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Robert Pirès raconte 5 moments forts à Arsenal et à Villarreal : «Rien de mieux que de gagner un titre chez ton ennemi juré»

Villarreal et Arsenal, qui s'affrontent en demi-finales de la Ligue Europa, c'est une sorte de "Pirèsico". Avec deux clubs chers à Robert Pirès. L'ancien international français raconte cinq moments marquants de son aventure londonienne et de son aventure avec le sous-marin jaune.

Mine de rien, Arsenal et Villarreal représentent dix ans de la vie de Robert Pirès (47 ans). L'international français aux 79 sélections avec les Bleus, champion du monde 1998 et champion d'Europe 2000, n'a pas hésité à décrocher son téléphone quand on lui a proposé d'ouvrir certains tomes de son histoire avec les Gunners (2000-2006) et avec le sous-marin jaune. Depuis son domicile d'Ibiza, Pirès raconte cinq moments de chacune de ses expériences inoubliables. En bonus, FF.fr lui avait proposé de composer son onze idéal avec des coéquipiers d'Arsenal et de Villarreal. Tâche trop compliquée : «Je vais te dire juste une équipe : celle des Invincibles, avoue-t-il. Il n'y avait pas mieux en Europe sur cette saison. Après, si tu regardes la liste des joueurs avec qui j'ai évolué à Villarreal, attention, c'est du très haut niveau. Juan Riquelme, Diego Forlan, Marco Senna, Alessio Tacchinardi, Santi Cazorla... Cazorla, je l'ai vu arriver à Villarreal. On est en pré-saison. Manuel Pellegrini l'intègre avec nous. Après le premier entraînement, je vais le voir et je lui dis : "Mais c'est qui lui ?" Il me répond : "Lui, il vient du centre de formation. Je pense qu'il peut être très bon." On ne s'est pas trompés. Santi respire le football qu'on aime : efficace et simple. Partout où il est allé, il a joué, il s'est imposé. Santi est très doué. Techniquement, c'est très, très fort. Riquelme, malheureusement, comme je me suis blessé, je n'ai pas pu beaucoup jouer avec lui. Je ne faisais que les entraînements. Riquelme, son point fort, c'était la vista. Il voyait très vite et comprenait très, très bien le football. Surtout le déplacement de ses partenaires. Mais au niveau du dosage, je crois qu'il n'y avait pas mieux. Le ballon, je peux te dire qu'il arrivait à chaque fois.»

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Pirès-Cazorla, une rencontre forte à Villarreal. (AS/CORDON/PRESSE SPORTS/PRESSE SPORTS)

Arsenal

Quand il devient un Gunner
«Je suis à l'Olympique de Marseille en 1999-2000. Ça ne se passe pas très bien au niveau des résultats. Et il y a Arsène Wenger qui commence à s'intéresser à moi. Même s'il a avoué qu'il me voulait déjà à l'époque où je jouais à Metz. Il a accentué l'effort parce qu'il savait qu'il allait perdre Marc Overmars. Lui, dans son esprit, le joueur qui serait susceptible de le remplacer, cela ne peut être que Robert Pirès (Il rit). Il y a l'Euro qui est arrivé. On a enchaîné. Je sais que je dois faire un choix entre le Real Madrid, la Juventus et Arsenal. Quand tu as ses trois noms du football, évidemment, ça fait plaisir. Il y a une certaine fierté par rapport à ce que tu fais sur le terrain. C'est la reconnaissance, c'est beau. Le choix a été très dur. Ce qui fait pencher la balance, c'est qu'Arsène Wenger m'appelle à plusieurs reprises et je sens qu'il me veut absolument. Je me souviens de la visite médicale : c'est le lendemain de la finale de l'Euro 2000 face à l'Italie. Au lieu de partir sur Paris avec l'équipe de France, je prends la direction de Londres. Arsenal m'affrète un avion privé. Je vais faire la traditionnelle visite médicale. Le docteur voit que je n'ai pas de problème, il approuve. Je signe et je repars à Paris rejoindre les autres. C'est rapide. Mon sommeil ? Je n'ai pas beaucoup dormi, c'est sûr (Il sourit). Mais ensuite, je pars en vacances, donc je peux récupérer.»

Robert Pirès, en août 2000 avec Arsenal. (Mark Leech/PRESSE SPORTS)

