Soccer Football - Premier League - Liverpool v Manchester City - Anfield, Liverpool, Britain - February 7, 2021 Manchester City's Bernardo Silva and Manchester City manager Pep Guardiola Pool via REUTERS/Jon Super EDITORIAL USE ONLY. No use with unauthorized audio, video, data, fixture lists, club/league logos or 'live' services. Online in-match use limited to 75 images, no video emulation. No use in betting, games or single club /league/player publications. Please contact your account representative for f (Reuters)

Un équilibre retrouvé, des nouveaux leaders de jeu, un coach qui a su se réinventer : comment Manchester City est redevenu la terreur de la Premier League

Vainqueur de ses 15 derniers matches toutes compétitions confondues, leader confortable en Premier League, Manchester City a retrouvé depuis la fin de l'automne son costume de patron en Angleterre. Un retour au sommet qui porte la marque de Pep Guardiola et de ses nouveaux leaders.

Jamais un club de l'élite anglaise n'avait accompli un tel exploit. Mercredi, en écartant Swansea en FA Cup (3-1), Manchester City a battu le record codétenu par Preston (en 1892) et Arsenal (en 1987) en signant une quinzième victoire consécutive, toutes compétitions confondues. Une série durant laquelle les Skyblues ont inscrit 40 buts et n'en ont encaissé que 5, et qu'ils avaient entamée par un succès de haute lutte face à Southampton, le 19 décembre (1-0). Avant cette partie, Pep Guardiola et ses protégés pointaient à la neuvième place en Championnat, à huit longueurs du leader, Liverpool. Deux mois plus tard, les Citizens ont atteint la finale de la League Cup, les quarts de finale de la FA Cup, ont repris place sur le trône en Premier League et comptent même dix points de plus que les Reds après avoir puni le champion en titre à Anfield (4-1) ! Revenu à un niveau brillant, le collectif mancunien a su gommer ses défauts tout en développant de nouvelles armes.

Une défense moins sous pression

Régulièrement exposée depuis de longs mois, notamment en transition, la défense de Manchester City a clairement passé un cap. Obsédé et ulcéré par la vulnérabilité de son équipe dans ce secteur de jeu, Pep Guardiola a opté l'été dernier pour un schéma plus équilibré, pour un bilan plus que positif. Son équipe concède moins de tirs, moins d'occasions nettes et moins de buts cette saison. En excluant les penalties, le ratio de buts encaissés en Championnat a même été divisé par deux ! Défense la plus imperméable de Premier League (14 buts encaissés en 22 matches) malgré cinq penalties sifflés en sa défaveur, la formation mancunienne a mis les barbelés, passant même 602 minutes sans voir ses filets trembler avant l'égalisation de Mohamed Salah le week-end dernier. Sans oublier qu'en Ligue des champions, elle n'a encaissé qu'un seul but lors de la phase de groupes...

L'effet Ruben Dias

Une progression franche et bienvenue, guidée par sa recrue phare de l'été dernier, Ruben Dias. L'international portugais a droit aux mêmes louanges qu'un certain Virgil van Dijk après son arrivée à Liverpool, preuve de son impact net sur les performances de son équipe. Courageux et précieux balle au pied, l'ancien du Benfica est surtout LE défenseur pur et dur et leader entraînant recherché par les Citizens depuis plusieurs saisons. La renaissance de John Stones à ses côtés n'est d'ailleurs probablement pas une coïncidence. «Ce n'est pas simplement quelqu'un qui joue bien, appréciait récemment son manager en conférence de presse. C'est aussi 90 minutes à parler, à communiquer, à indiquer à ses partenaires ce qu'ils ont à faire sur chaque action. Quand un joueur apporte tout ça, c'est difficile de l'enlever, il est indispensable.»

À vrai dire, l'arrière-garde de City laissait déjà peu d'opportunités à ses adversaires l'an dernier, mais celles-ci étaient bien plus dangereuses, et régulièrement facilitées par des erreurs individuelles. Si les mauvaises habitudes peuvent évidemment ressurgir (à l'image de... Ruben Dias face à Liverpool), elles sont clairement rangées au fond du placard. En 2019-20, Man City était la troisième pire équipe d'Angleterre en termes d'erreurs amenant un tir adverse (0,5 par match). En 2020-21, personne n'en commet moins (0,18). Inutile de chercher plus loin selon Guardiola : «C'est la raison pour laquelle on encaisse si peu de buts : les quatre défenseurs, peu importe qui joue, sont très solides, ils ne commettent pas d'erreurs.»

Cancelo, Gündogan et l'effet papillon

Et parmi ces quatre éléments, il y en a un qui ne se contente pas de (bien) défendre. Après une première saison discrète en Angleterre, Joao Cancelo s'est imposé au fil des semaines comme un rouage essentiel dans la mécanique mancunienne. Le latéral portugais incarne la dernière "trouvaille" en date de Pep Guardiola, qui l'utilise à l'intérieur du jeu quand son équipe a le ballon. Pas une nouveauté en soi, les Delph, Zinchenko ou Walker ayant aussi été utilisés ainsi, mais une option bien plus complète et efficace que les précédentes. Qu'il soit aligné à gauche ou à droite, l'ancien Intériste se recentre pour offrir des solutions nouvelles à la construction, perturber l'adversaire et apporter un équilibre quasi-constant à la perte, dans un "3+2" qui lui permet d'épauler Rodri en apportant sa créativité, comme de cacher les défauts de l'Espagnol grâce à sa vélocité. Un coup d'oeil à ses zones d'action cette saison (ci-dessous) permet de se rendre compte de son rôle si vaste et si précieux.

