Soccer Football - Twelve of Europe's top football clubs launch a breakaway Super League - Liverpool, Britain - April 21, 2021 People walk past anti Super League banners outside Anfield as twelve of Europe's top football clubs launch a breakaway REUTERS/Phil Noble (Reuters)

Super Ligue : Les premiers constats et les premières questions après le fiasco

Le projet n'est pas (encore) mort, mais les secousses vécues mardi par la Super Ligue et ses douze membres posent certaines questions et amènent des premiers constats. FF.fr fait le point autour de neuf thèmes.

La Super Ligue n'est pas (encore) morte
Il s'est fait attendre, mais il a fini par arriver en début de nuit de mardi à mercredi : alors que six clubs anglais avaient déserté en l'espace de même pas quatre heures, la Super Ligue publiait enfin un communiqué peu avant deux heures du matin. Avec le constat que les clubs de Premier League ont cédé sous une certaine pression et que le projet devait être amené à être remodelé. De son côté, membre important du lancement de cette Super Ligue avec Andrea Agnelli, la Juventus a expliqué, ce mercredi, qu'elle reste «convaincue de la solidité des locaux sportifs, commerciaux et juridiques du projet» mais qu'à l'heure actuelle, «il y a peu de chances que le projet soit réalisé sous la forme initialement conçue». Tout en précisant qu'Andrea Agnelli a lui même avoué qu'il n'y croyait pas. Reste que le FC Barcelone et le Real Madrid sont toujours officiellement engagés et qu'il serait certainement utopique d'imaginer que ces clubs vont en rester là dans leurs envies de Super Ligue.
 
Quelle suite et quelle fin pour la Ligue des champions 2020-21 ?
Mine de rien, dans moins d'une semaine, à Santiago-Bernabeu (et à moins de sanctions directes qui paraissent aujourd'hui bien improbables), le Real Madrid reçoit Chelsea en demi-finale aller de la Ligue des champions. Avant que, le lendemain, le Paris Saint-Germain ne reçoive Manchester City. Avec, donc trois clubs de la Super Ligue engagés encore dans cette C1. Si on imagine certainement les joueurs rapidement concentrés pour aller soulever la coupe aux grandes oreilles à Istanbul fin mai, on signerait sans problème pour être une petite souris au sein des échanges en avant et en après-match entre les différents dirigeants madrilènes, londoniens et mancuniens.

Une nouvelle (nouvelle) réforme de la Ligue des champions quasi inévitable
C'est aussi une des raisons pour laquelle les douze "dissidents" avaient lancé leur Super Ligue : la nouvelle formule de la Ligue des champions adoptée par l'UEFA ne leur convient guère. Cette nouvelle formule, censée entrer en vigueur en 2024-25, contient plus d'équipes (36), et une organisation bien différente (dix journées à disputer au premier tour, avec cinq matches à domicile et cinq à l'extérieur, un système de classement et de barrage pour déterminer les clubs qualifiés pour la phase à élimination directe, etc). En l'état des choses, face à la contestation populaire face à cette formule, et donc l'épisode choc de la Super Ligue, l'UEFA doit-elle déjà revoir une copie d'une future C1 adoptée en début de semaine ? Cela semble quasiment inévitable.
 
Y a-t-il eu des concessions cachées ?
Il serait bien trop simple de lancer partout que le football a gagné. Car on ose imaginer que les échanges ont été intenses et nombreux entre les différents clubs engagés dans la Super Ligue et l'UEFA. Des échanges... ou des négociations ? Difficile de croire que les clubs se sont vraiment couchés seulement face à la pression populaire. Il y a de ça, mais n'y a-t-il pas eu certaines concessions sur la suite ?
 