Lazio, le but qui soulage
«Mon premier but avec Arsenal, c'est, si ma mémoire est bonne, en Ligue des champions : Lazio-Arsenal. Je crois que c'est en octobre (Le 17 octobre exactement) et, du coup, ça fait loin du début de saison. Tu connais la presse : les gens commencent à s'impatienter parce qu'Arsène leur a fait croire que je suis capable de remplacer Overmars (Il rit) ! Mais, le problème, c'est que je ne marque pas un but. Les premiers matches, c'est très dur. C'est un changement radical : car même si c'est le même sport et le même métier, le fait de changer de pays n'a rien à voir. C'est beaucoup plus intense, beaucoup plus dur physiquement. Aux entraînements, avec les Anglais, c'est beaucoup plus rugueux. Je ne suis pas habitué à ça. J'ai un vrai temps d'adaptation. Je n'arrive pas du tout à m'adapter au football anglais. Ce but m'a fait du bien. Les supporters n'attendent que ça, surtout quand on te dit que tu es un joueur offensif... Ç'a été un peu long. Ça m'a fait du bien sur un plan personnel. Et on fait nul à la Lazio en égalisant en fin de match (1-1. Après l'ouverture du score de Pavel Nedved en première période, Robert Pirès égalise à la 88e minute avec une conclusion magnifique après une longue passe pied gauche tout aussi superbe de Sylvain Wiltord ; voir la vidéo ci-dessous). On repart de Rome avec un bon match nul (Et la qualification pour le prochain tour en poche au soir de cette quatrième journée de poules). (On lui indique que, ce jour-là, il entre en jeu à la 60e minute à la place de Ray Parlour) Bon coaching d'Arsène Wenger, on va dire ça (Il rit). C'est en décembre 2000 que je me suis senti vraiment à l'aise à Arsenal. Pas avant.»

2001-02 : Les trophées et une terrible blessure
«C'est une saison particulière sur un plan personnel. C'est le doublé avec Arsenal, avec le Championnat et la Cup. Mais, en mars 2002, je me blesse aux ligaments croisés, juste avant la Coupe du monde. Tout arrive en même temps. Je me blesse en mars, on est champion en mai. Et, d'ailleurs, je crois qu'on est déclarés champion et qu'on remporte la Cup la même semaine (Arsenal bat Chelsea en finale le 4 mai 2002, avant d'aller valider son titre quatre jours plus tard avec une victoire à Old Trafford, face à un Manchester United qui croyait encore au titre). Ç'a été hyper vite. C'était l'objectif d'Arsène Wenger. On a adhéré à ça. Le fait de faire le doublé est juste extraordinaire. La blessure ? C'était Arsenal-Newcastle (Quart de finale de la Cup) : on a gagné 3-0. Il y avait déjà, je crois, 3-0 au bout de vingt minutes (Exactement 2-0 après neuf minutes grâce à des buts de Robert Pirès et de Dennis Bergkamp ; Sol Campbell ajoutera un troisième but en seconde période). Un défenseur vient me tacler. Je l'évite, et mon genou fait le twist à la réception. Les croisés. Six mois. Tchao la fin de saison et tchao le Mondial. Un moment important dans ma carrière parce que c'est ma première grosse blessure. Et elle m'empêche, je pense, de jouer le Mondial 2002 avec les Bleus.»

Un titre validé chez l'ennemi
«Les Invincibles de 2003-04. Une date en particulier ? Je vais faire plaisir aux supporters d'Arsenal : c'est quand on a validé le titre de champion sur le terrain de Tottenham. Il n'y a rien de mieux que de gagner un Championnat chez ton ennemi juré (Il sourit). On gagnait 2-0, but de Patrick Vieira, but de Robert Pirès. Les Spurs égalisent à 2-2. On tient jusqu'au bout (Le 25 avril 2004). Ce qui est marrant, c'est qu'on est champion, il reste quatre matches. On est contents. On célèbre. Deux jours après, Arsène Wenger nous dit : "Maintenant, vous pouvez rentrer dans l'histoire." Tu peux supposer comment on est quand on est compétiteurs... Là, il dit : "Vous pouvez gagner le Championnat sans perdre un match." Ç'a été le deuxième objectif et une source de motivation. On est allés jusqu'au bout (Deux nuls et deux victoires pour conclure cette saison)

Pirès, Gilberto Silva et les Gunners célèbrent sur la pelouse de Tottenham. (Mark Leech/PRESSE SPORTS)

L'impuissance de Saint-Denis
«La finale de la Ligue des champions face au Barça (1-2). Sur l'expulsion (de Jens Lehmann, dès la 17e minute), l'arbitre prend une décision sur laquelle on n'est pas d'accord. Il aurait pu laisser l'avantage, avec Ludovic Giuly qui allait marquer dans le but vide. On aurait préféré être menés 1-0 et rester à onze contre onze. Il prend cette décision, coup franc et carton rouge sur Jens Lehmann. Et quand un gardien prend un carton rouge, il faut sortir un joueur... Et c'est moi qui sort. Finale de la Ligue des champions. A Paris. Le Stade de France était juste exceptionnel : moitié couleurs d'Arsenal, moitié couleurs du Barça. Sortir au bout de 17 minutes, c'est très dur. Mais ce qui est très, très dur, c'est de perdre cette finale. Sur le banc, tu ne peux absolument rien faire. Rien du tout ! L'après-match ? On est rentrés le soir même à Londres. Il n'y a pas un bruit dans l'avion. Je m'en rappelerai toujours. C'est incroyable le silence qu'il y a dans l'avion. Incroyable. Sur un plan personnel, je sais que c'est mon dernier match. Finir comme ça par rapport aux six années que j'ai vécues avec Arsenal, ce n'est pas si évident que ça.»

