domenech (raymond) (A.Mounic/L'Equipe)

26 décembre - 10 février : Raymond Domenech à Nantes, chronologie d'un désastre

46 jours et puis s'en va : Raymond Domenech prend donc déjà la porte du FC Nantes. Retour sur un mois et demi bien mouvementé.

26 décembre : Il est de retour
Les temps sont durs du côté du FC Nantes. Le 8 décembre, alors que les canaris ne gagnent plus et que la zone rouge se rapproche irrémédiablement, Christian Gourcuff prend la porte. Il est remplacé, temporairement par Patrick Collot. Au lendemain de Noël, Waldemar Kita entérine son choix : le président du FCN nomme Raymond Domenech entraîneur numéro 1 de Nantes jusqu'à la fin de la saison 2020-21. Et ce, plus de dix ans après la dernière fonction de l'ancien défenseur, avec l'équipe de France et l'incroyable fiasco de Knysna lors de la Coupe du monde 2010. La surprise est immense. Avec aussi, et surtout, une certaine défiance vis à vis des capacités de Domenech à réellement relancer les coéquipiers de Nicolas Pallois.

Le Kita Circus

30 décembre : Le Kita Circus
C'est jour de première pour Raymond Domenech. Après les quelques jours de vacances pour l'effectif professionnel, ce 30 décembre marque la reprise de l'entraînement et donc la première séance pour le technicien de 68 ans. Alors que le calme semble régner, des supporters installés le long d'une route qui entoure le centre d'entraînement de la Jonelière commencent à diffuser un message à l'aide d'une sono. Avec un fond musical rappelant le cirque, on peut entendre : «Mesdames, messieurs, bienvenue au Kita Circus, le Kita Circus vous propose de nouveaux numéros incroyables. C'est également son nouveau spectacle de marionnette. Une dix-septième marionnette vient effectivement d'arriver au FC Nantes. La dix-septième en treize ans. Raymond Domenech va nous expliquer sa vision du football. De quoi nous faire marrer pour les prochains week-ends.» Et ce n'est pas fini : «Le Kita Circus vous propose son traditionnel numéro animalier. Onze chèvres vont être disposées un peu partout sur un rectangle vert et devront se passer un ballon. Exclusivement au Kita Circus, un spectacle qui dure depuis treize ans pour les petits comme pour les grands.» Ambiance.

31 décembre : «Ici pour me faire plaisir»
«Je n'espère qu'une chose : réunir tout le monde avec ce qu'on va montrer sur le terrain, parce que mon souci va être sur le terrain.» Première conférence de presse de Raymond Domenech en ce jour de Saint-Sylvestre. Une séance de questions-réponses face aux médias qui se fait sans aucun membre de la direction à ses côtés. «Je trouve que les joueurs sont bien dans l'esprit, ils ont envie. Ils se font plaisir», a d'abord loué Domenech pour un premier état des lieux de ses troupes. Avec également de nombreuses questions sur la reprise de sa carrière dix ans après. «Je suis venu ici pour me faire plaisir en premier, égoïstement.»
4 janvier : Un nouvel espoir
Les débuts de Domenech, c'est dans deux jours, et pas contre n'importe qui : face au Stade Rennais pour un affrontement toujours spécial. L'ancien entraîneur de Lyon y croit : «Pour le moment, je peux dire ce que je veux, c'est un groupe sain qui fait des efforts. J'ai regardé tous les autres matches, au niveau des courses et de l'investissement, les joueurs sont présents (...) Sur ce que j'ai vu, il y a peut-être un souci à jouer tous ensemble et à faire la même chose. C'est sur quoi je travaille déjà depuis quelques jours.» Avec l'envie de raviver une certaine culture jaune et verte : «On a l'image du FC Nantes qui était une culture de jeu et de la formation. Ça lui permettait quand même d'avoir des résultats de haut niveau. L'ADN de ce club est là, il est toujours là. Il faut le retrouver. On n'efface pas vingt ans d'identité d'un club comme ça. Il faut le faire refleurir un peu. C'est là-dedans qu'on va avancer.» Des paroles, beaucoup de paroles : désormais, place aux actes.

«Je suis venu ici pour me faire plaisir en premier, égoïstement.»

