gastien (pascal) (A.Martin/L'Equipe)

Portrait : Pascal Gastien (Clermont Foot), le jeu avant le je

Pascal Gastien, l'entraîneur de Clermont promu en Ligue 1, n'a jamais recherché la lumière. Mais celle-ci vient de la façon dont joue son équipe.

«Je vous parle d'un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître...» On connaît la chanson. Ce que l'on sait moins, c'est que Pascal Gastien - le joueur, milieu de terrain aussi technique que défensif - pensait déjà devenir entraîneur avant même de briller avec Niort (montée en D1 en 1988), puis une saison avec l'OM (1988-89) où Bernard Tapie, sous le charme, l'avait engagé malgré une fracture de la jambe. Gastien, natif de Rochefort, explique : «J'ai commencé à passer mes diplômes, mon BE1 à vingt ans. JE voulais être prof de gym dès mon entrée au Sport Etudes d'Angoulême avec Monsieur Latapie (1). Avec lui, j'ai pensé devenir entraîneur. Je ne pensais pas faire une carrière pro. J'ai toujours eu envie de transmettre, de partager.»
Une bonne quarantaine d'années plus tard, après des expériences très réussies à Niort (montée en National puis en L2 deux ans plus tard) où il fut directeur de la formation de 2000 à 2009, puis coach principal de 2009 à 2014 et un peu moins à Châteauroux (2014-15), que disent les observateurs de Clermont et donc de celui qui a pris la charge de sa formation (2016) avant de succéder sur le banc à Corinne Diacre en septembre 2017 ?

«C'est la vision de Gastien : le jeu et la beauté du jeu»

Hervé Mathoux (présentateur du Canal Football Club) : «Je connais beaucoup de scouts pour les clubs de L1. Ils disent tous que c'est le meilleur jeu de L2. Je pense que la qualité collective de l'équipe est supérieure à un bon tiers des équipes de L1.»
Jean-Marc Furlan (entraîneur d'Auxerre) : «La philosophie de Clermont, c'est un jeu de passes, de possession. Ces équipes-là sont plutôt rares et en marge des autres. Et c'était déjà comme ça aux Chamois Niortais avec Pascal Gastien.»
Philippe Hinschberger (actuel entraîneur de Grenoble, qui fut le coach de Niort quand Gastien en était le directeur de la formation) : «C'est une équipe complète sur le plan de l'utilisation du ballon. A sa traditionnelle possession de balle, elle a ajouté cette saison un jeu vertical ébouriffant et explosif.»
Jérôme Champagne (conseiller d'Ahmet Schaefer, le président de Clermont) : «On est dans la continuité de la saison précédente: Troisième attaque, meilleure défense - la cinquième en Europe - meilleure différence de buts et premier au classement du fair-play. C'est la vision de Gastien : le jeu et la beauté du jeu.»

Pascal Gastien, en 2005, alors à Niort. (DELORME/L'Equipe)

Fermez le ban. Gamin, le Charentais était un fan de l'Ajax et du Bayern puis, adulte, du Barça et il faut croire qu'il a fait siens quelques adages, évidences visionnaires, de Johan Cruyff : «La qualité sans le résultat, c'est inutile ; le résultat sans la qualité c'est ennuyeux.» Ou encore : «Si nous avons le ballon, les autres ne peuvent pas marquer.» Gastien a toujours été un apôtre du beau jeu. C'est avec lui qu'il avait été élu meilleur entraîneur aux Trophées UNFP en 2019 et qu'il l'est redevenu en 2021, montée inédite du club en L1 à la clé. Et d'expliquer : «Ce qui m'a amené à faire jouer comme on joue, c'est le Niort entrainé par Patrick Parizon quand j'y étais joueur et M. Latapie au Sport Etudes d'Angoulême. Les deux privilégiaient toujours la qualité des déplacements, l'intelligence dans le jeu.»

«La qualité sans le résultat, c'est inutile ; le résultat sans la qualité c'est ennuyeux.»

