Soccer Football - Premier League - Leeds United v Burnley - Elland Road, Leeds, Britain - December 27, 2020 Leeds United's Illan Meslier Pool via REUTERS/Oli Scarff EDITORIAL USE ONLY. No use with unauthorized audio, video, data, fixture lists, club/league logos or 'live' services. Online in-match use limited to 75 images, no video emulation. No use in betting, games or single club /league/player publications. Please contact your account representative for further details. (L'Equipe)

Portrait : Illan Meslier (Leeds), le gardien qui ne cesse d'impressionner

Encore méconnu du grand public, remplaçant à Lorient, Illan Meslier a fait le pari de rejoindre Leeds en 2019 alors qu'il n'a pas 20 ans. Choix on ne peut plus payant avec une montée en Premier League avec la troupe de Marcelo Bielsa et de solides performances. FF vous raconte son histoire.

Titulaire à 18 ans en Ligue 2, à 19 ans en Championship, à 20 ans en Premier League : les deux dernières années d'Illan Meslier ont été folles. À Leeds, il est aujourd'hui le plus jeune portier à être titulaire dans les cinq grands Championnats. «Rien ne laissait présager un tel avenir», avoue, comme surpris, son mentor Stéphane Le Garrec qui l'a accompagné des U13 jusqu'à la Coupe Gambardella au FC Lorient.

«J'avais six ans et je venais de rentrer en CP. Je passais toutes les récréations et tout mon temps libre à jouer au foot. Alors un soir, ma mère m'a dit : "Allez viens je t'emmène jouer au foot dans un vrai club." J'étais tellement content», racontait Meslier en 2015 sur le site des Merlus. Tout commence donc à l'ES Merlevenec (56). Très costaud et bon balle au pied, il évolue d'abord en tant que joueur de champ avant de débuter dans les cages un peu par hasard. Pour compenser l'absence d'un joueur sur un tournoi, le garçon va filer sur la ligne de but. Un poste qu'il ne quittera plus. «Pour être franc, je n'aimais pas trop cette place sur le terrain. Mais aux entraînements qui suivent ce tournoi, le coach décide de me laisser dans les buts, parce qu'il trouve que j'ai été bon. Je n'ai pas osé dire non.» Et il va bien sûr finir par se faire repérer par Lorient lors d'une détection.

Benjamin Lecomte comme exemple

Sur les terrains, tout va pour le mieux. Centre de préformation, puis centre de formation, Illan Meslier prend du galon. «On a toujours eu une très bonne relation sur le terrain, se souvient Enzo Le Fée, milieu de terrain du FC Lorient, qui a fait sa formation aux côtés de Meslier. Quand il était dans les cages, j'avais entièrement confiance. Notre équipe avait besoin d'un gardien qui avait le sens du jeu et qui n'avait pas peur balle au pied. Illan répondait aux attentes.» Comme chaque enfant de son âge, le jeune gardien a une idole : Benjamin Lecomte. Joueur de Lorient à l'époque, l'actuel gardien de l'AS Monaco s'entraînait dans le même centre que son fan. «Quand on était adolescent, il avait son maillot personnalisé Benjamin Lecomte à chaque tournoi», reconnaît encore Le Fée. Malgré son admiration, Stéphane Le Garrec souligne quelques différences, et notamment le caractère. «Benjamin Lecomte avait un caractère fort, très fort. C'est un garçon qui en voulait beaucoup. Illan c'était un peu différent. Je ne dis pas qu'il n'en voulait pas mais c'est une force tranquille. Benjamin on sentait qu'il voulait absolument y arriver. Illan, ça s'est fait plus dans le temps, plus en douceur

«Ce qui me marque le plus chez Ilan, c'est son audace, explique Le Fée, l'un des très proches. Je me souviens d'une action en Ligue 2, face à Orléans. Malheureusement ça finit en boulette mais je pense que très peu de gardiens de son âge auraient tenté ça. La balle vient vers lui, tout comme l'attaquant. Illan pique le ballon par-dessus l'attaquant. Puis, il veut dégager la balle mais il est devancé par un adversaire et ça finit au fond. Ce qui m'a le plus surpris, c'est sa sérénité pour tenter ce geste.»