Raymond Domenech face à Julien Stéphan lors de son premier match avec le FCN. (N.Luttiau/L'Equipe)

Domenech et Maradona

6 janvier : Un premier nul encourageant
Vingt-sept ! Vingt-sept ans après son dernier match dirigé sur le banc d'un club de première division, Raymond Domenech s'asseoit sur celui de la Beaujoire. Face à Rennes, coach Domenech fait d'abord un premier choix avec l'instauration du 4-4-2 et notamment la fin du placard pour Kalifa Coulibaly. Une première période bien frileuse, avec des carences techniques pour véritablement se projeter. Nantes semblait vouloir d'abord se rassurer derrière. 0-0 au bout du compte, face à un Stade Rennais vraiment pas emballant non plus. «Au bilan comptable, cela ne fait qu'un point, constatait Domenech après la partie. Mais au niveau de ce que j'ai vu, de l'envie, la solidité, l'envie de jouer ensemble contre une belle équipe... C'est ce que j'ai envie de garder, une équipe qui avait envie, qui a joué ensemble, a défendu, a eu des possibilités de ressortir. Après un départ timoré, on a commencé à se dire que c'était possible. J'ai bien aimé ce que l'équipe a montré.»

Lire :
-Que retenir de la première de Raymond Domenech sur le banc du FC Nantes ?
8 janvier : La mauvaise blague
On a pu s'en rendre compte depuis ses premières prises de paroles, Raymond Domenech est toujours à l'aise quand on lui tend un micro. Sauf que, comme cela a pu lui arriver, le natif de Lyon peut aussi aller un peu trop loin, avec de l'ironie et de la provocation. A la veille d'un déplacement à Montpellier, l'entraîneur du FC Nantes est questionné sur la non-venue de Jean Lucas. Le milieu de l'OL, courtisé par les canaris, a choisi de rallier le Stade Brestois. Réaction de Domenech : «Il n'est pas chez nous, il est à Brest, point. C'est comme ça. J'aurais aimé prendre Maradona, mais il est mort, c'est comme ça.»

15 janvier : Domenech, Zidane et Neymar
«Je sens cette confiance qui s'installe», promet Raymond Domenech en conférence de presse, avant d'évoquer Zinédine Zidane au sujet de sa tactique : «Je me souviens du Real avec Zidane. A un moment les joueurs sont allés le voir pour lui dire d'arrêter de bouger et de changer l'organisation de jeu. Zidane a stabilisé et depuis ils ont eu toute une série de résultats derrière. Les joueurs ont besoin de cela, de cette stabilité. Ils ont besoin d'automatismes.» Au-delà de ses problèmes du quotidien en Loire-Atlantique, Raymond Domenech est également interrogé sur la situation actuelle autour du football. «On peut demander des efforts un peu à tout le monde et pas à sens unique, aborde-t-il au sujet des premières tractactions autour des baisses de salaires des joueurs. Les salaires des joueurs, il y en a la moitié voire les trois-quarts qui vont à l'État. C'est un constat chiffré. Neymar, par exemple, la moitié de son salaire est partagée entre nos hôpitaux, nos écoles et tout le reste. Ne l'oublions pas.»
17 janvier : Jamais deux sans trois
Et de trois : troisième match nul du FC Nantes version Raymond Domenech depuis sa prise de fonction. A la Beaujoire, Gaël Kakuta rate d'abord un penalty, avant que Imran Louza ne se manque pas dans l'exercice. Seulement voilà, le FCN recule certainement un peu trop et le même Kakuta se rachètet pour égaliser dans les dix dernières minutes. «On ne peut pas se plaindre», lâche Domenech après la rencontre au sujet du point du nul. Pas de défaite, certes, mais une victoire se fait attendre...

9 janvier : Le début de quelque chose ?
Dans un sondage pour RTL et Winamax, on apprend que 52% des Français interrogés ont une bonne opinion de Domenech. Pour 61% des sondés, il mérite une deuxième chance et d'entraîner de nouveau. Le même jour, chez un Montpellier pourtant bien mieux classé mais qui est en plein doute dernièrement, le FC Nantes offre l'ouverture du score sur une erreur défensive avant de parvenir à égaliser par un joli but d'Imran Louza en seconde période. Surtout, le FCN a donné une meilleure impression que son adversaire dans une soirée où des feux d'artifice venants des supporters de la Paillade sont tirés au-dessus de la Mosson. Les troupes de Domenech peuvent même s'en vouloir avec cette énorme occasion où Jonas Omlin s'interpose devant Randal Kolo Muani à vingt minutes du terme. Même si, de l'autre côté, Alban Lafont sauve également les siens dans le temps additionnel. «La passion est plus forte, réagit Domenech sur Canal+ à la fin de la rencontre au sujet de son retour sur les bancs. Si on part sur ça (NDLR : Il parle de la peur de revenir), on ne fait plus rien. Je me sens bien avec cette équipe. Les critiques, je les entends mais je suis passé à autre chose.»
Débat :

