Cazarre (D.R)

À lire dans France Football, le dernier tacle de Julien Cazarre : «Snif...»

Comme chaque semaine, Julien Cazarre glisse son tacle à retardement dans France Football. Il revient cette fois sur le décès de Diego Maradona et l'exemple donné aux plus jeunes.

On redoutait ce jour, même si on le pensait moins proche... Et puis voilà. On a vécu cette fin mille fois dans nos têtes, comme un match pour lequel on n'arrive pas à imaginer une issue heureuse. Diego a passé la larme à gauche, a le cœur à gauche, le pied à gauche... Un vrai gaucho. Dans un premier temps, je me suis dit que c'était terrible et puis, comme les fans de rockstars, je me suis demandé si j'avais vraiment envie de le voir vieillir. C'est bizarre, chelou, égoïste et improbable mais je veux garder l'image de celui qui zigzaguait entre les coups de hachoir des Camerounais et qui plaçait la balle dans les lucarnes comme on dépose un bouquet... Pas celle où il danse comme un pensionnaire d'Ehpad attendant sa soupe aux vermicelles. Diego a tout simplement décidé de se tirer de ce monde bizarre qui a inventé un appareil technologique empêchant à tout jamais qu'on mette un autre but aux Anglais de la main droite.

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Quoi ? Un foot sans public ? Sans ambiance ? Sans fragilité, ni humanité ? Sans roublardise ? Non, vous êtes sérieux les gars ? Vous vouliez vraiment retenir Diego dans un endroit pareil ? Franchement, amigo t'as bien fait de faire tes valoches et de te barrer tant que t'avais encore des miles. Aujourd'hui, tu peux pas entrer sur le terrain si on t'a pas mis avant un coton-tige dans le pif de la taille d'une banderille de corrida... J'ose même pas imaginer ce qu'ils auraient pu trouver dans le tien. «Ah ben bravo, il est beau l'exemple pour la jeunesse !» Ça, c'est le genre de tartufferie qu'on a dû se fader alors que t'étais pas encore froid.

Ben oui, c'est vrai, Bernard éducateur, il va expliquer quoi à ses mômes ? Que Maradona était un génie, pour qu'ils deviennent comme lui ? Écoute-moi bien, Bernard. J'en ai vu des gosses dribbler entre les poubelles se prenant pour Diego, j'en ai vu des minots refaire tous ses buts, même celui de la main dans des terrains vagues (oui, le domaine de père et mère avait une vue – si on sortait une belle paire de jumelles d'opéra – sur la cité qui jouxtait la résidence). J'en ai aperçu du mioche qui se laissait pousser les boucles pour être El Pibe du quartier.

En revanche, j'ai pas souvenir d'un gosse qui m'ait sorti : «Oh tonton, il est génial Maradona, tu crois que plus tard moi aussi je pourrai prendre de la coke, faire un infarc' à 50 ans, avoir la dégaine d'un centenaire à 60 et mourir avant d'avoir vu grandir mes petits-enfants ? Hein, tu crois que je pourrai ?» Tu vois, Bernard, les icônes, les stars, les artistes et les virtuoses sont là pour nous faire rêver, nous émouvoir, nous heurter, nous exaspérer, nous faire pleurer et nous bousculer mais surtout pas pour nous éduquer. Moi, quand j'étais gosse, je m'endormais avec le Panini de Maradona (pas avec celui de Payet, il y a trop de sauce samouraï dedans). Il accompagnait toutes mes nuits et j'ai pourtant jamais fumé un pétard ni voté Chavez... Allez Bernard, pose ton martinet et pleure avec nous, ou un jour tu pleureras de ne pas l'avoir fait.

Julien Cazarre

Un foot sans public, sans fragilité, sans roublardise, ni humanité ? Les gars, vous vouliez vraiment retenir Diego dans un endroit pareil ?