cacapa (claudio) juninho laigle (pierre) coupet (gregory) (LUTTIAU/L'Equipe)

Rétro : Quand Lyon et Lens se défiaient pour le titre de champion de France

Candidats à l'Europe, Lens et Lyon s'affrontent ce samedi en Ligue 1. L'occasion pour FF de remonter le temps, avec les acteurs de l'époque, jusqu'au plus célèbre affrontement entre les deux clubs, le fameux 4 mai 2002.

Les médias n’ont que ces mots-là à la bouche : «Lyon ou Lens ?» Cette saison 2001-02, Gones et Sang et Or se disputent le titre de ce que l’on appelle encore la D1. Le calendrier a sans doute tout prévu, le fruit du hasard faisant parfois bien les choses. Dès la première journée de Championnat, Lens, lauréat en 1998 et qui sort d’un exercice décevant (14e), reçoit l’OL, qui vient d’enchaîner trois podiums dans l’élite (deux fois 3e et une fois 2e la saison précédente). A Bollaert, les hommes de Joël Muller disposent de ceux de Jacques Santini, 2-0.  

Après une saison pleine, les deux formations se retrouvent lors de la 34e et ultime journée, à Gerland. En jeu, le titre de champion de France. Un deuxième potentiel pour Lens, le tout premier dans le viseur de Lyon. «On avait déjà allumé un peu la mèche avec la Coupe de la Ligue l’année d’avant (victoire 2-1 contre Monaco, a.p.), rembobine Philippe Violeau, milieu défensif de l’OL. On se disait que sur des événements forts et à l’instant T, on pouvait le faire.»

«On se disait que sur des événements forts et à l'instant T, on pouvait le faire.»

Dans l’histoire de la Division 1, jamais les deux premiers ne s’étaient affrontés pour le gain du titre lors de la dernière journée. Les Nordistes, premiers avec un point d’avance sur leurs adversaires du jour, n'ont besoin que d’un nul pour être sacrés. Avec sa défense à cinq (la deuxième plus solide de la division), le Racing a tous les arguments pour obtenir ce résultat. Mais ce déplacement dans le Rhône n'a rien de normal. «Je sais que Guillaume (Warmuz) a dit que notre semaine de préparation était catastrophique. Personnellement, je n’en ai pas le souvenir. Mais lors de notre victoire à domicile contre Guingamp (4-1, 33e journée), on se dit vraiment qu’on va être champions. Puis Lyon va gagner à Bordeaux (1-0) et là, on sait qu’on doit faire un résultat là-bas», se souvient Jean-Guy Wallemme, défenseur central du RCL. Du côté de l’OL, on ne déroge pas aux habitudes avant ce choc, «pour ne pas surfaire l’événement» précise Philippe Violeau. Une mise au vert habituelle dans le Beaujolais la veille du match… Rien ne change ou presque. «On a tout de même vécu une semaine exceptionnelle. Beaucoup de supporters venaient aux entraînements chaque jour. La pression était là, mais elle était tellement positive qu’on le vivait très bien», affirme Violeau. Et de continuer : «Dans nos têtes, il n’y avait pas d’autres issues que la victoire.»

De quoi surmotiver les supporters rhodaniens, massivement présents dans la ville, notamment place Bellecour et à Gerland, plein à craquer avec près de 40 000 spectateurs. «L’arrivée au stade a été surprenante, impressionnante. Il fallait que le bus se fraient un passage dans la foule. Tout le monde nous acclamait déjà comme si on était champions», s’extasie encore celui qui formait un duo dans l’entrejeu lyonnais avec David Linarès. Un contexte incandescent dans lequel les Gones «étaient remontés mais relativement sereins», qui a sans doute modifié quelques paramètres selon Jean-Guy Wallemme : «On avait l’habitude de jouer devant autant de monde, donc ça ne nous a pas perturbés. Mais eux, en revanche, ça les a sublimés.»

«Je sais que Guillaume (Warmuz) a dit que notre semaine de préparation était catastrophique.»

Gerland plein comme un oeuf

Lyon champion avant même le coup d’envoi. L’assertion paraît présomptueuse. Pas tant que cela au regard de signes avant-coureurs. Le plus cocasse, un lapsus d’un fan lensois au micro de Canal+. A la question «quel sera le score à la fin du match ?», ce dernier répond «2-1 pour Lyon» avant de se rattraper après la réaction du journaliste. Blague à part, c’est principalement la dynamique des deux équipes qui donne une tendance assez nette. «Dix journées avant la fin, le président Aulas nous a dit : "Il faut croire que tout est possible." On était en phase ascendante et Lens, à l’inverse, doutait», se souvient Philippe Violeau. Sur ses cinq précédents matches, Lyon avait empoché trois victoires (pour un nul et une défaite), alors que Lens traînait la patte. «On peut avoir quelques regrets sur ce match, mais c’est plutôt avant en fait, déplore Jean-Guy Wallemme. On un avantage de points non négligeable et on fait beaucoup de nuls et eux gagnent.» Le Racing ne remportait ainsi qu’une seule victoire sur cinq journées (deux défaites et deux nuls). 

