Ce match contre le Brésil, lors de la Coupe du monde 1982, reste le chef-d'oeuvre de la carrière de Paolo Rossi (3-2). (L'Équipe)

Paolo Rossi, un avant-centre d'avant

Paolo Rossi, décédé ce jeudi, était un attaquant peu athlétique mais adroit, produit d'une époque révolue.

S'il fut avant tout l'homme d'une Coupe du monde, Paolo Rossi était aussi la caricature de l'avant-centre tel qu'on l'a longtemps conçu en Italie, temple du pragmatisme jusqu'à la fin des années 80. Le meilleur buteur du « Mundial » 82 (6 buts) n'allait pas très vite, ne sautait pas très haut, avait une bonne technique mais n'était pas un maestro non plus, et il ne pouvait pas compter sur sa robustesse physique pour résister aux défenseurs adverses.

Son registre, c'était d'abord et avant tout le but, même si on ne peut le résumer qu'à cela : dans le jeu, celui qui a commencé sa carrière professionnelle comme ailier était capable de plus de choses que Gerd Müller, pour prendre l'exemple d'un autre « renard des surfaces » officiant quelques années avant lui.

Jeu de tête, malice et opportunisme

Et puisque le souvenir de Paolo Rossi restera essentiellement lié aux premiers jours de juillet 1982, en Espagne, il faut revoir son triplé contre le Brésil (3-2) pour établir son registre, car tout Paolo Rossi est dans ce match historique du deuxième tour de la Coupe du monde. Le premier est inscrit de la tête, l'un de ses points forts, pas parce qu'il plane au-dessus des autres mais parce qu'il sait se défaire du marquage : trois de ses six buts seront inscrits de la tête, un contre le Brésil, un contre la Pologne en demi-finale (2-0) et un contre l'Allemagne pour finir (3-1).

Le deuxième illustre sa malice : il sent venir la passe imprécise de Cerezo, intercepte le ballon entre trois Brésiliens passifs et envoie une frappe pure au ras du poteau, d'une vingtaine de mètres. Le troisième rappelle son opportunisme : il est là, à cinq mètres du but adverse, pour détourner la frappe de Marco Tardelli et tromper une nouvelle fois Valdir Peres, le gardien auriverde, sur le deuxième temps d'un corner bêtement concédé par Cerezo.

Une performance absolue pour l'Italie, qui n'aura jamais été menée au score alors qu'elle a subi presque de bout en bout. Un chef-d'oeuvre personnel pour ce drôle d'oiseau d'1,74 m pour 67 kg qui n'est pourtant pas un monstre d'égoïsme : toujours face au Brésil, en position de frapper, il choisit le centre en retrait qui permet le quatrième but de son équipe, signé Antognoni, refusé pour hors-jeu.

« La vertu principale de Paolo Rossi, c'est le flair du chasseur qui le place toujours sur les trajectoires du ballon lorsque ce dernier traîne devant le but adverse »

Jean-Philippe Réthacker, ancien grand journaliste de L'Équipe

Jean-Philippe Réthacker le décrit ainsi quelques jours plus tard, dans nos colonnes : « La vertu principale de Paolo Rossi, c'est le flair du chasseur qui le place toujours sur les trajectoires du ballon lorsque ce dernier traîne devant le but adverse [...] Faites un tour rapide de la question et des spécialistes : songer à Just Fontaine et à Gerd Müller, qui ont précédé Paolo Rossi sur la voie sacrée de la Coupe du monde. Songez à (Carlos) Bianchi ou à (Delio) Onnis. Et vous constaterez que cet instinct du placement est bien l'arme maîtresse du buteur, qui réussit toujours à échapper à son gardé du corps à un moment ou à un autre, pour se retrouver seul en position de tir ou de reprise de balle favorable. »

À l'époque où le marquage individuel reste la norme, son art est de naviguer à la frontière du hors-jeu, dans le dos de son défenseur, dans la zone la moins dense possible. Une stratégie d'évitement, de patience, d'instinct. Et une certaine idée du travail bien fait. Paolo Rossi, avant de frapper, semblait souvent attendre quelques dixièmes de secondes de plus que les autres, guettant le moment où le ballon serait parfaitement placé avant d'armer sa frappe. Produit de la Serie A d'alors, où les attaquants ne pouvaient pas gâcher les miettes qu'on leur offrait, il ne sera plus jamais ce maître du temps qu'il fut pendant quelques jours, en juillet 1982.