Robert Pirès, abattu après sa sortie avant la 20e minute de la finale de la Ligue des champions 2006. (Mark Leech/OFFSIDE/PRESSE SPOR/PRESSE SPORTS)

Villarreal

Le challenge qui plaît
«Le premier moment finalement, c'est l'intérêt qu'avait Villarreal. Notamment avec Manuel Pellegrini. Le fait qu'ils veulent absolument m'avoir. Ils se doutent que je suis en fin de contrat, n'ayant toujours pas resigné avec les Gunners. Il y a des discussions. Il faut faire un choix. Le fait qu'un club comme ça s'intéresse à moi est important. Cela me permet de connaître le Championnat espagnol après la France et l'Angleterre. Et, ça, je trouve que c'est plutôt sympa. A ce moment, j'ai 32 ans, je suis encore frais et je peux rendre service à n'importe qui. Villarreal me propose un contrat de deux ans. Je décide d'y aller. Je vois le parcours qu'ils sont en train de faire. On les a joués en demi-finales (De la précédente édition de la Ligue des champions ; Qualification 1-0, 0-0 d'Arsenal) donc je connais un peu les joueurs et le groupe. Quand je prends la décision, je sais où je mets les pieds. C'est pas mal.»

Pirès, époque Villarreal. (MIGUELEZ SPORTS/PRESSE SPORTS/PRESSE SPORTS)

Les croisés, deuxième édition
«Ç'a été rapide : ma blessure, les croisés, pareil. En tout début de saison. Je crois qu'on part en stage à Cadix vingt jours après mon arrivée pour faire un tournoi de pré-saison. Et, là, pareil : je saute face à un joueur et à la réception, cette fois, c'est le côté gauche (Il rit). C'est dur parce qu'ils ont misé sur moi. Je sais qu'ils ont fait un gros effort au niveau du salaire. Je vais être absent six à sept mois. Je ne suis vraiment pas bien à ce moment. Comme début, c'est très dur. Tu es hyper attendu... Tu as un nom, on vient te chercher pour essayer d'améliorer l'équipe, on croit beaucoup en toi... Tout bascule.»

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Quand le village mate la ville
«Les derbies contre Valence... Je m'en souviens d'un quand on a gagné 3-0. J'ai la chance de marquer un but. Mais au-delà du but, c'est l'atmosphère qu'il y avait. C'est au Madrigal (L'ancien nom du stade de Villarreal) et il y a une vraie rivalité entre Valence et Villarreal. Villarreal, en Espagne, est appelé "El Pueblo". Ça veut dire "Le village". Les gens disaient : "On va jouer contre le village." Ce n'est pas péjoratif, c'est comme ça. Villarreal, ce sont 50 000 habitants. Donc face à la grosse ville de Valence... C'était marrant. Ce 3-0 est juste fantastiques. Les supporters étaient hyper contents (19 janvier 2008, en Liga, victoire 3-0 avec des buts de Robert Pirès, Joan Capdevila et Nihat)

Manuel Pellegrini, une rencontre marquante pour Pirès à Villarreal. (FRANCOTTE/L'Equipe)

Une deuxième place historique
«On finit deuxième (Meilleur classement de l'histoire du sous-marin jaune en Championnat) derrière le Real Madrid en 2007-08. Cette saison-là, on tape tout le monde... sauf Madrid (Le Real termine avec treize points d'avance sur Villarreal qui compte dix longueurs de plus que le FC Barcelone, troisième). C'est pour ça qu'ils sont champions (Il rit). Pour un club comme Villarreal, c'est pas mal. Le fait de mettre le Barça à dix points prouve la régularité qu'on a. On fait une saison vraiment remarquable, à tous les niveaux. L'identité de Villarreal est toujours de produire un beau football. Les gens aiment toujours regarder cette équipe parce que cela va jouer au ballon. L'équipe ne va pas fermer le jeu, il va y avoir des buts, des espaces. C'est ce que veut mettre en place le président à l'époque. D'ailleurs, je me souviens qu'en 2006, avec Arsenal, en Ligue des champions, la seule équipe qui nous met vraiment en difficulté, c'est Villarreal. Ils ont su nous déstabiliser.»

Quand Pellegrini quitte le navire
«Le dernier moment, c'est le départ de Manuel Pellegrini (En juin 2009, après cinq saisons sur le banc de Villarreal, il prend en main le Real Madrid). C'est lui qui est venu me chercher. On a travaillé trois ans ensemble. Et je me suis aperçu que ma dernière à Villarreal a été hyper compliquée avec le fait d'avoir changé d'entraîneur. Quand tu as quelqu'un qui croit en toi, qui te fait jouer, qui te parle même si tu as 34-35 ans... A partir du moment où tu sens qu'il n'y a plus cette confiance, c'est terminé. Le départ de Pellegrini, sur un plan personnel, me fait mal. J'aime sa philosophie de jouer au foot, de s'entraîner. Je me suis régalé avec lui. Il y avait une vraie complicité entre lui et moi.»

Timothé Crépin