Soccer Football - Euro 2020 - Germany Training and Press Conference - Seefeld, Austria - May 29, 2021 Germany coach Joachim Lowe speaks to his players during training REUTERS/Angelika Warmuth (Reuters)

Patrick Guillou : «L'Allemagne avance à tâtons»

Le monsieur ''Football allemand'' de beIN Sports, qui diffuse l'intégralité de l'Euro, décrypte la sélection d'Allemagne qui affronte ce soir la Lettonie, à huit jours du choc face aux Bleus.

«Mercredi dernier, avant Allemagne-Danemark (1-1), au moment des hymnes, Thomas Müller et Mats Hummels se dressaient côte à côte. Quel sens donnez-vous à leur retour en sélection deux ans et demi après leur éviction par Joachim Löw ?
Je m'en réjouis ! Hummels n'est pas le défenseur le plus rapide au monde mais, cette saison, il a été très bon avec Dortmund, en particulier dans les duels face au jeu et la relance. Quant à Müller, il a été métamorphosé par sa relation avec Hansi Flick au Bayern. Il a retrouvé une confiance absolue en lui. C'est le patron en club, le facteur X, capable de produire une vingtaine de passes décisives et une dizaine de buts par saison en Bundesliga depuis deux ans. Ses inspirations et son intelligence situationnelle en font un joueur génial, toujours capable de glisser un petit ballon intérieur qui déchire la défense adverse, de créer une feinte qui ouvre le but à un partenaire... Ce rôle, il doit le tenir en sélection.

Attendre autant d'un joueur exclu depuis 2018, est-ce un aveu d'impuissance ?
A l'époque, après l'élimination au premier tour de la Coupe du monde en Russie, ''Jogi'' Löw avait souhaité lancer une reconstruction en s'appuyant sur les jeunes. On s'est rendu compte qu'il manquait de certitudes et les matches étaient souvent très ennuyeux. Par nature, la Nationalmannschaft est une équipe qui doit faire peur. Cette année, pour la première fois depuis au moins 30 ans, vu la somme d'incertitudes à son sujet, c'est une équipe qui me fait peur ! Elle semble avancer à tâtons. Je n'ai pas la sensation d'une force qui se dégage. Dès qu'un match devient compliqué, si elle ne s'est pas détachée au score, l'Allemagne est rapidement en difficulté, tombant dans un faux rythme, toujours sous la menace d'une attaque adverse. On l'a vu récemment contre la Macédoine du nord (défaite 1-2, le 31 mars, à Duisbourg, en éliminatoires de la Coupe du monde).

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Vous parliez d'incertitudes. Quel secteur de l'équipe vous semble le plus concerné ?
Commençons par l'attaque... On ignore toujours si Löw va privilégier un attaquant de profondeur ou un attaquant de remise. Qui va jouer numéro 9 : Müller, Werner, Volland, Gnabry ? Ce dernier est un super joueur (15 buts en 21 sélections), très impliqué, très actif. Il y a aussi Kai Havertz, resplendissant en finale de la Ligue des Champions, qui a tout dans son jeu, mais a besoin d'un coach humain pour être totalement libéré, à l'image de Thomas Tuchel à Chelsea. Löw saura-t-il faire ce travail psychologique ? Leroy Sané, lui, est encore trop instable dans le dernier geste et le travail défensif. Pour résumé, on n'y voit pas très clair sur la façon dont ces garçons vont être associés...

Êtes-vous davantage rassuré par le secteur défensif ?
C'est un peu le même souci... En principe, l'Allemagne devrait jouer à trois derrière. Les noms sont intéressants : Hummels, Süle, Rüdiger, plus Ginter qui est plus limité. Mais ils ont un peu le même profil et n'aiment pas gérer la profondeur. Deux options : soit ils décident quand même de presser haut et, si Mbappé leur échappe, ils n'ont aucune chance de le rattraper ; soit ils jouent cinq-dix mètres plus bas et, alors, ils laissent de la liberté à Benzema et Griezmann dans le jeu interligne. Par ailleurs, les excentrés comme Gosens (Atalanta) et Klostermann (Leipzig) sont de super pros, très valeureux, mais ce n'est pas non plus la classe mondiale.

Kai Havertz, le buteur que l'Allemagne attend ? (M. Gilliar/Presse Sports)

En revanche, au milieu, avec Kimmich, Gündogan, Goretzka, Kroos, le casting impressionne…
Certes, mais comment seront-ils disposés ? Qui acceptera de se dévouer plus particulièrement aux tâches défensives ? Goretzka n’est pas à 100% pour l’instant, Kimmich veut parfois trop en faire… Cela fait donc beaucoup d’interrogations.
 
Pensez-vous que Joachim Löw, en poste depuis quinze ans, a retrouvé la flamme du sélectionneur qui a mené l’Allemagne au titre mondial en 2014 ?
Outre cette consécration, il a un bilan assez incroyable (finale de l’Euro 2008, demi-finales des Euros 2012 et 2016, troisième du Mondial 2010). Vu la trace qu’il laissera dans le football allemand, il ne peut pas sortir par la petite porte. Il faut aussi que les joueurs prennent les choses en mains afin de donner une image respectable de la sélection. Il y a les hommes forts qui ont tout gagné dans leur carrière (Neuer, Hummels, Kroos, Müller), des titulaires qui n’ont pas encore enlevé un titre avec la sélection (Kimmich, Gündogan, Goretzka) et des plus jeunes. A eux de créer une fusion collective… Dans leur groupe à l’Euro, les partenaires de Neuer se situent logiquement derrière la France et le Portugal. Et ils devront se méfier de la Hongrie qui compte sur une victoire face aux Allemands pour finir parmi les quatre meilleurs troisièmes et être ainsi se qualifier pour les huitièmes de finales.»
 
Christophe Larcher