Le Sénégalais Augustin Senghor (ici à Thiès, à l'est de Dakar, le 22 novembre) est candidat à la présidence de la Confédération africaine de football. (B. Papon/L'Equipe)

Pour Augustin Senghor, candidat sénégalais à la présidence de la CAF, l'instance africaine est « à un tournant »

Patron de la Fédération sénégalaise de football (FSF), Augustin Senghor est l'un des quatre candidats à la présidence de la CAF, dont l'élection est prévue en mars. Après la suspension d'Ahmad Ahmad, il dit souhaiter une refonte de la gouvernance de l'instance africaine.

Suspendu cinq ans, le 23 novembre, par la commission d'éthique de la FIFA, Ahmad Ahmad, le président sortant, a vu se boucher la route d'un deuxième mandat à la tête de la Confédération africaine de football (CAF). Le Malgache, qui avait élu en mars 2017, a annoncé faire appel de sa sanction devant le Tribunal arbitral du Sport (TAS).

En attendant, l'intérim est assuré par le Congolais Constant Omari, vice-président de la CAF, et quatre prétendants ont déposé leur candidature à l'élection qui se déroulera le 12 mars prochain, à Rabat (Maroc) : l'Ivoirien Jacques Anouma, le milliardaire sud-africain Patrice Motsepe, le Mauritanien Ahmed Yahya et le Sénégalais Augustin Senghor.

Neveu de l'ex-chef d'État et écrivain Léopold Sédar Senghor (décédé en 2001), Augustin Senghor dirige la Fédération sénégalaise de football (FSF) depuis 2009. Cet avocat, également maire de Gorée, a déposé sa candidature à la date limite, mi-novembre, en anticipant le sort réservé à Ahmad, dont il est parfois présenté comme un « plan B ». Senghor (56 ans) s'explique sur sa candidature et la situation tourmentée de l'instance africaine.

« Le président de la CAF, Ahmad Ahmad, a été suspendu cinq ans pour des manquements à l'éthique, dont des détournements de fonds. Votre instance est-elle malade ?
Il y a des difficultés, ce serait démagogique de ne pas le reconnaître. Mais c'est un problème également structurel. Il y a beaucoup de choses à revoir au niveau de notre organisation. La FIFA a connu cette étape et elle a appris à se remettre en cause. À notre tour de le faire.

Le non-renouvellement (fin janvier) par la CAF du mandat de la secrétaire générale de la FIFA, Fatma Samoura, qui était déléguée générale pour l'Afrique, est-il à l'origine des frictions entre Ahmad et l'instance mondiale ?
Je ne peux pas le confirmer et je suis tenu par un devoir de réserve. La question, aujourd'hui, c'est de savoir comment être en phase avec les nouveaux modèles de gestion, hérités de l'après-2015 (référence au scandale de corruption du FIFAgate). Tous les dirigeants du football mondial sont justiciables. Il faut s'inscrire dans une logique rigoureuse de management et de gouvernance. À la CAF, la plupart des problèmes viennent du fait qu'on n'a pas su faire les mutations à temps. Il y a des décalages, sans vouloir dire qu'il y a une volonté réelle de commettre des infractions...

« Je ne suis pas un plan A, B ou C. Moi, je suis pro-CAF »

Augustin Senghor, qui vise la succession d'Ahmad Ahmad à la tête de l'instance africaine.

Ces discours de bonne volonté ont déjà été entendus. Qu'est-ce qui pourrait faire enfin croire à un changement ?
Rien, mais il faut mettre les gens à l'épreuve. C'est pour ça que j'ai décidé de me lancer. La CAF est à un tournant. Si nous vivons quatre années aussi difficiles que les précédentes, ce sera la mort du football en Afrique.

Vous êtes parfois présenté comme un "plan B" derrière Ahmad. Revendiquez-vous son héritage ? 
Je ne suis pas un plan A, B ou C. Moi, je suis pro-CAF. Je remplis les critères pour être candidat et je l'ai été en parfaite intelligence avec Ahmad et certains de mes pairs. Je veux mettre mes compétences au service d'une Confédération qui a besoin de tous ses fils pour se relancer. J'ai onze ans d'expérience auprès de la FIFA et de la CAF (dont il est membre du comité exécutif, depuis 2018, et président de la commission juridique). Et si le président Ahmad a eu confiance en moi, c'est qu'il m'a trouvé des qualités pour redresser de l'intérieur ce qui pouvait l'être.

« Quand j'ai décidé de me présenter, j'ai appelé Infantino, comme certains de ses collaborateurs, et on a échang?

Que vous a dit Gianni Infantino, le président de la FIFA ? 
Je le respecte beaucoup. Quand j'ai décidé de me présenter, je l'ai appelé, comme certains de ses collaborateurs, et on a échangé. Je n'ai pas à déflorer notre conversation mais pour l'essentiel, Infantino tient le même discours à tous les candidats : il s'agit d'une élection de la CAF, pas de la FIFA. Même si le président élu sera vice-président de la Fédération internationale.

Êtes-vous favorable à la tenue de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) tous les quatre ans, comme l'a suggéré Infantino début février ?
Le débat mérite d'être posé. Mais supprimer la fréquence d'une CAN tous les deux ans, ça pourrait laisser un vide qui pousserait davantage de nos joueurs sans visibilité internationale à émigrer. Si on veut développer le football africain, ça doit d'abord se faire ici. Et n'oublions pas que la CAN est la principale source de revenus de la CAF. Si on la programme tous les quatre ans, comment trouver les palliatifs pour assurer sa survie financière, afin qu'elle ne soit pas trop financièrement dépendante de la FIFA ?

Infantino a également évoqué, il y a un an, la création d'une « Ligue africaine » avec les vingt meilleurs clubs du continent. Qu'en pensez-vous ?
La FIFA et ses Confédérations ont le souci de générer beaucoup plus de ressources. Si je suis élu président, je prendrai le soin d'étudier toutes ces propositions. Gianni Infantino a de bonnes intentions mais on doit écouter les Fédérations africaines et les dirigeants de clubs. Il faut prendre du temps pour absorber les projets évoqués. Ils doivent être envisagés à moyen ou long terme, sinon, on va construire sur du sable mouvant et tôt ou tard, tout va s'écrouler. Je ne pense pas que ce soit la vocation de la FIFA, ou de l'UEFA, de se substituer aux dirigeants africains pour faire ce travail. Nous devons assumer notre propre développement. »