Une photocopie d'un problème plus profond
FF.fr en parlait tard mardi soir en évoquant une déconnexion totale ou presque de la réalité. Le lancement de cette Super Ligue, avec l'élan d'émotion et les vives critiques qu'elle a suscitées, illustre donc à quel point les dirigeants des clubs ou des sociétés sont loin, si ce n'est très, très loin de ce qu'il se passe réellement sur le terrain. Très loin d'être en phase ou au courant de ce que peuvent penser les supporters, les consommateurs et les suiveurs. Un constat souvent mis en avant en politique, entre les gouvernants déconnectés des réalités du peuple. Mais si on ne regarde que ce qu'il s'est passé en France depuis plusieurs mois, les exemples sont légions. Regardez à quel point Waldemar Kita, à Nantes, ou Frédéric Longuépée, à Bordeaux, semblent fermer complètement les yeux sur tout. La cicatrice Super Ligue pourrait-elle faire évoluer certains modèles pour ramener un petit peu d'humanité ?

Lire :
-La Super Chute

Le poids des supporters renforcé ?
En Angleterre, c'est clairement le poids de la pression populaire qui a fait abdiquer les différents présidents et propriétaires des clubs concernés par cette Super Ligue. Il fallait voir les messages avant Liverpool-Leeds, lundi, que ce soit à l'extérieur ou dans l'enceinte d'Anfield, ou mardi, avant Chelsea-Brighton. Les fans ont crié fort, très fort, et ont obtenu un début de victoire. De là à imaginer un poids et une importance renforcés au sein de chaque club ? Il n'y a qu'à lire certains communiqués, comme celui d'Arsenal : «Après vous avoir écouté, vous les supporters, et la communauté du football au sens large ces derniers jours, nous nous retirons de la Super Ligue. Nous avons commis une erreur et nous nous en excusons. Nous savons qu'il faudra du temps pour restaurer votre foi dans ce que nous essayons de réaliser ici à Arsenal.» De son côté, Joel Glazer, patron de Manchester United, a également reconnu qu'une meilleure communication avec les supporters était indispensable.
 
Peut-on s'attendre à des sanctions ?
Et maintenant ? On se fait une bise - de loin -, on sirote une pinte et on n'oublie tout pour repartir comme avant ? Il sera en tout cas très intéressant de surveiller le comportement d'Aleksandr Ceferin et de l'UEFA. Comment ne pas imaginer certaines sanctions après un tel événement ? Evénement qui pourrait se reproduire assez rapidement si les positions ne se rapprochent pas à l'avenir. Reste à imaginer la nature de ces sanctions : suspension d'une année de Ligue des champions ? Points en moins en Championnat ? Interdiction de recrutement sur une certaine durée ?

Lire :
-Le fil rouge dingue de la soirée de mardi

Un syndicat de joueurs fort paraît souhaitable
«S'il y avait un syndicat des joueurs, nous ne jouerions pas une Ligue des nations ou une Coupe d'Espagne en Arabie saoudite (...) Ces compétitions sont créées pour vider les joueurs physiquement et faire le plus d'argent possible.» Les mots sont signés Toni Kroos, en novembre dernier, sur le podcast Einfach mal Luppen. A l'instar, par exemple, de la NBA, aux Etats-Unis, voir les joueurs se rassembler autour d'un syndicat fort qui aurait un véritable poids dans les décisions comme celle de la Super Ligue. A l'image des joueurs de Liverpool et de l'Atlético Madrid, mais aussi de Kevin de Bruyne ou encore Marcus Rashford, on a pu évidemment constater que les prises de paroles des joueurs étaient quelque chose d'audibles. Que ce soit dans ce genre de décisions comme la Super Ligue, ou même au niveau des cadences infernales, les joueurs pourraient jouer un véritable rôle. Imaginez plutôt si un puissant syndicat de joueurs appelle à une grêve un jour. Sans joueur, la pyramide s'écroule.
 
Un intérêt renforcé pour les Championnats nationaux ?
Et si tout cela faisait les affaires, finalement, de notre bonne vieille Ligue 1 et des différents Championnats nationaux ? A l'échelle de l'hexagone, ne serions-nous pas tentés, face à ces considérations et ses enjeux financiers, de nous passionner encore plus pour notre chère Ligue des Talents ? Les stades vont bientôt rouvrir aux fans, le suspense, actuellement, pour le titre n'a jamais été aussi intense... On a beau aimer la critiquer, mais notre Ligue 1, on l'aime plus que tout.