morel (jeremy) (P.Lahalle/L'Equipe)

Jérémy Morel (FC Lorient) : «On ne s'en sortira que par le jeu»

En grande difficulté sur la première partie de saison, le FC Lorient n'a pas renié son envie de jouer et se retrouve aujourd'hui en bonne position pour décrocher son maintien. De retour dans le Morbihan l'été dernier, Jérémy Morel s'est livré sur les progrès des Merlus cette saison, à l'approche d'une rencontre décisive contre son ancien club, l'OL.

«Jérémy, entre les résultats initaux, la lutte pour le maintien, la situation sanitaire et l’absence de public, est-ce que vous diriez que c’est la saison la plus compliquée de votre carrière ?
C’est une saison paradoxale au vu de la première partie qu’on a réalisé et la seconde qu’on est en train d’effectuer. Peut-être pas la plus compliquée, mais en tout cas une des moins évidentes. On remonte en Ligue 1 sans le kiff des matches à enjeu avec le public. C’est sûr qu’on aurait eu besoin d’un coup de pouce de nos supporters sur pas mal de matches. Avec le Covid, on a quand même eu de la chance dans notre malheur. Parce qu’en ayant beaucoup de cas d’un coup nos matches ont été reportés. C’est vrai que ce n’est pas une saison simple.
 
Est-ce que ce contexte ne va pas donner encore plus de valeur au maintien ?
Complètement. Au final, l’équipe a une force mentale qu’on ne soupçonnait pas en début de saison. En tout cas pas autant. Partir de là où on était en janvier (NDLR : Lorient était 19e avec 12 points à la mi-saison) pour arriver là où on est aujourd’hui, c’est très bien. Et ce sera parfait quand le maintien sera assuré.

Aujourd’hui vous comptez 38 points et occupez la 17e place : qu’est ce qui explique cette superbe deuxième partie de saison ?
Je pense qu’on n’a jamais lâché sur le terrain. On a eu des moments où on n’a pas forcément été chanceux dans les deux surfaces. La chance se provoque mais disons qu’on payait cash les moindres petites erreurs. De l’autre côté, il nous fallait plein d’occasions pour en mettre une dedans. On sentait que les matches se jouaient à pas grand-chose, mais toujours en notre défaveur. On a eu le mérite de ne pas avoir lâché à ce moment-là. Et ça a fini par tourner. Aujourd’hui, la spirale est positive et c’est mieux dans ce sens-là. Surtout quand on arrive sur la fin de saison.
 
C’est vraiment ce brin de réussite qui explique ce changement de dynamique ?
On ne peut pas dire que ce n’était qu’un problème de réussite. C’est vrai aussi qu’on manquait de confiance en début de saison à force de ne pas gagner de match. On ne faisait pas ce qu’il fallait sur le terrain. La confiance, tu la perds vite. Et pour la retrouver, c’est long, très long. Ça s’est fait au fil des matches.

«Les regrets, on pourra en avoir seulement si on ne se maintient pas.»

Ça vous laisse des regrets sur certains matches de début de saison ?
On pourrait en avoir mais je ne fonctionne pas comme ça. Les matches sont derrière nous, on sait qu’on a déconné sur certains et que sur d’autres, on a juste joué contre des équipes supérieures. Les regrets, on pourra en avoir seulement si on ne se maintient pas. Sinon on n’en finit jamais.
 
Avec un peu de recul, est-ce qu’il y a un moment-clé à retenir de votre saison ?
Si je devais garder un match qui nous fait nous dire qu’on était capable de faire de bonnes choses, c’est celui à Nice au mois de décembre (2-2 le 23 décembre). L’équipe adverse a deux petites occasions et nous plante deux buts. On se retrouve menés 2-0 à la mi-temps. Et malgré la position dans laquelle on était à l’époque, on arrive à revenir à 2-2. En plus de ça, on aurait même pu et on aurait dû le gagner. On a pu s’appuyer sur ce qu’on a fait de bien. Ça n’a pas tourné tout de suite mais on a poursuivi dans cette voie. C’est certainement le match charnière de notre saison.

Depuis plusieurs mois, on voit beaucoup de jeunes joueurs s’épanouir dans l’équipe. Vous sentiez ce potentiel en début de saison ?
Le potentiel était là dès le début. Avec des joueurs comme ça, il ne faut pas grand-chose pour que ça se débloque. Ils tentent constamment donc quand ça ne tourne pas en leur faveur, la confiance peut s’effriter. En début de saison, on voyait très bien qu’ils avaient envie d’y aller et qu’ils étaient confiants. C’est simplement qu’on n’a pas réussi à nous mettre en place collectivement. Pour les gens de l’extérieur c’est peut-être surprenant de les voir à ce niveau-là. Pas pour nous.
 
C’est la principale différence entre le Lorient de début de saison et celui de maintenant ?
Oui et ça se voit d’autant plus que ce sont des éléments offensifs. A partir du moment où ils sont en pleine confiance, ils marquent plus donc nos adversaires sont plus sous pression. Forcément ça fait la différence. Les joueurs de ce talent peuvent te faire tourner un match tout seuls.