«Les salaires des joueurs, il y en a la moitié voire les trois-quarts qui vont à l'État. C'est un constat chiffré. Neymar, par exemple, la moitié de son salaire est partagée entre nos hôpitaux, nos écoles et tout le reste. Ne l'oublions pas.»

Le matin même, dans Ouest-France, il revient une nouvelle fois sur son retour au haut niveau : «C'est comme la bicyclette, ça ne se perd pas. Je suis un peu caméléon. Je me pose quelque part, j'y suis et je fais partie très vite du paysage. En plus, celui-là me va très bien parce que cette culture de la formation me correspond. Dans un club où il n'y a que des superstars, on manage différemment que dans un club familial. Ici, non, je suis chez moi.»

31 janvier : Toujours pas...
Même constat de fébrilité et d'impuissance pour le Nantes de Domenech lors de la réception d'un Monaco, il est vrai, en pleine bourre. L'ASM est assez tranquille, notamment devant un FCN qui s'avance avec une défense à cinq. Domenech bouge après le repos en lançant quelques joueurs offensifs mais rien de plus jusqu'au dernier quart d'heure et l'expulsion de Nicolas Pallois qui a eu l'effet de réveiller ses coéquipiers. Avec une réduction du score, mais pas de miracle. «Je ne me sens pas désarmé, dit Domenech après le match. Cette équipe a des ressources, des possibilités, à un moment, cela va venir mais ce n'est pas une autoroute qui se présente, plutôt l'Alpe d'Huez. Je n'ai pas vu d'abattement mais de la révolte. Ce club a besoin de sérénité, de retrouver de la confiance. Si moi je ne l'ai pas, qui va l'avoir ? Et on va y arriver. Cela ne sert à rien de se lamenter maintenant, il faut se battre.»
3 février : L'échange ironique sur Téléfoot
Une nouvelle fois, Raymond Domenech fait parler de lui derrière un micro. Cette fois, c'est sur Téléfoot alors que Nantes vient d'obtenir un match nul à Saint-Etienne. Interrogé sur un possible regret de s'être lancé dans l'aventure nantaise, Domenech répond : «Je dis la même chose à ceux qui sont partis et qui sont allés d'une chaîne à une autre et ils se posent aussi la question, ironise-t-il face à Pierre Nigay, ancien journaliste de La Chaine L'Equipe parti chez un Téléfoot qui s'apprête à fermer ses portes. On est à égalité.»

Au-delà de cette séquence très commentée, le FC Nantes de Domenech réalise peut-être ses meilleures 45 minutes lors du premier acte à Geoffroy-Guichard. Avec un but de Randal Kolo Muani, mais toujours sans victoire, car malgré les occasions nantaises, les Verts égalisent à l'heure de jeu. Mais, dans le jeu, il y a quelque chose à retirer de ce match côté FCN.
5 février : Quand Domenech bloque Bamba
Déjà lassé par le mercato d'hiver, Raymond Domenech fait l'objet de certains remords du côté d'Amiens. «Raymond Domenech avait donné son accord pour qu'il parte, regrette John Williams, le directeur sportif d'Amiens, au Courrier Picard, au sujet du faux départ de Kader Bamba. Puis il est revenu sur sa parole. Il a manqué de correction.» Réponse du principal intéressé ? «C'est leur problème, pas le mien.»
7 février : Toujours pas...
A la Beaujoire, le FC Nantes est de nouveau battu, cette fois par un Lille leader de la Ligue 1 et qui n'a pas eu à s'employer exceptionnellement pour prendre les trois points grâce à un doublé de Jonathan David. Une rencontre où des erreurs individuelles coupables donnent les deux buts. Avec toujours autant de carences et une certaine incapacité à vraiment se projeter dans le camp adverse malgré une légère réaction en seconde période. Fait marquant de l'après-midi : Domenech quitte le vestiaire à la pause et laisse ses joueurs ensemble pour tenter le coup de l'électrochoc. Toujours pas de victoire en première division pour Raymond Domenech depuis le 22 mai 1993. Et il ne le sait pas encore, mais cette marque va rester en l'état...
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«On est dans le dur»