L'homme ? Jean-François Laurent, qui fut l'un de ses recruteurs régionaux à Niort le dit «toujours à l'écoute tout en sachant conserver son autorité. Une main de fer dans un gant de velours». «C'est le feu et la glace, reprend Hinschberger. Je me demande s'il n'est pas devenu plus excité que moi sur le banc ?» L'intéressé, lui, explique sereinement qu'il «pose les règles de base du groupe qui sont immuables. Je suis intransigeant là-dessus. Comme tous les entraîneurs, j'imagine. Après, dans les règles, que ce soit pour les joueurs ou le staff, je leur laisse prendre leurs responsabilités. Je fais entièrement confiance aux gens. Après, il ne faut pas me trahir. Quand c'est fini, c'est fini.» Et d'ajouter : «Mais il faut en faire pas mal...» Jérôme Champagne reprend : «Je ne dis pas ça parce que je suis dirigeant mais c'est quelqu'un de très attachant, de conviction, d'une grande intelligence humaine, d'une grande sensibilité. J'ai beaucoup de respect. C'est quelqu'un qui a une vraie vision de ce que doit être un club, et une vraie loyauté.» Et le conseiller du président de sortir un numéro de FF : «J'ai sous les yeux un exemplaire de France Football où son fils Johan (NDLR : l'un des meilleurs joueurs de la saison) lui avait écrit une lettre en 2018 : "Tu mérites plus de reconnaissance. Tu aurais ta place en L1. Mais je te connais : ce que tu aimes le plus, c'est former des jeunes. Tu pourrais dire non à une bonne proposition dans l'élite et rester à Clermont parce que le club t'a permis de reprendre du service et que tu es loyal. Tu préfères rester dans l'ombre. Mais tu mérites davantage de lumière. Et là, c'est à l'entraîneur que je parle. Ce que tu fais avec Clermont, c'est beau, c'est fort." Pour avoir suivi la plupart des matches de Clermont à domicile comme à l'extérieur, je peux vous dire que ce qu'a écrit Johan est vrai à 200%. C'est beau et fort.»

Confiance, méfiance et reconnaissance

Et c'est par ce jeu que Pascal Gastien a séduit les nouveaux arrivants de Suisse - la future présidence - il y a un peu plus de deux ans. Champagne confesse : «A l'époque, on est venus plusieurs fois observer l'équipe clandestinement et on a été tout de suite frappés par la qualité du jeu proposé, par le rôle de Pascal dans la création du centre de formation. Ce fut un coup de foudre footballistique. On a été séduit par le jeu avant de l'être par l'homme.»

«C'est quelqu'un de très attachant, de conviction, d'une grande intelligence humaine, d'une grande sensibilité. J'ai beaucoup de respect. C'est quelqu'un qui a une vraie vision de ce que doit être un club, et une vraie loyauté.»

Pierre angulaire d'un projet plus global qui consiste aussi à former de jeunes joueurs dans ses préceptes dès les premières tranches d'âges, Gastien jouit donc d'une vraie liberté, dans un budget déterminé loin d'être délirant (11M€ en 2020-21, onzième budget de L2). Ses dirigeants ont ainsi répondu à l'une de ses demandes qui était de se doter d'un analyste vidéo et d'un analyste de la performance. Gastien a aussi confiance dans la modernité. Enfin, en cours de saison, ses dirigeants lui avaient demandé s'il souhaitait des renforts. Il avait répondu non. Et la montée fut au bout du chemin. La confiance, c'est la base. Et c'est peu dire et écrire que Gastien en inspire.

Jean-Marie Lanoë

(1) A la section sports-études d'Angoulême, Latapie a formé outre Pascal Gastien et entre autres, Lionel Charbonnier (Auxerre), Fabrice Poulain (Monaco), Eric Guérit (Nice, Bordeaux dont il est membre de la cellule de recrutement), Eric Delétang (Monaco), et Nicolas Bastère (Toulouse, Cannes).