«Sur ce duel, on n’a pas été assez bons collectivement et dans l’efficacité pour relever le challenge. On a fait trop d’erreurs», estime Wallemme. A l’instar de cette action où Daniel Moreira touche une fois de trop son ballon et ajoute un retour salvateur sur le compte de Jérémie Bréchet. 

«On avait l'habitude de jouer devant autant de monde, donc ça ne nous a pas perturbés. Mais eux, en revanche, ça les a sublimés.»

Chambré lors de la classique reconnaissance du terrain par El-Hadji Diouf, les supporters lyonnais manifestent leur soutien à leur équipe, au point de faire «vibrer les murs» de Gerland jusque dans les vestiaires, comme le confiait David Linarès dans un documentaire de Canal+. A l’entrée des acteurs sur la pelouse, tifos et fumigènes envahissent les gradins donnant un air de brasier à l’enceinte, que Sidney Govou ne tarde pas à faire exploser. «Cette entame de match nous a fait mal», se remémore le numéro 8 lensois. Govou, qui étourdit Adama Coulibaly d’un contrôle orienté pied gauche, résiste au retour du Malien avant de frapper au but. Guillaume Warmuz glisse et ne peut pas allonger son mètre 87 pour sortir la tentative de l’international Espoirs (1-0, 8e). Le pire scénario pour des Lensois qui ne tardent pas à encaisser un deuxième but. A la réception d’un centre de Pierre Laigle, Philippe Violeau, reprend de volée le ballon d’un improbable extérieur du pied droit (2-0, 14e), son quatrième but de la saison en D1. «Je ne marquais pas beaucoup de but, mais ce jour-là les circonstances ont fait que. A événement exceptionnel, performance exceptionnelle. Et si on revoit le but, je pourrais répéter cent fois ce geste, je ne la mettrai jamais cette balle», sourit le buteur.  

Du grand Coupet

Une «immense joie mesurée puisqu’il restait encore du temps», que les Sang et Or vont refroidir grâce à la réduction du score de Jacek Bak, transfuge de la capitale des Gaules pour la cité minière à l’hiver 2002, dont la frappe est déviée par Jérémie Bréchet (2-1, 26e). En seconde période, Lyon prend définitivement l’avantage par Pierre Laigle, bien aidé par un malheureux Jean-Guy Wallemme : «J’ai marqué un but ce soir-là», plaisante le coach de Fréjus-Saint-Raphaël. Car son intervention a finalement causé du tort au Racing. «On joue mal le coup côté gauche et on perd le ballon. Juninho renverse sur Pierre (Laigle), et comme je connais sa frappe, je me dis que je vais tacler pour le contrer. Derrière, je dévie la balle et ça lobbe Guillaume (Warmuz). C’est le foot. Mais ce troisième but nous fait mal parce qu’on revenait un peu dans le match», souffle l’ancien défenseur de Saint-Etienne, qui reconnaît qu’il aurait éprouvé un certain plaisir, en tant qu’ancien Vert, à empêcher Lyon d’enlever le titre. 
 
C’est d’ailleurs un ex de Geoffroy-Guichard qui bloque Lens dans ses temps forts. Grégory Coupet stoppant plusieurs tentatives des artificiers nordistes. Les poulains de Joël Muller reprennent le dessus dans la partie, jouent mieux, en étant menés au score et croient fortement en leur chance de renverser la vapeur, comme l’admettait Jocelyn Blanchard dans le documentaire de la chaîne cryptée. Jean-Guy Wallemme conserve notamment une image en tête : «A 2-1, on a une situation de un contre un où l’on peut revenir mais on joue mal le coup. Ça aurait forcément tout changé.» Mais Grégory Coupet a coché ce 4 mai 2002 pour signer une solide prestation. Le portier a été l’un des grands artisans en claquant des parades importantes.

«Sur ce duel, on n'a pas été assez bons collectivement et dans l'efficacité pour relever le challenge. On a fait trop d'erreurs »

A contrario d’un OL qui a réalisé le match adéquat pour décrocher le premier titre de champion de France de son histoire, dans une allégresse particulièrement marquante pour Philippe Violeau : «On a dû passer une heure et demie sur la pelouse, il y avait de l’euphorie dans le vestiaire, du monde de partout. Rien que d’en reparler;, ça me redonne les frissons. Pourtant j’ai été champion de France avec Auxerre (1996 et 2005), mais ce titre-là, dans ce contexte et ces conditions… C’est une chose que je souhaite à tout le monde de vivre.» Si Jean-Guy Wallemme concède que l’effectif rhodanien était sur le papier supérieur au nordiste, il ne cache pas sa déception eu égard du dénouement de la saison : «Aller aussi loin pour ça… » Après tout, avant ce trente-quatrième rendez-vous de D1, Lens avait passé 28 journées en tête. Lyon, seulement une.

Florent Larios