22 janvier : Domenech, Deschamps et la planche
Raymond Domenech est interrogé sur tous les sujets lors de ses conférences de presse. Ce 22 janvier, il est questionné sur la capacité de Didier Deschamps à tenir la planche pendant une heure comme il l'avait révélé, l'entraîneur du FC Nantes répond : «Oui, il m'avait dit ça. Je lui avais dit : "Mais tu fais quoi pendant ce temps-là ? Tu lis ?'' Moi, j'ai du boulot, je n'ai pas de temps à perdre.» Avant de préciser avec le sourire pour éviter toutes polémiques : «Vous ne le mettez pas c'est de l'humour.»
24 janvier : Cette fois, ça ne passe pas
Elle semblait inévitable, là voilà : à Metz, face à Farid Boulaya et Aaron Leya Iseka, Raymond Domenech enregistre sa première défaite depuis son retour (0-2). Cela fait douze matches de suite sans l'emporter. Pire série de l'histoire du club. La dernière victoire ? Le 8 novembre ! «Jusqu'à présent on pouvait parler de qualité de jeu, de construire quelque chose mais maintenant on est dans le dur, prévient Domenech. Et il faut que les joueurs le sachent et qu'ils en soient conscients.»

25 janvier : L'escapade qui passe mal
Nantes atteint donc un record de médiocrité et Raymond Domenech choisit de sécher le décrassage. C'est 20 Minutes qui révèle l'information. Selon le site Internet du quotidien, Domenech a privilégié «une escapade personnelle à Paris au détriment du club». L'entraîneur n'aurait donc pas géré le décrassage de lendemain de match mais surtout, il n'aurait pas «assisté à une réunion au sommet entre certaines éléments considérés comme des cadres et la direction, raconte encore 20 Minutes. Une absence regrettée par les joueurs.»
29 janvier : Domenech et le mercato
Bien mal en point, le FC Nantes voit Mehdi Abeid partir à Al Nasr à trois jours de la fin du mercato d'hiver. «C'est un peu gênant, ne se cache pas Domenech. J'attends lundi soir (NDLR : fermeture du mercato) avec impatience, moi qui milite depuis des années en disant que ce mercato d'hiver est une aberration. On devrait le supprimer, car économiquement et sportivement, il n'a strictement aucun sens, aucun intérêt. On devrait le limiter à un joueur, un joker en cas de blessure ou de manque, mais pas plus.»

«Je ne me sens pas désarmé. Cette équipe a des ressources, des possibilités, à un moment, cela va venir mais ce n'est pas une autoroute qui se présente, plutôt l'Alpe d'Huez.»

Pas de victoire en première division depuis le 22 mai 1993.

9 février : A l'isolement
Il ne manquait peut-être que ça. Imbroglio autour d'un test Covid-19 pour Raymond Domenech. Après un test positif, puis un autre négatif, l'entraîneur de Nantes doit tout de même se mettre à l'isolement pour sept jours. Pas vraiment le meilleur moment pour ça... Le même jour, en conférence de presse de veille de match, il promet : «Si vous pensez que je risque d'abandonner, la réponse est claire : c'est non.»
10 février : C'est la fin
Nantes reçoit donc Lens en 32es de finale de Coupe de France sans son entraîneur sur le banc. Avec une claque au bout du compte (2-4). Mais qualification ou pas, le destin de Raymond Domenech semblait réglé. Télénantes, 20 Minutes et L'Equipe ont au fur et à mesure de la journée annoncé la fin d'aventure de l'ancien sélectionneur. Il ne manque plus que l'officialisation alors que le nom d'Antoine Kombouaré est évoqué pour lui succéder. Le 31 décembre, lors de sa première conférence de presse, Raymond Domenech était questionné par les journalistes : «Nantes sera-t-il votre dernier club ?» Réponse, à l'époque : «Je ne me pose pas la question.» Au regard de ce fiasco de 46 jours, ce pourrait bien être le cas...

Lire :
-Domenech out, Kombouaré in ?