspondre et c’est ce qui s’est passé (NDLR : Santamaria est passé d’Angers SCO à Fribourg, cet été). C’est primordial d’être bien entouré dans une année comme celle-là. Pour en revenir aux circonstances dans lesquelles tout ça s’est passé, quand vous êtes footballeur vous avez tendance à penser, dormir et vivre foot. Mais cette situation-là, ce virus-là, ils sont problématiques pour tout le monde alors ça vous amène à relativiser. Nous on ne peut pas toujours voir nos familles comme on l’aimerait, on n’a pas nos supporters dans les stades mais tout le monde subit également un tas de problèmes. Et les notres sont souvent minimes par rapport à ceux qui sont les plus durement touchés et on a forcément une pensée pour eux. 

«Les circonstances ne sont pas idéales pour découvrir une nouvelle ville, un nouveau pays»

Johan Tabau, Thymoté Pinon, Benoît Desaint et Timothé Crépin