Pas de De Bruyne, pas d'avant-centre ? Pas de problème

Et son positionnement fluctuant n'est pas qu'un détail tactique. Il est au coeur du regain de forme de ce nouveau City, dans lequel Ilkay Gündogan a (re)trouvé un niveau flamboyant. Grâce à la présence de Cancelo dans l'axe, l'international allemand bénéficie d'un positionnement plus avancé et d'une liberté d'action renforcée. «La relation entre ces deux joueurs a été déterminante, notait Jamie Carragher il y a quelques jours sur l'antenne de Sky Sports. Lorsque Cancelo s'insère au milieu, cela signifie que Gündogan n'est plus un milieu reculé, mais un numéro 8, voire un numéro 10, toujours entre les lignes. Il multiplie les courses verticales et réclame constamment le ballon.»

Jusque-là à l'étroit dans un duo souvent contre-productif avec Rodri ou Fernandinho, Gündogan peut désormais contrôler le tempo et presser plus haut, tout en se déplaçant avec réussite dans la surface adverse dans un rôle qui peut rappeler celui que remplissait David Silva par le passé. Jusqu'à mi-décembre, l'ancien milieu à tout faire de Jürgen Klopp à Dortmund n'avait marqué qu'une fois en huit apparitions en PL. Depuis, il vient de signer huit buts en neuf matches ! Porté par ces nouveaux leaders, dont le niveau rejaillit sur leurs partenaires (Stones, Rodri, Sterling, Foden...), City a beaucoup moins souffert que prévu de l'absence de Kevin De Bruyne ces dernières semaines, mais aussi de celles, récurrentes, de Sergio Agüero et Gabriel Jesus en pointe.

Guardiola en constante réflexion

Pour arriver à ce retour en grâce encore fragile mais bien réel, Pep Guardiola a dû affronter quelques vents contraires et assumer ses choix. L'élimination face à Lyon en Ligue des champions au mois d'août (1-3), comme la gifle infligée par Leicester en septembre (2-5) avaient marqué les esprits, et cristallisaient les critiques autour du technicien catalan, entre une tendance à se renier et une incapacité à gommer les défauts si récurrents et si coûteux de son équipe. Il faut avouer que la question philosophique méritait d'être posée, Guardiola se montrant bien plus préoccupé au début de l'automne par la recherche de la stabilité défensive que par la redécouverte d'une attaque virevoltante. Son traditionnel 4-3-3 avec des relayeurs très offensifs a donc laissé place à un double pivot protecteur, qui a même parfois associé Fernandinho et Rodri. Curieux, déroutant, mais payant puisque son équipe s'est muée en coffre-fort. Guardiola voulait retrouver le contrôle, la possession sécurisante, quitte à mettre de côté la folie dans un premier temps.

Il manquait tout de même clairement l'étincelle dans cette équipe mieux structurée mais parfois trop scolaire dans ses mouvements dans le camp adverse, avec en point d'orgue un derby sans saveur ni ambition face à United, le 12 décembre (0-0). Depuis, donc, il a retrouvé la clé, disposé son nouveau puzzle, et son escouade a renoué avec le dynamisme et la variété, au fil d'un processus qui n'a pas fait dévier le coach de ses principes. Au contraire, il n'a eu de cesse de les rabacher. Pourquoi son équipe défend mieux ? Parce qu'elle conserve mieux le ballon, assurait-il. «Nous avons le ballon 67% du temps, voilà la raison de notre bilan défensif. Si vous avez le ballon le plus souvent possible, votre adversaire ne l'a pas. Peut-être qu'un jour les règles changeront, mais je crois que pour marquer, vous avez besoin du ballon...»

Pourquoi son équipe attaque mieux ? Parce qu'elle «court moins», expliquait Guardiola très sérieusement. «On courait trop, lâchait-il mi-janvier. Sans le ballon, il faut courir, mais quand vous l'avez, il faut rester en position et laisser le ballon courir, pas les joueurs.» En bref, à Manchester City, le ballon circule mieux, les joueurs courent mieux, l'équipe a su se montrer plus patiente, maîtriser le «tempo» si cher à son entraîneur pour mieux retrouver ses vertus. Dans un contexte et un calendrier bien moins favorables à l'intensité du pressing, y compris à City, la possession a retrouvé une importance majeure. Pas si étonnant que le principal bénéficiaire en soit Pep Guardiola, finalement. «Le football n'est pas forcément une suite logique, lançait-il récemment, interrogé par Sky Sports. Ce qui fonctionnait la saison dernière ne fonctionne pas forcément cette saison, et inversement. C'est ouvert, ça bouge, c'est comme un animal, ça se développe. Parfois dans un sens, parfois dans l'autre.» Pas question de se renier, plutôt de se réinventer.

Cédric Chapuis