«C'est dans ces moments que tu apprends le plus en tant que sportif et en tant qu'homme. Si c'était facile, on s'embêterait.»

Il y a eu des moments où il a fallu les garder concernés ?
Le processus a été long. Quand tu n’es plus en confiance et que tu as l’impression que ce que tu fais ne sert à rien, c’est compliqué… Tu fais le travail, les efforts et au final tu n’es pas récompensé. Il a fallu retravailler les fondamentaux pour que ça puisse revenir. C’est dans ces moments que tu apprends le plus en tant que sportif et en tant qu’homme. Si c’était facile, on s’embêterait. On insiste sur le besoin d’être le plus rigoureux possible au quotidien. Si tu l’es la semaine, indéniablement tu le seras le weekend. Après je n’ai pas de conseils à leur donner, ils savent ce qu’ils ont à faire.
 
De l’autre côté du terrain, l’équipe est très friable défensivement depuis le début de saison. Est-ce que ça s’explique par les très nombreux changements de système ?
Ça peut. On cherchait le dispositif qui pouvait nous convenir le mieux. Reste à arriver à le mettre en place. On en revient toujours à la même chose, quand la confiance est là tout est plus simple. Mais c’est l’affaire de tout le monde. On sait qu’on ne peut pas se permettre qu’il y ait un, deux ou trois joueurs qui en fassent moins. Si c’est le cas, on va très vite replonger.
 
On image la frustration pour un défenseur de prendre autant de buts…
C’est chiant. Très chiant. En tant que défenseurs, on essaye de faire le maximum et pourtant, les buts, on les prend. On sait très bien que, quand on encaisse autant, on a l’impression que c’est la faute des défenseurs. Et quand on marque, c’est grâce aux attaquants. Mais c’est une affaire collective. Quand tout le monde est bien placé et joue son rôle, c’est plus facile pour nos attaquants. A l’inverse, quand tout le monde travaille ensemble, c’est aussi plus simple pour nous. On a tous eu notre rôle à jouer et on l’aura jusqu’à la fin.

Ça faisait un moment que vous n’aviez plus connu une saison à jouer le maintien. Il a fallu réadapter l’état d’esprit ?
Les objectifs sont différents mais ça reste des objectifs avec une pression derrière. Ces dernières années, j’ai eu l’habitude de jouer dans le haut de tableau et d’avoir l’obligation de gagner pour décrocher une place européenne. Mais ici, même si on ne vise pas l’Europe, on est obligés d’aller chercher des résultats pour le maintien. Il y a autant de pression.

«Le maintien, c'est notre coupe d'Europe»

Il y a autant de pression mais est-ce qu’il y a autant de plaisir ?
Le plaisir est lié aux résultats. Quand ils ne sont pas là c’est difficile. C’est vrai qu’en première partie de saison, le plaisir était compliqué à trouver. Autant sur cette deuxième moitié, il y a beaucoup plus de plaisir à faire les efforts. Tout le monde se bat les uns pour les autres. Ici, on savait qu’on allait jouer notre survie. Le maintien, c’est notre coupe d’Europe. On a envie de continuer et de jouer ces gros matches. C’est kiffant de pouvoir se battre les uns pour les autres.
 
Entre vous et des clubs comme Brest, vous montrez que l’on peut se maintenir en étant joueur et ambitieux. Est-ce que cette volonté de jouer a été un élément clé pour vous convaincre de revenir ici ?
En partie oui. Et puis il faut jouer avec les qualités de son groupe. On a des joueurs capables de jouer comme ça. C’est pour ça qu’on est capables d’embêter beaucoup d’équipes. C’est là où on excelle, mieux vaut nous appuyer sur nos points forts. On ne s’en sortira que par le jeu.

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Est-ce que cette façon de jouer n’est pas la meilleure manière pour trouver du plaisir en jouant le maintien, même dans les moments difficiles ?
Forcément. Je ne prends pas de plaisir en courant derrière le ballon et en balançant devant en espérant que l’attaquant fasse un miracle. Comme la plupart des joueurs de l’effectif, je pense que c’est bien mieux de jouer le maintien en proposant du football, en combinant. C’est plus plaisant. Et puis c’est notre force donc on se sent plus à l’aise comme ça. Le plaisir vient plus simplement.
 
Samedi, vous jouez un Lyon très amoindri par les blessures et les suspensions. Est-ce que cette opportunité va vous faire changer d’approche ?
A notre niveau, on ne peut pas se laisser diriger par les éventuelles absences chez nos adversaires. Le moindre relâchement serait fatal. Il va falloir attaquer la rencontre avec la même détermination que depuis le début. On ne peut pas se permettre de lâcher des points. On sait que ce sera compliqué mais il faudra les jouer avec nos armes.
 
On imagine que ça ne vous dérangera pas de priver votre ancien club de C1.
(Rires) Ah ça, c’est chacun son problème ! On a le maintien à aller chercher, eux la Ligue des champions. Si on peut se maintenir sur ce match, tant pis pour eux.»