«Ce qui me marque le plus chez Ilan, c'est son audace» Enzo Le Fée

Michaël Landreau l'installe en tant que numéro 1

Le 14 août 2018, il dispute son premier match avec l'équipe première lors d'une rencontre de Coupe de la Ligue face à Valenciennes (succès 1-0). Reconduit deux semaines plus tard devant Ajaccio (victoire 1-0), il débute en Ligue 2 face à Grenoble le 3 septembre. Son équipe l'emporte une nouvelle fois par le même score. Trois matches et trois clean sheets. «On avait identifié un garçon à potentiel, explique Stéphane Le Garrec en évoquant le fameux déclic survenu quelques années plus tôt. On l'a surclassé en Gambardella et il a été décisif en 32e de finale en arrêtant un penalty à deux minutes de la fin du match. C'est à ce moment-là qu'il a pris conscience de ses qualités. Il est devenu plus compétiteur à l'entraînement, plus agressif dans ce qu'il faisait. Avec la confiance, il a vraiment franchi un cap.» Sa progression lui a valu d'être installé définitivement dans les cages par Mickaël Landreau un soir d'octobre face à Metz, leader, au détriment de Daniejl Petkovic (0-0). «Il y a des portes qui se sont ouvertes alors que ce n'est pas toujours facile de jouer quand on est gardien numéro 2. Derrière, il a montré qu'il avait du talent», justifie Le Garrec.

Meslier félicité par ses coéquipiers à l'issue d'une victoire acquise de haute lutte à Burnley. (N. French/Reuters)

À l'écoute de son coach et de son entraîneur des gardiens Christophe Revel - aujourd'hui à Lyon -, Meslier, qui culmine à 1,96m, prend en maturité et acquiert une véritable expérience. Malgré des bonnes performances, le club ne parvient pas à accéder à la division supérieure. À l'issue de la saison 2018-2019, il comptabilise 28 matches de Ligue 2. On pensait alors qu'il allait rempiler pour une deuxième saison en tant que titulaire mais l'arrivée d'un nouvel entraîneur va tout chambouler.

La proposition : un projet à l'avenir avec une place de remplaçant, derrière Kiko Casilla au départ puis une place de titulaire dans les deux ans. Sachant qu'en Angleterre, les joueurs peuvent évoluer avec les U23 et l'équipe première la même semaine. L'accord est trouvé. Un prêt avec option d'achat obligatoire en cas de dix matches joués et une montée du club en Premier League font partie du deal. Leeds, Marcelo Bielsa, Elland Road à guichets fermés chaque week-end : c'est ce qui attend désormais Meslier. Sans jamais rompre le contact avec les anciens éducateurs, son agent, ses proches et ses copains du centre de formation, le jeune gardien quitte pour la première fois sa Bretagne natale. «Beaucoup disait qu'il abandonnait un défi, se rappelle Le Fée. Illan nous faisait part qu'il voulait apprendre auprès des plus grands. Personnellement, je ne me suis jamais inquiété pour lui quand j'ai appris son départ. Étant jeune, il était déjà promis à une grosse carrière.» «C'est une remise en question totale, tranche Pouliquen. On arrive dans un nouveau Championnat qui plus est à l'étranger, sans forcément parler anglais couramment. Il a vécu des choses à 18 ans que certains gardiens qui ont 25 ans n'ont toujours pas découvertes. Il a su rebondir là-dessus et en arrivant en Angleterre il a su très vite se mettre au diapason du Championnat anglais.» Très bien accueilli du côté du Yorshire, Illan Meslier va goûter à son premier match avec les Peacocks le 6 janvier 2020 face à Arsenal en FA Cup (défaite 1-0). Alternant avec les U23, une opportunité va, une nouvelle fois, se présenter face à lui.

Un mail change le destin de sa carrière

Meslier, en équipe nationale de jeunes, ne suit pas la préparation avec le groupe professionnel. Christophe Pélissier, nouveau boss du FCL, décide de faire confiance à un gardien plus expérimenté, Paul Nardi. «C'est une décision de coach que je respecte, mais ç'a été difficile pour Illan d'apprendre qu'il allait être le numéro 2 pour la saison à venir 48 heures avant le début du Championnat. Il l'a mal pris. Ce qui est logique dans la mesure où il avait joué 28 matches la saison précédente», se souvient Yvon Pouliquen, l'agent du joueur. En coulisses, le jeune Illan est attristé et demande à quitter le navire. Pouliquen poursuit : «Le soir même, on s'est rencontrés avec ses parents. Lui, sur le coup de la déception, voulait absolument partir. Un sentiment que je partageais. Il fallait qu'il continue à jouer même s'il avait la capacité de rebondir à Lorient et à travailler pour essayer de regagner sa place. Il a senti qu'il était préférable d'aller chercher un nouveau challenge ailleurs». Au départ, l'objectif n'est pas d'aller à l'étranger mais de trouver un club où il allait avoir du temps de jeu pour progresser. Si Monaco et Chelsea sont très intéressés, c'est un autre club qui va se montrer plus pressant. «Deux jours après, Leeds m'a envoyé un mail, continue l'agent. Le mercato anglais se terminait avant les autres, il fallait faire vite. Les représentants de Leeds sont arrivés à Lorient et tout s'est fait rapidement

«Il a vécu des choses à 18 ans que certains gardiens qui ont 25 ans n'ont toujours pas découvertes» Yvon Pouliquen

Le malheur des uns fait le bonheur des autres

Sous le coup d'une lourde suspension pour avoir tenu des propos racistes envers Jonathan Leko, joueur de Charlton, Kiko Casilla prend huit matches de suspension. L'opportunité pour Meslier est trop belle. Le train ne passe jamais deux fois et l'ancien de Lorient va sauter dans le bon wagon. Neuf matches, sept victoires, six clean sheets : la copie est quasi parfaite pour l'homme qui a gardé les cages de la meilleure défense de Championship. «Il a ressenti de la confiance de la part de ses partenaires, estime Pouliquen. Le groupe vit bien à Leeds et les bons résultats ont permis d'acquérir une confiance supplémentaire.» Une confiance partagée avec les supporters comme en atteste cette célébration du banc lors de la victoire contre Reading (1-0). Tout comme ses coéquipiers et les fans, Marcelo Bielsa est conquis par Illan. Doté d'un très bon pied gauche, Meslier peut jouer court ou long en fonction de ce que désire "El Loco". Une alternative non négligeable dans un pays où règne l'intensité.

Entre-temps, le Covid-19 a interrompu le Championnat. Leeds décide alors de prolonger le prêt en changeant la clause : l'option d'achat devient obligatoire uniquement en cas de montée. Les troupes de Bielsa remportent le Championship et accèdent à la Premier League. Premier trophée soulevé pour Illan. Essentiel dans la conquête du titre, il est conservé en tant que numéro 1 par l'ancien entraîneur de l'Olympique de Marseille. Les débuts dans l'un des meilleurs Championnats du monde n'ont pas toujours été évidents collectivement. Malgré le jeu attrayant proposé par les Peacocks, ces derniers possèdent la 19e pire défense du Championnat (30 buts encaissés en 16 rencontres). Mais rien ne semble faire peur à Meslier. «Le stress lui glisse dessus. Il paraît insensible à cette pression qui peut y avoir», analyse Stéphane Le Garrec. En contact permanent avec son joueur, Yvon Pouliquen félicite sa «grande force de caractère, sa capacité à analyser les situations afin de rebondir en cas de contre-performance». Le Fée enquille : «Ce qu'il fait en Premier League ne m'impressionne pas aujourd'hui. Il y a très peu de déchets dans son jeu.»

L'avis de Christophe Lollichon (responsable des gardiens de Chelsea)

«Je suis séduit pas les qualités d'Illan. Il est très joueur et cela se voit dans ses intentions et la qualité de son pied gauche. Connaissant un peu Marcelo Bielsa, il lui accorde beaucoup de confiance. Je le suis particulièrement parce qu'il n'a que 20 ans et je pense que je ne prends pas beaucoup de risque en disant que ce sera le prochain gardien de l'équipe de France, vraisemblablement. Il est encore en phase d'apprentissage. Il me plaît beaucoup même s'il joue peut-être avec un tout petit peu de recul pour éviter de se mettre en situation de risque. Ce qu'il faisait à Lorient, il le fait beaucoup moins à Leeds car le jeu est plus rapide, le niveau est plus élevé. Illan a eu l'intelligence de jouer plus simple. Je pense que plus les matches vont passer, plus il va reprendre, petit à petit, le jeu qui est le sien. Si ça marche bien, il peut devenir un titulaire incontournable en Premier League, il en a les qualités. Physiquement, il a probablement un petit manque athlétique pour la densité qu'il y a dans les surfaces de réparation anglaises. Néanmoins, il peut la colmater par sa vitesse, sa prise de décision, ou encore sa qualité technique. Il possède un très bon pied gauche. Je pense qu'Ederson (gardien de Manchester City) et lui ont les meilleurs pieds gauches du Championnat quand on compare les portiers. Après, il n'est pas encore au niveau du gardien brésilien. Ce qui m'impressionne le plus chez lui, c'est son calme et sa sérénité. Dans ces domaines-là, il me rappelle un peu Petr Cech. D'ailleurs, si je devais faire un mélange en mettant la barre très haute, je dirais qu'il est proche de la lecture de jeu à la Cech, d'un jeu au pied à la Ederson et la vitesse pour aller au sol de Courtois. Si on mélange le tout, on n'est pas loin d'avoir le meilleur gardien du monde.»

Paul Giffard